Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Pierre-Paul Hueber
(1929-2006)
Pierre-Paul
Hueber aux Baux de Provence Photo: Laffont-Avignon Pierre-Paul Hueber compte parmi les meilleurs paysagistes contemporains. Bien qu’il ait opté pour la radieuse lumière de Provence, son œuvre est un merveilleux témoignage d’admiration et d’affection envers l’Alsace où il a gardé beaucoup d’amis tels l’artiste peintre François Fleckinger et son fils Norbert qui se souvient de lui comme d’un homme jovial, discret, intelligent et profondément humain. Pierre-Paul
Hueber
est né à Strasbourg le 29 mai 1929.
Très tôt, sa future vocation s’est
révélée
à lui: ce besoin irrépressible
d’exprimer par la couleur et le dessin, la
beauté du monde qui l’entoure et les
émotions qu’il lui inspire. Il commence
à «barbouiller
dès l’âge de quatre ans…Au
lieu
de jouer comme d’autres avec des petits trains, je prenais
mes pinceaux et mes
couleurs…Quand j’avais douze ans, j’ai
commencé à peindre des paysages à
partir
de chez moi. A quatorze ans, j’ai sorti mon chevalet pour
peindre à
l’extérieur.».
Il profite de l’assentiment de ses parents qui le fournissent en matériel et l’incitent à s’inscrire à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg où, de 1946 à 47, il bénéficie de l’enseignement de Kamm, de Lehman et de Gass. Il apprend le dessin du nu et s’exerce à des projets de décoration ce qui lui permettra plus tard de produire des compositions qui confirmeront que son œuvre ne se limite pas à la peinture figurative. «Au bout de deux ans, dit-il, je n’avais plus rien à apprendre. Ce qu’on m’enseignait, par exemple le mélange des couleurs, j’avais l’impression de l’avoir déjà vécu…». En 1947-48, il est inscrit comme élève libre à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. «Nous travaillions avec Untersteler qui deviendra ensuite le directeur des Beaux-Arts. Comme nous n’avions cours que le matin, l’après-midi, je m’installais sur les quais et je peignais la Seine.»Le Pont d'Austerlitz - Huile sur toile Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg © Photo: Musées de Strasbourg Désireux
de se perfectionner au contact des
grands centres d’art, il entreprend un voyage
d’études en Hollande chez Me van
Tromp, à Amsterdam. «Je voulais étudier
les grands maîtres flamands. J’aimais beaucoup La
Bohémienne de Frans Hals.»
Il est séduit par la vitalité des portraits du
maître, saisis sur le vif, par
son écriture mouvante, pétillante aux touches
extraordinairement libres qui
sont pourtant l’expression d’une maîtrise
souveraine. Cette dialectique des
contraires, Pierre-Paul Hueber saura la conjuguer à son
avantage…Après un an et
demi d’études flamandes, l’artiste veut
«revoir
le soleil après la nature des
Pays-Bas». C’est alors que
débute son «aventure
provençale» (*), à
Vaison-la-Romaine d’abord, chez Me Pasquier. Ce premier
séjour est suivi d’un second aux Baux de Provence,
en 1950, où il fréquente les
ateliers de Me Chabaud et de Me Seyssau. Enfin, en 1951, il effectue un
voyage
d’études en Italie, notamment en Toscane. " J'ai décidé de tracer mon propre chemin " Sa première exposition à Strasbourg, en 1950, l’ayant fait connaître, il remporte le prix Ritling, réservé aux peintres de moins de 30 ans et l’Etat lui achète un tableau. Ce succès lui donne des ailes: «J’ai décidé de tracer mon propre chemin, d’éviter le contact avec d’autres peintres pour rester moi-même.» De 1952 à 1958, il s’installe aux Baux-de-Provence pour ensuite revenir en Alsace, où, en 1958, il devient professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Strasbourg. Il dispense les cours de peinture et de dessin, et jusqu’en 1965, il est chargé du concours d’entrée. «J’avais trois enfants. Il me fallait la sécurité sociale», explique-t-il. C’est à cette époque qu’il découvre la mosaïque. Lauréat du concours, il se voit confier la réalisation de huit fresques, vitraux et mosaïques pour les hospices civils de Strasbourg. «J’ai essayé de m’exprimer d’une autre façon. Pour ce travail, je suis allé chercher de la pâte de verre en Italie. J’ai tellement aimé Venise que j’y suis retourné 28 fois pour y peindre.» Après une interruption pour raison de santé, en 1976, il abandonne définitivement son poste et s’installe aux Baux-de-Provence pour se consacrer aux paysages du Midi. Pendant cette période, il retourne régulièrement en Italie et en Espagne. En 1979, il est nommé conservateur des musées des Baux, fonction qu’il assumera jusqu’en 1988, puis il fonde sa propre galerie d’art «Ribeaupierre» située dans une demeure renaissance du village médiéval. Il est resté sociétaire de l’AIDA, tout en étant sociétaire de l’Union des Artistes de Provence. Pierre-Paul Hueber décède le 20 octobre 2006 aux Baux-de-Provence. Il a alors soixante-dix-sept ans.
