Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Roger Mühl
La modernité sereine
![]() Roger Mühl Roger
Mühl a su mettre du talent dans son œuvre; un talent qui s’est imposé
irrésistiblement à deux moments-clés de l’existence: sa scolarité et le
lancement de sa carrière. Il a mis du génie dans sa vie en créant dans
l’enthousiasme, sans lequel on ne fait rien de grand. Roger Mühl est né le 20 décembre 1929 à Strasbourg dans une
famille de graveurs. «Au XVIIIème siècle,
nous étions déjà des artistes», aimait-il à préciser. Il a passé son
enfance dans le petit village de Krautwiller, à 18 km de sa ville natale. Il
grandit en liberté dans ce hameau paisible, niché au milieu d’une campagne dont
il découvre et apprécie tous les secrets. Ce qui explique le besoin qu’il
éprouvera de «vivre au contact de la
flore et de la faune agreste, une faim jamais assouvie d’horizons dégagés»
(1)
Seules l’influence de sa famille et celle de ses petits camarades le
marqueront. A l’école communale de Krautwiller, il est l’élève de son père,
instituteur. ![]() Chemin
de Krautwiller Huile
sur toile, 46 x 38 cm (1950-60) A l’âge de dix ans, il entre au lycée Kléber de Strasbourg,
où il se rend chaque jour en passant par Brumath. Son attirance pour la nature
s’épanouit dans sa vocation précoce pour le dessin et la peinture. Ses loisirs
se partagent entre les croquis, les esquisses aquarellées; il s’applique à des
portraits; il se plaît aux travaux des champs à la ferme de son oncle, gardant
les bêtes au pâturage, participant aux moissons. «La moisson… Que de fois, se souvenant de son enfance, ne l’a-t-il pas traitée
dans ses gouaches ou huiles, transfigurée par sa vision particulière en volumes
enrobés d’une poussière d’or, aux chromes vibrants d’une intensité majeure, à
l’apogée du pur éclat, y faisant passer en une magistrale synthèse tous les
frémissements de la nature.» (1) ![]() Moissons
en Alsace Huile
sur toile, 100 x 50 cm (1961-70) Les années sombres de la Deuxième Guerre Mondiale le
marqueront comme elles ont marqué tous les jeunes de sa génération.
L’adolescent, qui a 16 ans à la Libération, entre en classe de Seconde. Privé
pendant quatre ans de la pratique de sa langue maternelle, il se trouve
handicapé comme la plupart des jeunes Alsaciens. Or, il s’agit de passer le
bac; ce qui ne s’avère pas évident. De fait, il consacre à la peinture la majeure partie de son
temps libre. «Il s’y adonne avec d’autant
plus de fougue qu’il a secrètement conscience de l’épanouissement graduel de son talent.» (1) Il
acquiert la technique et, pour le moment, s’applique à reproduire fidèlement,
scrupuleusement, les images que la vie lui transmet. Cependant, pointe déjà
l’affirmation de sa personnalité. Un incident heureux va mettre un terme à l’inquiétude que
lui cause l’obtention du bac. Son professeur venait d’acheter chez un marchand
strasbourgeois de couleurs, à l’enseigne de «La Palette d’Or», deux tableaux
signés Mühl… «Intrigué par la similitude
des noms, il demanda un jour à son élève s’il ne se trouvait pas, dans sa
famille, un peintre de ce nom. Quelle ne fut pas sa surprise d’apprendre que Roger en était l’auteur; il lui conseille
sans détours, vu l’impossibilité qu’il aurait de rattraper son retard en
français, de se vouer entièrement aux arts.» (1) C’est ainsi, qu’à l’initiative d’un pédagogue clairvoyant,
Mühl s’inscrit à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg. Il y reste trois
ans, de 1947 à 1949. Elle est, alors, sous la direction de Louis-Philippe Kamm.
