Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Richard Brunck de Freundeck 

(1899-1949)


Un art qui exige avant tout profondeur et vérité intérieure


Richard Brunck de Freundeck 8Autoportrait - Plume et lavis d'encre noire et bleue - Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg
Photo: Musées de Strasbourg
   

    Pour tracer son exceptionnel itinéraire spirituel que constituent son œuvre gravé, ses poèmes et ses essais, Richard Brunck de Freundeck s’est choisi comme guides, dans sa quête des idées, Rainer Maria Rilke, Charles Péguy, Thérèse d’Avila, Dante, Shri Aurobindo et dans le geste du graveur, Grünewald et Dürer. Par ailleurs, inspiré par son imprégnation de la veine spirituelle des mystiques rhénans et de la culture grecque, stimulé par son indéfectible fidélité à l’Alsace et ses irrépressibles souvenirs d’enfance, il élabore des illustrations qui sont de pures créations et qui, de «l’Aigle du Casque», d’après un poème de Victor Hugo au «Vita Nova» d’après Dante, le conduisent à la recherche de l’absolu, «dans la solitude, la terrible et féconde solitude». 




Richard Brunck de Freundeck 9Vitrail de l'église de Gueberschwihr représentant les armes de la famille Brunck de Freundeck


       

    Richard Brunck de Freundeck est né à Paris le 4 Juillet 1899, au 125, Boulevard Montparnasse. Il est le 3ème enfant de Joseph Brunck, fonctionnaire à la Cour des Comptes et de Marie-Elisabeth Burguburu d’origine basque. Son père descend d’une vieille famille suédoise venue en Alsace vers la fin du XIVème siècle. Parmi ses ancêtres, Richard compte des magistrats, des savants, des ecclésiastiques, des officiers supérieurs et notamment l’helléniste Richard Brunck, (1729-1503) qui a ajouté à son patronyme la particule «de Freundeck» du nom d’un fief appartenant à la famille.

Gueberschwihr, berceau de la famille

   
 

Gueberschwihr devint le berceau de la famille dès la deuxième moitié du XVIIIème siècle. En effet, à l’extérieur de la Rue Basse, la famille possède un vieux manoir ceint d’une haute muraille crénelée. C’est le «château des Brunck, chargé de souvenirs et de rêves». Il deviendra une des sources d’inspiration du futur graveur. C’est dans la chapelle du château que ses parents se sont mariés le 23 janvier 1894. Et durant toute son enfance et sa prime jeunesse, Richard y passe ses vacances.

    Voici les impressions qu’il confie à Aloyse Andrès pour «Les Graveurs contemporains en Alsace»

«Impressions reçues pendant mon enfance et qui eurent une influence décisive sur l’ensemble de ma carrière: la cathédrale de Strasbourg, les forêts vosgiennes, notamment les environs de Thannenkirch (Paganisme enfantin, contes et légendes), le vignoble alsacien notamment à Gueberschwihr (berceau familial).

    L’ancienne maison familiale de Gueberschwihr avec son mobilier, ses gravures et son atmosphère particulière. La sculpture et la peinture Rhénanes entrevues dans les musées et les églises des différentes localités alsaciennes. L’influence parisienne est à ce moment-là secondaire, et n’aura que peu d’importance dans l’avenir.» (*)

    Il fait ses études secondaires à Paris, au collège Stanislas et au lycée Montaigne. La consultation des registres de notes des années 1912-1916, nous apprend que Richard était toujours premier en dessin artistique, «Il ne montre de véritable intérêt que pour le dessin, note un professeur. Il serait urgent qu’il s’préoccupât du reste…» (1914) En 1915, on concède cependant qu’il «a des connaissances, sait donner à ses rédactions un tour personnel». Voilà un tempérament qui annonce le futur graveur et écrivain. En 1919, il s’inscrit à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris

    «Etudes à Paris, d’abord chez Charles Guerin (l’aimable Charles Guérin qui s’obstine à concilier Watteau et Cézanne, dit Robert Heitz) ensuite chez Ernest Laurent néo-impressionniste mais fort cultivé (qui a fait du néo-impressionnisme un art de boudoir, dit le critique) Ces études, en me donnant les éléments indispensables à mon art, tendent malgré tout à me soustraire à mon influence héréditaire et, bien que ce phénomène se manifeste de façon tout à fait inconsciente pour moi, je subis de 1918 à 1925 une véritable crise où il m’est impossible d’entrevoir une issue. Pourtant, c’est pendant cette période délicate que le peintre roumain Catulle Bogdan commence à m’initier aux secrets de la peinture.» (*) Il convient de citer également le professeur Charles Waltner, graveur, qui lui apprend le métier.