Parmi ses principales expositions,
il convient de citer celles de Strasbourg: en 1950, la
première, qui lui vaut,
outre le prix Ritling, une acquisition du musée des
Beaux-Arts de Strasbourg:
«Port de Strasbourg» à
l’instigation de Hans Haug, celle de la galerie
Aktuaryus en juin 1966 et en octobre 1968, ainsi que celle de la
galerie
Gutenberg en décembre 1982. On le voit également
à Colmar, au Koïfhus pour ses
cinquante ans de peinture, à Mulhouse, Zurich,
Vaison-la-Romaine,
Aix-en-Provence, Arles, Marseille, Paris…, en Italie, en
Hollande…27 de ses
toiles sont acquises par différents musées des
Beaux-Arts, d’autres, par
l’Etat, la ville de Paris, le Conseil de l’Europe.
Outre la Médaille Paul
Cézanne, décernée en 1982, pour son
œuvre consacrée à la terre de Provence,
il
remporte plusieurs prix dont le Prix du Public du 5ème
Festival de
peinture d’Aix-en-Provence, en 1981. L’Etat lui
confie successivement 17
décorations pour l’Education Nationale. Il est
présent dans des collections
particulières en Europe, au Canada, aux U.S.A., au Japon, au
Brésil, en
Australie, en Afrique La valeur affective de la nature
Les trois châteaux d'Eguisheim - Huile sur toile - (55 x 38 cm) Photo: Laffont-Avignon
Il a porté son choix sur «trois régions de
France faites de particularismes forts, trois lumières
différentes». La
Bretagne, qui fut sa première source
d’inspiration, l’Alsace dont il a peint
les hauteurs d’Eguisheim, les alentours du Haut-Koenigsbourg,
les villages de
Niedermorschwihr, Kientzheim, Sainte-Croix-en-Plaine… Il a
également dressé son
chevalet dans la vallée de Munster et sur ses
crêtes enneigées. Les tableaux
qu’il en a rapportés,.sont autant de preuves
d’admiration pour sa région natale
qu’il a gardée dans son cœur. Mais,
comme ses deux maîtres, Cézanne et Matisse,
il réserve sa passion aux paysages et à la
lumière de la Provence et plus
largement de la Méditerranée «Une
Provence calcinée, brûlée, cendreuse,
une Provence hivernale ou d’avant printemps,
où les oliviers et les sarments de vignes
découpent leurs tentacules sur le
fond de grisaille des terrains dénudés. Toute la
beauté nostalgique d’une
région picturale entre toutes, s’affirmait avec
sentiment et force.» (**)
Photo: Laffont - Avignon Les genets au pied de la forteresse - Huile sur toile - (61 x 46 cm) Photo: Daru - Martineau Son
indéniable talent
où la vigueur et la clarté forment une
synthèse sympathique, trouve donc son
épanouissement au contact du Midi. Lorsqu’en 1977,
il s’installe aux
Baux-de-Provence, il peut dire: «Là,
j’ai
trouvé ce que je cherchais: une nature remplie de
lumière, des paysages
dramatiques avec les Alpilles, tous ces rochers…».