Il est l’élève de Gustave Lehmann, aquarelliste, décorateur d’églises,
notamment… Il conservera de son maître un souvenir inaltérable de
reconnaissance. A l’EADS, il se lie d’amitié avec un étudiant nommé
Jean-Pierre Haeberlin dont il ornera plus tard le restaurant de ses plus
grandes toiles. Aujourd’hui, grâce à cette amitié, l’Auberge de l’Ill à
Illhaeusern est devenue l’un des plus beaux restaurants-galerie du monde ![]() Jean-Pierre,
Marc et Paul HAEBERLIN ![]() Paysage
de Provence Huile
sur toile ornant l’Auberge de l’Ill Jean-Pierre qui nous offre son aimable témoignage: «C’est en 1947, à l’école des arts
décoratifs de Strasbourg que j’ai fait la connaissance du benjamin de la
Section Peinture: Roger Mühl. Notre camaraderie d’abord, s’est vite transformée
en une profonde amitié qui n’a cessé
de se confirmer au fil des années.» (2) En 1948, Roger Mühl entre dans la revue «Barabli» de
Germain Muller comme décorateur et régisseur de plateau tout en fréquentant
l’EADS en tant qu’élève libre. Cet intéressant épisode est interrompu par le
service militaire qu’il effectue de 1950 à 1952 dans les casernes de Belfort,
Auxerre et Nevers, avant d’être appelé à des tâches monotones dans les bureaux
de la cartographie de la Défense Nationale. Libéré des obligations militaires, il retrouve un temps, en
1953, le «Barabli»; il tient les mêmes fonctions au «Théâtre Central». A la
demande d’un architecte local il réalise des décorations dans des écoles
d’Alsace et, à l’instigation du ministre de l’Education Nationale, en Bretagne
et en Normandie. A cette occasion, il invente une technique de ciment coloré
dans la masse où toutes les nuances peuvent s’affirmer. L’événement marquant de 1953 est sa première exposition
personnelle à la Maison d’Art Alsacienne à Strasbourg et Roger Mühl a la
satisfaction de voir le MAMCS acquérir deux de ses gouaches. En 1954-55, il est
à Paris où il réalise la décoration murale d’écoles. Il en profite pour visiter
assidument les musées, attiré par les éminents modernes que sont, à divers
titres, Delacroix, Van Gogh, Manet, Picasso, Braque, Villon… En 1956, son destin se détermine: il se marie avec
Jacqueline Friez, affectueusement appelée «Line», la fille du vétérinaire de
Montreux-Château, dans le Territoire de Belfort, où il vivra une quinzaine
d’années. Elle deviendra sa muse. Cet événement heureux donne un nouvel élan à
sa peinture, il en hâte le développement. ![]() Line Huile
sur toile (1970), 150 x 160 cm A partir de 1955, il s’engage dans une nouvelle phase de sa
vie: celle des voyages à l’étranger, «c’est
ma femme qui me pousse», avoue-t-il, qui le mèneront en Hollande, en
Allemagne, dans les pays scandinaves, en Espagne et surtout en Italie où il se
rend plusieurs fois, attiré par l’art des Quattrocento et Cinquecento. Mais
c’est Florence qui l’enchante, ses monuments, son Musée des Offices… ![]() Venise Huile sur toile, 100x81 cm (1961-70) Les années 1955 – 58 vont leur petit bonhomme de chemin,
avec, cependant, une exposition personnelle à Fribourg et plusieurs commandes
de décorations. Roger Mühl travaille beaucoup pour le 1% artistique que doit
comporter tout projet d’édifice public, à Mulhouse, à Ittenheim, au temple
d’Ostheim, à la mairie de Mittelwihr, au temple d’Illhausern…. Il décore des
Boeings, crée des vitraux, travaille à Aubusson pour produire des tapisseries… L’architecte et le pasteur d’Ostheim confient à Roger Mühl,
en 1956, l’aménagement du chœur. «On me
demandait, rapporte-t-il, d’y insérer
les éléments matérialisant en quelque sorte la rencontre de Dieu avec les
hommes: fonts baptismaux, autel, chaire. C’était à la fois facile de suivre la
voie tracée, et très difficile: ainsi le grand mur du fond en pierre de
taille brute, si imposant, monumental, risquait d’écraser une forme trop
classique. […] Dans cet ensemble, pas de croix de bois ou de fer forgé, trop grêles.