    L’année de la mort de son père, en 1926, il illustre le conte de Gustave Flaubert «La légende de saint Julien l’Hospitalier» dont les images aux couleurs vives et harmonieuses prouvent que, s’il a choisi le noir et le blanc de la gravure comme mode d’expression quasi exclusif, ce n’est pas par défaut.


 Richard Brunck de Freundeck 10

La légende de Saint-Julien l'Hospitalier de Gustave Flaubert, 1926 - Gouache

Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg

Photo: Les musées de Strasbourg




La gravure à l'eau-forte sous l'influence de Dürer

    

    «Retour en Alsace où un isolement salutaire me remet en contact avec les œuvres du Moyen-Age, je romps brutalement avec l’impressionnisme et, me mettant sous la tutelle des maîtres médiévaux et des graveurs allemands du XVIème siècle, j’élabore successivement l’Aigle du Casque (édit.Bibliophiles Comtois, 1927) et Les Sept péchés capitaux». (*)

    Ainsi s’ouvre sa première période de création à l’eau-forte sous l’influence «tyrannique» (**) d’Albert Dürer mais également celle de Grünewald à qui il voue un culte empressé Ce fut une véritable, révélation, dit Robert Heitz, quand en 1931, la galerie Aktuaryus et le cabinet des estampes de la ville de Strasbourg exposaient les trente-et-une grandes planches illustrant par de somptueuses images le poème de Victor Hugo «L’aigle du casque» qui figure dans «La Légende des Siècles» Dans ce célèbre poème, un chevalier, Tiphaine, «sombre brute telle qu’elles sortaient, toutes casquées du crâne hugolien» (**) est châtié par l’aigle d’airain qu’il arbore, cimier de son heaume.


«Je vous prends à témoin que cet homme est méchant!»

Et cela dit, ainsi qu’un piocheur fouille un camp,

Comme avec une cognée un pâtre brise un chêne,

Il se mit à frapper de coups de bec Tiphaine,

Il lui creva les yeux; il lui broya les dents;

Il lui pétrit le crâne en ses ongles ardents

Sous l’armet d’où le sang sortait comme d’un crible,

Le jeta mort à terre et s’envola terrible.»

           

    D’emblée, Brunck s’affirme comme un illustrateur atypique qui n’a jamais suivi servilement un texte. Son art est trop personnel, trop volontaire. «Par contre, nul mieux que lui n’a su pénétrer au cœur même des œuvres littéraires avec lesquelles il communiait dans une ferveur profonde. La lettre non, mais l’esprit des poètes a trouvé en lui un interprète hors de pair.» (**)



Richard Brunck de Freundeck 11

Planche pour l'Aigle du Casque - Eau-forte sur papier

Bibliothèque Municipale de Colmar

Photo: Bibliothèque Municipale de Colmar




    Avec «L’Aigle du Casque» il a déployé la richesse de sa fantaisie en profitant des nombreuses images et métaphores hugoliennes. Brunck apparaît comme un romantique doué d’une grande force d’imagination, mais avant tout soucieux de son style. C’était beau reconnaît Heitz, mais l’ambition du jeune artiste visait plus haut en présentant un nouveau cycle consacré aux Sept péchés capitaux qui ne s’appuie pas sur un texte mais jaillit intégralement de son imagination. La série des Sept péchés à laquelle Brunck ajoute «avec une sorte de joie féroce» (**) une bonne douzaine d’autres vices: les Délires et l’Hérésie, constitue une première partie d’une gigantesque tétralogie achevée en 1929. Elle prélude par deux pages: l’une montre Eve dont le péché est à l’origine du Mal, l’autre Erasme, le Sceptique, parcourant à cheval un magnifique paysage alsacien où l’on reconnaît Gueberschwihr et disant à son compagnon de route cette phrase cruelle: «Vous ne sauriez croire quelles scènes divertissantes et bouffonnes, quelle joie la pauvre humanité procure tous les jours aux immortels.» Cependant, le finale apporte un démenti aux paroles désabusées du Sceptique en glorifiant les béatitudes de Saint-Jérôme, du Poverello, de la Vierge et du Christ sur la croix sollicitant le pardon pour «ceux qui ne savent pas ce qu’ils font».