Nous avons vu que Pierre-Paul Hueber affirme très tôt son indépendance même si, par la suite, il avoue des penchants pour Cézanne, Millet et Van Gogh, même si on reconnaît dans ses toiles, l’ordonnance classique et harmonieuse de Nicolas Poussin et la vigueur de Gustave Courbet. Il développe un langage pictural bien à lui. Il a tracé sa propre voie seul, loin de tous. Une nécessité spirituelle qui élève son âme
Pour lui, ce qui importe avant tout,
c’est de traduire, en touches nerveuses ou sereines, selon
son humeur,
l’émotion qu’il ressent à
percevoir la nature avec toute sa sensibilité. «Pierre-Paul Hueber se
veut sans
complaisance ni concession, ses paysages toujours
élaborés «sur le motif» se
refusent à n’être que la banale
transcription d’une vision quelconque. Il a le
désir et presque l’obligation de
faire percevoir aux autres la vibration profondément
ressentie par lui devant
le jeu sublime des couleurs et des formes..»,
dit son ami et collectionneur
R. de Broqua
Son originalité réside dans son coloris: «Il sonorise des gammes assourdies, justement accordées, et que l’éclat des ciels exalte. Il peint largement par masses, sans détails inutiles. L’extraordinaire et rigoureuse observation des valeurs confère à ses œuvres un accent original qui les fait reconnaître d’emblée.» (**) Gabriel Andrès salue sa personnalité faite d’une certaine rudesse due à sa franchise, à son attaque directe du sujet, «il ne parle pas de faux-fuyants et séduit par sa probité». En matière d’art, cette probité est un bien précieux. Pierre-Paul Hueber a su résister à la stabilisation qui menace les peintres «arrivés», ni la raison, ni le métier n’ont jamais asservi son tempérament. Il sait que rien n’est jamais acquis, qu’il faut sans cesse persévérer «car pour une âme d’artiste, les choses autour de soi ne cessent de nous parler avec de nouveaux mots.» Il travaille avec acharnement, à l’exemple des grands peintres du passé. «Pour lui, peindre est plus qu’un besoin, c’est une nécessité spirituelle qui élève son âme et lui donne sa joie de vivre en s’accomplissant.»Les Terre de Camargue - Huile sur toile (65 x 50 cm) Photo: Daru - Martineau En
une pâte généreuse
et épaisse, il a réussi, selon ses propres
termes, à «construire
quelque chose de dense, de complet». Il a
trouvé «l’harmonie
de la toile (où) il y a de
l’impressionnisme, mais ce n’est pas
tout…»
Pierre-Paul Hueber qui a préféré la
radieuse lumière des
Alpilles, les couleurs magiques de la Camargue et le site
extraordinaire des
antiques Baux-de-Provence, a acquis une place honorable et
remarquée parmi les
artistes alsaciens.
Sources:
- R. de Broqua – Pierre-Paule Hueber, une œuvre, une vie - Me François Lotz – Hueber Pierre-Paul – 1929 - Artistes alsaciens, vivants, oeuvrant au 1er janvier 1982 – Editions Printek - Pierre-Paul Hueber (Galerie Aktuaryus) – (**) – octobre 1959 - Catherine Chenciner – L’écriture du Peintre – L’Alsace, 14 novembre 1997 - Articles de presse issus de l’Alsace et des Dernières Nouvelles- - Peter Paul Hueber – Ausstellung - 4.-30.November 1993 in Gerodswil - Ernst Gombrich – Histoire de l’Art – Flammarion - 1992
Le chemin de halage
– Huile sur toile - Musée d'Art Moderne et
Contemporain de Strasbourg
Brume sur les Hautes Chaumes – Huile sur toile (41 x 33 cm) Photo: Laffont-Avignon
Couleur d'Automne en
Fête – Huile sur toile (61
x 46 cm)
Au pied du Haut-Koenigsbourg –
Huile sur toile (65 x 46 cm)
Le monde du silence autour de la
ferme enneigé
– Huile sur toile (65 x 46 cm) Journée hivernale
– Huile sur toile (92 x 65 cm)
Sérénité
de fin d'Automne dans le vignoble
– Huile sur toile (46 x 38 cm) Pilatus – Huile sur toile (55 x 46 cm) Photo: Spektrum Geroldheim Mas abandonné
– Huile sur toile
Mas aux oliviers – Huile sur toile (61 x 43 cm) Photo: Laffont-Avignon Sous un soleil de plomb
– Huile sur toile (81 x 60 cm)
Floraison printanière – Huile sur toile Photo: Laffont-Avignon Automne – Huile sur toile (73 x 54 cm) Photo: Laffont-Avignon Coquelicots dans les oliviers – Huile sur toile (65 x 46 cm) Photo: Laffont-Avignon Rio Ponte Longo Venezia
– Huile sur toile (73 x 40 cm) faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur. |