Seule une croix de pierre, au Christ gravé, pouvait marquer l’unité profonde
entre les trois éléments… […] Sur le pignon Nord, un grand Christ en fer forgé
étend ses bras bénissants…» Ce précieux témoignage de l’artiste prouve son sens affiné
de l’esthétique et sa conscience aigüe de la mission qui lui était confiée. ![]() Christ gravé ![]() Christ
en fer forgé du temple d’Ostheim 1959 est à marquer d’une pierre blanche. C’est la rencontre
d’un marchand de tableaux parisien qui va lui ouvrir toutes grandes et d’emblée
les portes de la renommée. En visite chez le docteur Friez, beau-père de Roger,
collectionneur de tableaux, il tombe en arrêt devant une petite gouache signée
Mühl. Le tableau lui plaît, mais il dit ne pas connaître le nom de l’artiste. «Il s’agit
de mon gendre», lui apprend le docteur Friez qui l’invite, séance tenante à
visiter l’atelier de Montreux-Château. Il est enchanté des toiles qu’on lui
montre et touché par la modestie de la réponse de Roger à la question: - Avez-vous déjà exposé? - Oh, très peu, une fois à Strasbourg et une fois
en groupe à Fribourg, mais ça n’a pas donné grand-chose. Je n’ai pas assez muri
mon travail.» Il
emporte des toiles pour les exposer chez lui. Et, très vite, «un lien étroit de sympathie et de confiance mutuelle s’établit entre les
deux hommes.» (1) ![]() Docteur
FRIEZ, Papy Huile
sur toile (1960-73) Une exposition particulière est organisée à la «Galerie de
Paris», le 6 juin 1960. C’est un succès éclatant qui dépasse toutes les espérances. D’autres
expositions se succèdent à Paris, puis à New-York qui répondent pleinement aux
attentes de l’artiste. Sa renommée naissante prend de l’ampleur. L’Etat lui
achète, en 1960, la toile intitulée «L’Atelier». Il est sélectionné à la
célèbre Galerie Charpentier pour figurer parmi les peintres de «l’Ecole de
Paris» qui brille de ses derniers feux et qui était censée faire de Paris un
centre d’art de premier plan. Puis, il est sélectionné à la Galerie Saint-Placide,
pour le Prix de la Critique. En 1961, il obtient le prix «Prestige des Arts» Avec Mühl, la province prend sa revanche sur la capitale.
Qu’un peintre, retiré dans sa contrée, capte l’attention d’un marchand de
tableaux parisien de renom et soit suivi par la critique, les amateurs d’art et
un large public de connaisseurs est un phénomène rare dans un marché de l’art
très figé et prouve de façon irréfutable le talent exceptionnel de Roger Mühl. C’est à cette époque qu’il s’adonne à la lithographie. A
l’occasion de son exposition à Paris, il découvre l’atelier de Fernand Mourlot,
maître imprimeur-lithographe, Installé rue Barrault dans les années 1960, puis
rue du Montparnasse en 1976, qui a accueilli Matisse, Braque, Bonnard, Miro et
qui est l’imprimeur attitré de Chagall et de Picasso. C’est au contact de ces
grands maîtres qu’il se familiarise avec cette technique qui le passionne et
qu’il a, depuis, parfaitement assimilée. L’oeuvre lithographié de Mühl occupe
une place prépondérante dans l’histoire de l’estampe contemporaine, souligne
Charles Sorlier, graveur, qui exerça son
art à l’atelier Fernand Mourlot à partir de 1948, durant plus de quarante ans. Charles Sorlier possède plusieurs tableaux de Roger Mühl,
dont un grand paysage provençal. «Lorsque
l’agitation de la vie quotidienne me déprime par trop, a-t-il écrit en
1986, je me sers un pastis bien frais,
m’installe confortablement devant cette toile et j’entends aussitôt la
stridulation des cigales… A ta santé, Roger…» Comme Roger Mühl se rendait régulièrement chez Mourlot, il
a acquis un appartement à Montparnasse. Roger aimait Paris. Il a consacré
plusieurs tableaux à ses quartiers emblématiques. ![]() Rue
de Paris, le matin Huile
sur toile La lithographie le conduit à réaliser une œuvre intimiste à
travers l’illustration de livres, notamment «L’Aventure occidentale de l’Homme»
de Denis de Rougemont, dans le cadre du Prix littéraire organisé chaque année
de 1965 à 1975 environ, par le Prince de Monaco. L’exemple, ci-dessous, est
dédié à Guy Bardone, son ami peintre de Saint-Claude. ![]() Les