Richard Brunck de Freundeck 12
Planche des Sept Péchés Capitaux, 1930 - Eau-forte sur papier
Photo: Bibliothèque de Colmar



    Après l’Aigle, le style de Richard Brunck s’assouplit, la composition s’établit par grandes masses d’ombres et de lumière. Rembrandt et le Piranèse sont passés par là dit Robert Heitz avec qui Brunck s’est lié d’amitié en 1929.



La belle amitié de Robert Heitz


    

    «Retour à Strasbourg. Contact avec Robert Heitz. Celui-ci m’initie à la culture germano - latine (Goethe) et réhabilite complètement à mes yeux la peinture imaginative. Son influence extrêmement salutaire me permet d’approfondir ma personnalité.- D’autre part, le peintre Daniel Schoen développe en moi des dons d’observation et m’accoutume d’une certaine rectitude du métier».

    Il nous reste de cette belle amitié plusieurs témoignages: outre leur correspondance, plusieurs articles et quelques tableaux de Heitz dont un «Hommage à Richard Brunck».

    De l’époque des Péchés, date un certain nombre de paysages dessinés à Thannenkirch, sur les hauteurs du Taenschel, «cette forêt qu’il a emplie d’une luminosité quasi-intérieure, irréelle. Tout s’y fond et les noirs persistant encore de ci, de là, font penser à des brumes qui iront bientôt se dissiper. Car voici, tombant et traversant la page, des rayons durs comme un glaive qui entrerait dans un cœur en extase. Seul un sentier dit par sa réalité, que souvent, nous cheminons là sans rien voir.

Chez Brunck, voir était immédiatement pensée. En liaison constamment vibrante avec l’âme universelle, ce que j’appelle pensée, n’était pas pensée abstraite, mais pensée continuellement et puissamment créatrice». (***)


Richard Brunck de Freundeck 13La forêt du Taennchel - Eau-forte
©
 La Vie en Alsace


    

    C’est l’époque aussi où il appelle à la vie deux séries également d’inspiration alsacienne: les planches de Sainte-Odile et de la cathédrale de Strasbourg qui accompagnent deux poèmes des frères Adolphe et Albert Matthis, poètes strasbourgeois. Il s’agit en fait d’une méditation de Brunck sur les deux hauts-lieux de l’Alsace spirituelle. C’est ici l’occasion, selon Robert Heitz, d’évoquer la production littéraire de Brunck. A l’origine de celle-ci se situent les analyses que l’artiste avait l’habitude d’établir chaque fois qu’il entreprenait de dessiner ou de graver un de ses cycles d’images. Il y indique l’esprit du texte qui l’inspire et les règles strictes, inhérentes à l’œuvre qu’il s’engage à suivre.

    «Il m’a fallu décrire laborieusement chacune de mes compositions sur des notes cent fois raturées, les raisonner, les compléter s’il y avait défaut ou faiblesse, les simplifier s’il y avait surcharge… Enfin vient la transcription plastique…». Sa production littéraire est donc étroitement liée à sa création plastique y compris ses poèmes – la Cathédrale – et ses essais – Grünewald et le paradoxe -

    « Sous l’influence des voyages en pays méditerranéens, se développe en moi le goût des grands espaces et de la lumière mais aussi et surtout la connaissance des rythmes (sculpture archaïque grecque, art byzantin). Dès ce moment, j’entrevois la possibilité d’un art non plus représentatif mais suggestif et presque musical et, somme toute, plus en harmonie avec mes souvenirs d’enfance toujours vivaces en moi. Eclipse passagère du Moyen-Age pour les légendes grecques. J’élabore le Second Faust, la Phèdre de Racine, et l’Agamemnon d’Eschyle (1936 et 37)».

