Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Robert Kuven
(1901-1983)
« Avoir du talent est un don, un don qui oblige à le développer, le soigner, à travailler pour tendre vers une perfection possible, à servir ainsi un grand idéal de beauté, de sincérité et d’amour. En un mot: aimer son art est le contenu de toute vie d’artiste.» Voici une profession de foi qui laisse augurer d’un homme lucide, d’un artiste passionné. |
Autoportrait, Huile sur
toile
Robert
Kuven est né à Strasbourg, le
21 août 1901. Très tôt, dès
sa petite enfance, il se sent attiré par le dessin.
A quinze ans, son talent s’affirme au point que ses parents
lui font donner ses
premières leçons. Elles portent sur le lavis
à la sépia et l’aquarelle de
paysage. Cependant, sur les conseils d’une amie, la
mère du peintre Léon
Schnug, prévenue contre les aléas d’une
carrière artistique, on préfère
l’inscrire à l’Ecole Nationale Technique
d’Architecture de Strasbourg. Il a alors
dix-sept ans. Son diplôme en poche, Robert Kuven travaille
jusqu’en 1926 dans
le cabinet d’architecte Oberthür. S’il se
plaît dans ce métier, notamment parce
qu’il est lié au dessin, il ne garde pas moins la
nostalgie de la peinture.
D’ailleurs, il ne le délaisse pas: il copie des
huiles de Rubens, de Feuerbach,
réalise des portraits, dont le sien. Muni du
matériel nécessaire, il met ses
moments de loisir à profit pour peindre
ce qui l’inspire dans les vieux quartiers de la ville.
Pendant ses
années d’études, il fait la
connaissance de Georges Daubner qui le conseille et
le confirme dans sa vocation de peintre.
Tant et si bien qu’en 1926, il saute le pas.
Il se rend à Cologne pour y prendre des cours d’anatomie, de perspective.. Puis, de 1927 à 1930, il suit les cours du professeur Koenig à Munich, tout en recevant les conseils du meilleur portraitiste de l’époque, Léo Samberger. Ensuite, il «monte» à Paris où se forme le goût, où se lancent les modes, où se rassemblent les artistes, centre de l’avant-garde internationale. A l’académie Julian, si propice au développement personnel; sous la conduite du professeur Laurens, il approfondit l’étude de la hiérarchisation des valeurs, les nuances, les couleurs, le cadrage du sujet…Enfin, il repasse de l’autre côté du Rhin, pour l’académie de Karlsruhe, dans l’Allemagne de Max Beckmann, de la «Neue Sachlichkeit», et du Bauhaus qui va incessamment être supprimé en vertu de la «politique culturelle» d’un certain Hitler. Par ailleurs, pour parachever sa formation, il entreprend plusieurs voyages d’études dans les provinces françaises, en Suisse, en Yougoslavie où il organise sa première exposition. Une
ouverture définitive à l'aquarelle
Après
son retour à
Strasbourg, en 1932, - l’année de son mariage avec
Madeleine Simon, la fidèle
et aimante compagne de sa vie, - il est un artiste peintre qui se
consacre totalement
à son art, tout en donnant des cours de dessin à
l’Ecole des Arts Décoratifs de
la ville. Considérant que la recherche de la perfection
n’est jamais terminée
et qu’il est dans la nature de l’artiste de la
poursuivre inlassablement,
Robert Kuven s’exerce au nu dans son domicile du 19, rue de
la Victoire où il est
installé depuis 1937, mais aussi aux études sur
le terrain: fleurs, arbres,
paysages.. Et ce, dans toutes les techniques: le crayon, la plume, le
fusain,
la craie, le pastel, l’aquarelle, l’huile. Il
continue à parcourir l’Europe
effectuant des séjours prolongés à
Florence, en Hollande, en Autriche, en quête
de perfectionnement toujours et encore…c’est alors
qu’il parvient à la maîtrise
de l’aquarelle, c’est alors qu’il «saisit
pleinement, non seulement les ressources
et le charme, mais aussi les difficultés que finalement il
arrive à surmonter
grâce à un travail assidu. Il s’agit
alors d’une véritable
révélation, d’une
ouverture définitive à
l’aquarelle.» (Léon Kieffer)
C’est d’ailleurs dans la reproduction de ses aquarelles qu’il connaîtra, durant toute sa vie d’artiste accompli, le succès le plus retentissant, sous forme d’illustrations de milliers de cartes postales qui diffuseront dans le monde entier les charmes de notre province. Ses aquarelles pures, sans dessin préalable, ses croquis à la plume, rehaussées d’aquarelle constitueront l’élément fondamental de ses expositions. Celles de la Maison d’Art Alsacien, nombreuses entre 1937 et 1975. Celle du couvent de Dominicains en 1950, celle de Riquewihr au musée postal en 1973, celle du musée de Saverne en 1981. Robert Kuven est également connu comme illustrateur de certains livres: «Les fontaines d’Alsace» de Joseph Lefftz, «Ce que raconte l’alsace» de Robert Redslob, «Récits légendaires d’Alsace» avec des textes de Raymond Matzen… Robert Kuven décède en 1983.