Vosges, 1973 Pastel
gras Il a illustré des œuvres de Marcel Pagnol (1978),
d’Albert Camus, la même année, ainsi que des livres de recettes des grands
chefs français: Bocuse, Chapel, Troisgros, Vergé, Haeberlin, tous devenus ses
amis fidèles, tous ayant leur portrait dans la cuisine d’hiver de la maison de
Mougins. ![]() En effet, en 1965, il gagne la lumière de la Côte d’Azur,
s’installant d’abord à Grasse, de 1965 à 1975, dans une vieille bergerie, et
ensuite à Mougins dans le bâtiment cossu et élégant de l’ancienne poste, datant
du 18ème siècle, qu’il aménage avec un goût raffiné et dont il conserve
soigneusement la boîte aux lettres de Picasso qui emménagea, en juin 1961 à
Notre-Dame de Vie, une villa provençale isolée sur une colline de Mougins et
qui y mourut le 8 avril 1973. ![]() Campagne
de Grasse Huile sur toile, 160 x 150 cm (1971-80) ![]() Roger
MÜHL à Mougins Il y coulera des jours heureux entre Line et leurs deux
fils, Patrice et Richard. Patrice, diplômé de L’Ecole du Louvre deviendra
expert en œuvres d’art des XIXème et XXème siècles et se consacrera à
promouvoir l’œuvre de Roger Mühl et à perpétuer sa renommée. Richard connaîtra
un sort tragique; participant en tant que photographe de Paris-Match, à
l’expédition «Africa Raft» de Philippe de Dieuleveult, il meurt assassiné sur
le fleuve Zaïre, le 6 août 1985. ![]() Roger
Mühl entouré de ses fils, Patrice et Richard ![]() Jardin
à Mougins Aquarelle
(vers 1992) A Mougins, Roger Mühl aime «voyager» dans son jardin. Il en
témoigne avec plaisir dans le message qu’il adresse en 1987, à ses hôtes lors
de son exposition au Japon, à l’Art Center Hall de Tokyo, émerveillé par
l’amour et le respect de la nature qui caractérise le peuple japonais: «A Mougins, chaque matin, avant de monter à l’atelier, je consacre plusieurs heures
à mon jardin. Je l’entretiens moi-même et y puise une nourriture sans cesse
renouvelée au rythme des saisons. Dans le midi de la France, poursuit-il, les jardins sont au printemps qu’immenses
bouquets de fleurs blancs, roses, bleus, ponctués par le feuillage argenté des
oliviers et plus sombre des orangers. L’été, l’arrière-pays est blanc, écrasé
de soleil, et la mer, d’un bleu profond, se confond avec le ciel. Puis vient
l’automne et sa lumière dorée…» (3) «Les thèmes de la nature sont nombreux et essentiels, affirme Roger Mühl. Je me souviens qu’un jour, je peignais la campagne provençale pour la première fois. Mais, j’étais tellement intoxiqué par les Vosges que je croyais avoir peint le Ballon d’Alsace et non l’Esterel». C’est dire combien le pays natal est resté présent dans son cœur. En témoignent ces paysages qu’il a interprétés selon sa propre vision des choses. ![]() Les
Vosges Huile
sur toile (100 x 50 cm) ![]() Village Huile
sur toile, 46 x 38 cm (1950-60) Cet amour de la nature que Roger Mühl ressent au plus
profond de lui-même, remonte à son enfance bucolique. Son maître de l’EADS,
Léon Lehmann, l’a assurément amplifiée, l’emmenant souvent dans les jardins de
l’Ecole. «Il le faisait dessiner sur
place des arbustes et des plantes sauvages en insistant sur l’élégance des formes, le rythme intérieur, afin que
l’élève saisisse mieux leur fonction.» (1) Tout
en lui laissant sa liberté d’expression, Lehmann lui apprend les arcanes du
dessin. C’est par le dessin qu’il étudie les métamorphoses de la nature, par
lui qu’il l’interprète et la reproduit à la lettre comme en témoignent les
nombreuses études de plantes et d’herbes sauvages agrandies sur format grand
aigle, lui donnant ainsi la possibilité de «saisir
l’élément vital qui préside au rythme de croissance. Ces travaux lui font découvrir des formes nouvelles et
inattendues.» (1) ![]() Croquis
préparatoire Crayon ![]() Amandier Huile
sur toile, 120 x 130 (2007) ![]() Oliviers Huile
sur toile, 160 x 150 (1981-88) ![]() Pin
maritime Huile
sur toile, 110 x 120 (expo 2007) Roger Mühl n’est pas qu’un œil. Sa peinture figurative est
remarquable, justement, par son attention aux rythme profonds de la nature «Il les exprime en temps forts et faibles,