    Les trois voyages qu’il entreprend en Grèce à partir de septembre 1933, auront pour son art une importance capitale. Robert Heitz l’accompagne dans la première croisière qui les conduit dans les îles de la Méditerranée orientale, sur la côte de l’Asie Mineure et surtout en Grèce continentale. Dans la divine lumière de l’archipel grec, Brunck fait une découverte: « il comprend que la grandeur n’avait plus pour corollaire nécessaire la violence, qu’elle pouvait se doubler de sérénité. Je ne voudrais pas qu’on s’y méprenne, dit Robert Heitz, Les voyages en Grèce n’auront pas été pour Brunck, le chemin de Damas. Il n’avait rien à renier de son œuvre, dont les composantes essentielles resteront constantes». Cependant, sa passion romantique est devenue lyrisme, de son pessimisme il ne reste, çà et là, qu’une douce mélancolie.


Richard Brunck de Freundeck 14
Le Château intérieur de  Sainte-Thérèse d'Avila



    «Retour à Paris. Brusque revirement. Retour aux œuvres mystiques Ste Thérèse d’Avila…Illustration du Château intérieur. Lectures des poèmes de Rilke. Ce poète aura une influence décisive sur mon développement en me prouvant que rien de ce que nous ressentons n’est absolument inexprimable: passage du visible dans l’invisible, le rêve et la réalité, la vie et la mort. Je reprends franchement contact avec mes souvenirs d’enfance et exécute une série de «forêts» (1937 et 38) ». (*)

    En 1938, à Bordeaux, il fait la connaissance d’Anne-Marie Courtois, née en 1912, à Paris. Leur projet de mariage est retardé par le décès subit du père d’Anne-Marie. Il aura lieu le 26 mars 1941.



Richard Brunck de Freundeck 15
Portrait d'Anne-Marie, 1942 - Huile sur bois
Collection particulière
Photo: B.M.C



Sommet de la littérature spirituelle du Carmel espagnol, écrit en 1577, «Le Château intérieur» de Thérèse d’Avila (1515-1582) explique comment l’âme traversant toutes les facettes sensibles et raisonnables s’abandonne à Dieu au sens spirituel qu’aucune image ou parole ne pourrait traduire. Ce qui permet à Robert Heitz d’affirmer que A vrai dire, rien ne se prête moins à l’illustration que les épanchements passionnés de la vierge castillane. Brunck applique sa discipline de style et réussit l’invraisemblable gageure. Ce seront des compositions cristallines, où les formes humaines, animales ou végétales se dissolvent dans une fulguration de traits, mais où l’abstraction reste toujours intensément sensuelle. Commencés dès 1936, les douze dessins du Château Intérieur ne seront jamais gravés

    L’étude du Château Intérieur lui fait découvrir une spiritualité inédite «qui l’éloigne définitivement de ses premiers rudes et terribles idéaux. Apaisée par Rilke, humanisée par Péguy, et spiritualisée par Thérèse d’Avila, sa soif de radicalité trouve un élan créateur qu’il ressaisit dans un essai intitulé «Les Rythmes du silence» (*****). Cet essai esthétique est en quelque sorte son crédo.

    En 1939, après l’évacuation de Strasbourg, il est mobilisé dans le service de camouflage de l’armée…Au lendemain de la débâcle, il se réfugie à Marmande. Il rejoint Paris en 1942, date de l’achèvement de la Phèdre de Racine. Les conditions de vie et de travail sont difficiles. Il évoque la nécessité de ménager une santé que les privations et les tribulations de toutes sortes ont affaiblie depuis le début de la guerre. Il a également à se plaindre du fait que ses dessins, dont une précieuse collection de portraits de sa mère, ont été détruits place Gutenberg par un bombardement.

    Au début de la Seconde Guerre mondiale, il rédige et illustre le «Livre d’Heures du Créateur d’Images». Celui-ci a trait à la genèse et à la formation des images plastiques et parle des dispositions que l’artiste doit avoir vis-à-vis  de son œuvre afin de la réaliser avec le maximum de clarté intérieure. Il compte 72 pages et 43 illustrations.