Quelle que soit la thématique abordée, Robert Kuven affirme que le talent ne se développe pas selon des considérations théoriques ou philosophiques, mais par un travail inlassable du dessin qui est «l’âme de toute œuvre d’art», la condition sine qua non de la réussite de toute activité graphique. Il exige un effort considérable en particulier quand on l’applique au corps humain étant donné la complexité des formes, la difficulté que présente la transposition de la vie et la traduction du mouvement. René Kuven y réussit parce qu’il sait analyser. Pour lui, le nu et le portrait sont les domaines d’étude par excellence: tous ses portraits ont une âme!... Quelle que soit la thématique abordée, il sait faire prévaloir l’aquarelle. Ses portraits en aquarelle sont d’incontestables prouesses. Y a-t-il plus exigeant que le portrait d’aquarelle? Interroge Léon Kieffer. Comment allier la spontanéité avec une technique qui ne tolère aucune retouche? Ses aquarelles d’animaux sont également des chefs-d’œuvre de spontanéité, la vie y est insufflée grâce à une étonnante économie de moyens. Quant aux fleurs que ses qualités d’analyste représentent dans leur allure naturelle, elles offrent à notre contemplation de ravissantes aquarelles où la couleur apporte raffinement et poésie.
C’est dans sa merveilleuse technique de l’aquarelle que réside sa grande originalité. Critiques et public sont unanimement sensibles au charme, à la finesse, à l’élégance de ses vues d’Alsace. Mais aussi à la sérénité, au calme qui s’en dégage sans jamais dériver vers le chromo folklorique et bien au-delà du descriptif anecdotique. La notoriété conférée par ses aquarelles a tendance à faire oublier ses peintures à l’huile qui représentent pourtant une part importante de son oeuvre
La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié…L’aphorisme s’applique parfaitement à Robert Kuven car, dans son œuvre, on ne retrouve rien de ce qu’il a pu apprendre dans les diverses académies qu’il a fréquentées, sino lui-même, sa sincérité, sa sensibilité; lui et le sujet, c'est-à-dire ce qui, dans son cadre de vie, s’impose par la beauté. Cette beauté qu’il respecte car il est un peintre de la vérité des objets, de la nature, des êtres vivants qu’il reproduit avec amour. Quand Léon Kieffer l’interroge sur la justification de l’art abstrait, il dit: «Sous un tableau abstrait représentant le bonheur, il y aurait lieu d’écrire: «Ceci représente de la joie, prière de la ressentir» Les tableaux de Kuven parlent d’eux-mêmes. Ils chantent l’Alsace. Notre Alsace. Sources:
- Robert Kuven – Dessins aquarelles – Introduction de François Lotz Editions de la Tour Blanche – Wissembourg - 1979 - Robert Kuven – Peintre de l’Alsace – Introduction par le Docteur Léon Kieffer Editions Alsatia, Colmar - 1974 - Robert Kuven – Artistes Peintres Alsaciens vivant et oeuvrant à la date du 1er janvier 1982 – François Lotz – Editions Printek , Kaysersberg - 1985 (*) Pierre Osenat, critique d’art Crédit
photographique:
- Ed. Alsatia: pages 1-6-7-8-10 - Ed. de la Tour Blanche: pages 3-4-9-11-12-13-14-15-16 Portfolio Andlau Riespach Bellagio Saint-Malo Sous-bois Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur. |