touches vives et sourdes, traçant ainsi ce qui existe et ce qui se métamorphose sans cesse, invisible à nos
yeux, si évident aux siens.» (4) Sa
vision se teinte d’imagination sans abandonner le réel
au profit d’un mythe. Ainsi, les images qu’elle enrichit ne
frisent que
rarement l’abstraction; si ce n’est, entre autre, par un
rapprochement, peut-être
fortuit, avec Nicolas de Staël, le peintre le plus en vue dans les
années 1950,
dans des «compositions» en gris et bleu, d’une
organisation subtile et statique
à l’intérieur d’une palette réduite,
obéissant à la règle stricte des valeurs. ![]() Antibes Huile
sur toile, 162 x 130 (1971-80) ![]() Port
de Strasbourg Encre
de Chine, craie grasse et aquarelle, 1957 ![]() New-York Huile
sur toile (1961-70) Dans son évolution, Roger Mühl va vers des formes plus
libres, plus généreuses. Ses tableaux se caractérisent par une grande
simplification. Sa peinture reste figurative, mais moderne. Michel Bohbot, dans
le catalogue de l’expo de Findlay, écrit: «Il
traque et découvre dans chaque composition le lieu de genèse…et nous y
conduit…Son œil écarte le pittoresque au profit de l’essentiel. Une vision en
abrégé sur une recherche des courants, soucieux de rendre les puissances nées
de la rencontre du sujet et de la sensibilité de l’artiste.» La
simplification des masses met en exergue
les lignes d’architecture à partir desquelles ne subsistent que liberté d’esprit
et pureté des lumières, constate Gérard Blaise. ![]() Maisons
à Antibes Huile
sur toile, 110 x 120 (2007) ![]() Printemps,
vallée du Rhone Huile
sur toile, 114 x 146 (2007) ![]() Lac
de Saint-Cassien Huile
sur toile Christine Gleiny, dans sa précieuse étude de 1963, souligne
«Qu’alors que l’expression de la couleur
était recherchée par l’adjonction d’un contour sombre, l’emprisonnant pour la
mettre en valeur suivant le principe du clair-obscur, l’entreprise, dès lors,
consiste à trouver dans les vertus intrinsèques de la couleur, et en elles
seules, le moyen d’en exalter l’éloquence». Les confidences du
peintre nous guident à ce propos: «Je
pense que chaque sujet a sa couleur propre. L’essentiel est de la dégager. Le
plus important est son mûrissement. Il ne s’agit pas de faire vivre une
couleur avec une complémentaire ou une
opposée, mais, par des couches superposées qui lui donnent sa respiration
intérieure, elle doit se suffire et vivre en elle-même.» ![]() Fleurs
rouges Huile
sur toile (1960-70) ![]() Calanques Huile
sur toile, 160 x 150 (1981-88) ![]() Automne Huile
sur toile 150 x 160 Grâce à cette savante élaboration de la couleur, «célébration saisissante par lavis successifs qui organisent, caressent,
accentuent, touchent au plus» (5), ses
tableaux se distinguent par un coloris d’une exceptionnelle douceur, toujours
harmonieuse. Roger Mühl est un «dégustateur
de couleurs, un œil gourmet», se plait à dire Guillevic en 1992, à propos
des «Aquarelles d’un été». Il est aussi et peut-être surtout, selon le même
critique, «un peintre requis par la
lumière», l’ayant suivi dans une saison à la fois bretonne et provençale,
chantant les vagues d’Ouessant et les pins de Mougins, «sur un fond de lumière exaucée». ![]() Lumière
du matin, Bretagne Huile
sur toile, 114 x 146 (2007) ![]() Huile
sur toile, 80 x 85 Cette lumière éclatante de pureté qui est le principal
mérite de Roger Mühl, semble l’habiter. Il en résulte «de véritables symphonies en blanc qui, de par la difficulté de la
tâche entreprise, donnent la pleine mesure de son immense talent.» (1) ![]() Intérieur
blanc Huile
sur toile, 80 x 85 ![]() Rochers Huile
sur toile, 120 x 130 ![]() Huile
sur toile A l’origine de ces admirables taches colorées de lumière,
il y a cette pâte qu’il élabore avec attention et délicatesse et qu’il sait
rendre mystérieusement lumineuse. C’est, concrètement, d’une impressionnante
palette en forme de double cratère que naît sa peinture en «fusion», l’un,
immaculé, l’autre, fourmillant de mille nuances agglomérées. ![]() Roger
MÜHL dans son atelier ![]() La
palette ![]() Le
chevalet Lithographie Avant de peindre une toile, il établit une ligne directrice.