Un style jamais figé

    En 1944, paraissent les eaux fortes pour le «Porche du Mystère de la Deuxième Vertu de Charles Péguy». Œuvre tendrement humaine, dont, selon Heitz, certaines planches comptent parmi les plus émouvantes que Brunck ait imaginées. La même année paraissent «Odyssée, chants IX, X, XI» et «Agamemnon» d’Eschyle. Pour ces deux œuvres comme pour les suivantes, «Upanishad» et «Vita Nova», il emprunte une facture qui consiste à couvrir la planche entière d’un étroit réseau de demi-tons, modelés par facettes, qui confèrent aux formes un aspect de cristaux agglomérés. Upanishad, purement métaphysique, est le point d’orgue de son parcours spirituel en contradiction avec les thèmes et l’esthétique de la Tétralogie du Mal, son appel à la paix, au renoncement. Vita Nova illustre les sonnets que Dante dédie à Béatrice, Dante qui fascine Brunck parce qu’il est sur «la grande verticale divine, la verticale de la chute et de la rédemption, la verticale du jugement et de la délivrance». Vita Nova, l’ultime œuvre de Brunck, est restée malheureusement inachevée.

    Le style de Richard Brunck n’est jamais figé. Par exemple, pour «le Deuxième Faust» (1936), il abandonne la plume qui lui servait habituellement pour les dessins préparatoires aux gravures. «Au moyen d’un crayon très dur, dont le trait ressemble à une mine d’argent, il modèle dans une gamme très blonde, les figures émergeant d’un sfumato léonardesque»? (**) Il a déshabillé les héros de Goethe et les a fait évoluer dans leur décor le plus transparent et le plus pur, ce qui donne une atmosphère de volupté, mais purifiée, ennoblie par une haute spiritualité.

Richard Brunck de Freundeck 16Faust - Dessin au crayon
© DNS, 1950



    Robert Heitz compte Richard Brunck parmi les membres du mouvement «la Barque», créé en 1930 à l’initiative d’Albert Thomas (1892-1960). Cependant, peut-on parler d’appartenance quand le même Robert Heitz considère Brunck comme «un bloc erratique venu du fond des âges qui s’est lui-même voué à la solitude. Il a vécu dans un monde de silence sur des cimes vertigineuses, en compagnie des poètes et des artistes dont s’est nourrie son inspiration. C’est avec eux qu’il a connu le bonheur, le rare bonheur que pouvait trouver son esprit tourmenté».

    Le curieux qui chercherait, aujourd’hui, à se documenter sur l’œuvre de Richard Brunck de Freundneck ferait vite la navrante constatation d’une certaine absence de reconnaissance. Il est vrai que Brunck ne cherchait pas la faveur du public ou une reconnaissance autre que celle d’esprits et d’amateurs choisis. De plus, comme le souligne Rémy Casin, la plus grande part de son œuvre consiste en des cycles de gravures parties intégrantes d’éditions de luxe…Il fut, somme toute, plus connu des bibliophiles, milieux restreints s’il en est, que des amateurs des beaux-arts.

    De son vivant, on ne compte qu’une vingtaine d’expositions dont une dizaine à Paris concentrées sur la dernière décennie de sa vie. C’est dire qu’il était peu soucieux de sa notoriété. Puis cinq autres dans l’année qui suit son décès et, ensuite, quatre seulement dont celle de 2012 à la bibliothèque des Dominicains de Colmar, la plus importante jamais consacrée à cet artiste en nombre d’œuvres et de documents inédits.