Il ne peint que rarement directement sur le motif sans préparation stricte se
rappelle son ami Jean-Pierre Haeberlin. «Il
fait des croquis, en rapporte l’idée, a-t-il expliqué à Christine Gleiny, et cela même pour le portrait. La toile
terminée, il la compare au modèle. Après s’être imprégné du grand concert de la
nature, il la recompose en y faisant
passer ses émotions, ses sensations de sorte que le réel, transcendant
d’emblée la reproduction trop monnayée, rejoint l’imaginaire pour de merveilleux
éblouissements. Le subconscient apporte son concours à ces équivalences
plastiques du réel décanté, mais au lieu de stimuler le lyrisme, il agit,
contrairement à son habitude, comme élément modérateur» (1) ![]() Portrait Huile
sur toile Car Roger Mühl ne refuse pas l’ordre vital du monde. Il
s’en imprègne dans la plus «libre
respiration, la plus agissante ouverture sensorielle dont il soit capable»
(5) Sa
conception de l’art exige qu’il s’efface pour être présent à l’intérieur de
soi, qu’il renonce dans sa quête d’une impeccable limpidité à toute «coruscance»,
à toute «boulimie». ![]() Jardin
printanier, mimosas Huile
sur toile ![]() La
Saône à Collonges-au-Mont d’Or Huile
sur toile, 97 x 162 cm (2007) Par
le dialogue entre le réel et lui, il affirme son
«moi».
Dans sa peinture qui subit un dépouillement rigoureux, une
«décantation
raisonnée», se reflète son état
d’esprit. «Homme d’un calme marmoréen»,
il a
su, malgré le succès, garder sa simplicité, un
solide bon sens garant d’un égo
conciliant. Ce que confirme son portrait physique que nous devons
à Christine
Gleiny: «En voyant Roger Mühl on sourit à
la pensée de certains traits, véritables poncifs caricaturaux dont on aime à
affubler les artistes. Notre peintre n’a pas le cheveu en désordre, l’œil
hagard et le propos inintelligible.