Où son art atteint la pureté  de la taille du diamant


    Richard Brunck de Freundeck est décédé le 14 décembre 1949, emporté par une crise cardiaque. Opérations et manipulations de produits corrosifs durant vingt-cinq années, ont contribué à altérer sa santé Il avait presque achevé les illustrations de la Vita Nova «Où son art atteint la pureté de la taille du diamant, au bout de l’exigence qui était la sienne» comme le souligne, en ultime témoin, Monique Haour-Courtois, sœur cadette d’Anne-Marie, et qui fut son modèle pour la Béatrice de Dante. (****)

 

    Attiré par les grands rêves de l’humanité, Richard Brunck de Freundeck a, dans la solitude de sa tour d’ivoire, conçu un monde en noir et blanc aux nuances infinies, un monde fantastique peuplé de symboles, d’allégories, d’illusions, une véritable somme théologique, politique, philosophique…

    Gardons pour la fin ce mot d’une lettre de fin octobre 1947:«J’évolue vers une œuvre qui a tendance à se spiritualiser de plus en plus, en communication intime avec le rayonnement par lequel le Divin se manifeste à ceux qui ont des yeux pour voir».


Notes: 

Les Upanishad. Une des significations du mot: «Venir s’asseoir respectueusement au pied du maître pour écouter son enseignement.». Les Upanishad sont un ensemble de textes philosophiques et métaphysiques qui forment la base théorique de la religion hindoue. Ils traitent de la nature et du rapport de l’âme à l’esprit suprême.

 

Vita Nuova de Dante Alighieri est un roman d’amour, hymne de l’amour glorieux, lamento de l’amour brisé. C’est aussi un roman psychologique qui se distingue par l’élévation et la pureté des sentiments exprimés et le silence sur les sensations éprouvées.

 

 

 

Bibliographie:

 

- «Noir, blanc, gris…l’infini» L’œuvre du graveur Richard Brunck de Freundeck, Ville de Colmar, bibliothèque des Dominicains. – Textes de Bernadette Schmidt-Burn, de Gilles Schmidt-Lissarrague,(****) Rémy Casin, Frère Rémy Valléjo…(*****)

"Cet ouvrage est disponible à la Bibliothèque des Dominicains de la Ville de Colmar"
au prix de 25€
 - Lien -

- Aloyse Andrès (*) – Les Graveurs contemporains en Alsace – Editions Alsatia – 1948

- Robert Heitz (**) – Le graveur Richard Brunck de Freundeck – Editions des Dernières Nouvelles de Strasbourg – 1950

- Robert Heitz – Etapes de l’Art alsacien – Saisons d’Alsace N° 47 - 1973

- Robert Heitz – Le Second Faust et Phèdre– La Vie en Alsace

- Robert heitz – Richard Brunck de Freundeck – La Vie en Alsace

- Robert heitz – Les nouveaux dessins de Richard Brunck de Freundeck – La Vie en Alsace

- Pierre du Colombier – Richard Brunck de Freundeck à Paris – la Vie en Alsace

- Arthur Graff (***)- Notre Ami Brunck de Freundeck – Saisons d’Alsace

- Richard Brunck de Freundeck – Les Rythmes du Silence

- Notice biographique – Saisons d’Alsace

- Hélène Braeuner – Les Peintres et l’Alsace, autour de l’Impressionnisme – La Renaissance du Livre – 2003

- Laurent Zind – Gueberschwihr, Histoire de la commune et de la paroisse – Editions Alsatia – 1989.


   

Portfolio


Richard Brunck de Freundeck 17

Frontispice des Sept Péchés Capitaux
© Photo: Bibliothèque Municipale de Colmar




Richard Brunck de Freundeck 18La cathédrale, illustration d'un poème d'Adolphe Mathis – Eau-forte sur papier
© La Vie en Alsace, 1932





Richard Brunck de Freundeck 19

Le Château Intérieur de Sainte-Thérèse d'Avila – Dessins à la plume
© DNS, 1950






Richard Brunck de Freundeck 20

Abécédaire – Dessins à la plume

© DNS, 1950






Richard Brunck de Freundeck 21

Agamemnon – Eaux-fortes pour la tragédie d'Eschyle (1946-1947)
© DNS, 1950





Richard Brunck de Freundeck 22

Phèdre – Eau-forte
© DNS,  1950





Richard Brunck de Freundeck 23 

L'enlèvement d'Europe – Dessin
© La Vie en Alsace





Richard Brunck de Freundeck 24
La Vita Nova de Dante, 1950 – Eau-forte
Photo: Bibliothèque municipale de Colmar





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