Grand et solide gaillard, aux gestes sobres, au visage réfléchi, il respire
l’équilibre et a soin de sa personne.» ![]() Roger
MÜHL préparant l’exposition de Tokyo de 1987 Roger Mühl réalise principalement des peintures à l’huile
tout en faisant plusieurs expositions d’aquarelles. «A ses débuts, il utilise également la gouache. Il fait des dessins à
la plume et à la mine de plomb, ainsi que des lavis, des lithographies et des
gravures à la mine de plomb, des décorations murales, […] des vitraux et des
illustrations de livres.» (4) ![]() Village
en Alsace Lithographie,
lavis d’encre de Chine, 1956 L’ensemble de son œuvre comporte essentiellement des
paysages, des natures mortes et des portraits. Elle est variée et originale
dans la mesure où il procède par thèmes. C’est, d’ailleurs, selon ce critère
qu’il classe, dans son atelier, ses dizaines de toiles, ébauches et esquisses, «par exemple la forêt, la rivière, les
Alpilles, les vieux villages, les
maisons, la Bretagne, la piscine avec des nus» (4) et
plus singulièrement la gastronomie qui l’amena à brosser les portraits des
chefs célèbres et à peindre des tableaux consacrés aux cerises, aux
champignons, aux citrons, aux radis, à l’assiette aux asperges, aux pommes
vertes… ![]() Les
Alpilles Huile
sur toile ![]() Nu Huile
sur toile, 38 x 40 cm (1971-80) ![]() Nu devant la fenêtre Aquarelle (1992) ![]() Paul
Haeberlin en cuisine Huile
sur toile ,220 x 130 cm (1981) ornant l’Auberge de l’Ill ![]() Chou Huile
sur toile, 40 x 38 cm (1971-80) ![]() Huitres Huile
sur toile, 32 x 30 cm Toutes les galeries du monde l’ont accueilli. «Il a exposé à la Galerie de Paris, chez
Lucile Manguin, la fille du célèbre peintre postimpressionniste, puis dans de
nombreuses autres galeries telles que la Galerie Pacitti-Schmit, Faubourg
Saint-Honoré; ensuite à New-York, Tokyo (en 1987, 1990, 1992) et chez Grossmann
à Schaffhouse en Suisse, sans oublier
chez son vieil ami Pierre Marchand à Belfort…», nous rappelle Jean-Pierre
Haeberlin. En 1988, Strasbourg et Colmar envisagent d’offrir à Roger
Mühl une exposition rétrospective. Mais ce fut la galerie du vieux Belfort
qu’il choisit par amitié. 110 œuvres furent exposées dans l’emblématique «Tour
41». A cette occasion, une lithographie sur le Vieux Belfort a été éditée
spécialement et Roger Mühl a offert au musée de la ville un portrait de Zadkine
dans son atelier. Notons que Raymond Forni, président de l’Assemblée nationale,
puis président du Conseil Régional de Franche-Comté lui passe une commande. «On m’avait bien recommandé de peindre un
paysage coloré et surtout sans nuages. La toile est bien accrochée, aujourd’hui
au Palais Bourbon», précise l’artiste. ![]() Il
participe à un certain nombre d’expositions de groupes
à
l’Ecole de Paris, Galerie Charpentier à Paris, en 1962,
à la Galerie d’Art
alsacienne à Mulhouse, la même année, il revient
à la Galerie Charpentier en
1964, à l’exposition Grands et Jeunes
d’Aujourd’hui, à Paris, la même année,
à
Tokyo-Kyoto-Osaka au Japon en 1968, au salon des Peintres
témoins de leur Temps
à Paris, au Musée de Strasbourg, à Vision Nouvelle
Paris, Lithographies, en
1972, … La profonde connaissance de l’Histoire de l’Art, acquise
dans sa jeunesse, médiation nécessaire à la perception du beau, a développé en
Roger Mühl le sens esthétique qui n’est pas forcément inné, mais l’objet d’une
formation progressive. Néanmoins, ce qui rend son œuvre particulièrement
attachante et lui confère son caractère propre, ce ne sont pas uniquement les
tendances dont il s’inspire, ni les références envers lesquelles il est
respectueux, «mais l’expression qui jaillit
toujours plus serrée, toujours plus
intense des sensibilités qui le remuent» (1) et qui font qu’il a toujours
su rester lui-même. «Peintre de la
lumière douce, poète autant que bon vivant, il nous convie aux noces de
l’intelligence et du cœur. Ce qu’il vise, c’est le don, l’offrande d’un bonheur
simple et pur. Car ce lyrique est aussi un épicurien…» Hommage
de M. Michel FRANCA, critique d’art «Tous deux reposent en paix au pied de leur propriété qu’ils ont tant aimée et que Roger a su peindre et croquer sous tous les aspects.» (6) Annexe ![]() Bibliographie
-
Christine Gleiny (1) – Mühl
– Ed. Fernand Mourlot, 1963
- Madeleine Haeberlin (2) – Hommage à Roger Mühl – Manuscrit - Roger Mühl (3) – Message – à Monsieur Kajikawa, Japon -
Me Lotz (4) – Artistes alsaciens de jadis et naguère – Printek Kaysersberg -
Guillevic (5) – Un peintre requis par la lumière – 1992 -
Philippe Girard – Saveurs
lumineuses de Roger Mühl – -
Gérard Blaise – Jardin à Mougins
– - Jean-Pierre Haeberlin (6) – Hommage à Roger Mühl
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