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« Seul l’atelier révèle Pierre Andlauer dans sa plénitude d’homme et d’artiste. L’art, vous le savez, ne réside ni dans le tableau, ni dans l’exposition. Mais dans l’acte de peindre, dans celui de créer…

    Heureux donc ceux qui ont le bonheur d’être accueillis dans son atelier. Ils y trouveront une partie du mystère et de la vérité de Pierre Andlauer. » (Gabriel Braeuner)

J’ai eu ce bonheur. Pierre Andlauer m’en a très aimablement ouvert la porte.

Il est situé à Colmar, ville d’adoption du peintre depuis 1967, tout près de la gare, dans l’ancien château d’eau qui se dresse hardiment vers le ciel, dans une sorte de  friche ferroviaire…. C’est une manière de ziggourat composite, faite de grès, de briques patinées et de tôle rouillée. Quelques marches, vertes de mousse, mènent à une porte qu’il faut pousser. Car elle résiste… Diable, ce n’est pas un moulin…, mais un sanctuaire!  Il faut montrer patte franche…

    Il dit, quand on le questionne sur le sens de son oeuvre: «Ma réponse, aujourd’hui, ne correspond en rien à ce que je vais vous dire demain! Cela n’a rien d’un caprice ou d’une instabilité quelconque. La pensée est vagabonde, libre, et se met souvent en question. Pas de certitudes mais des questions, des recherches, plein d’ouvertures; c’est indispensable et sérieux».

    Respectueux de ce conseil et de sa lucidité, apprenons à connaître Pierre Andlauer.

    De 1958 à 1961, il étudie à l’école des Beaux Arts de Mulhouse sous la conduite de Léon Lang, Joseph Brenner et Auguste Boehringer. Il se spécialise notamment dans la gravure du 16ème et du 17ème siècle. Ses études terminées, il part pour la Suède où il expose pour la première fois. Revenu en France, il est appelé sous les drapeaux et doit servir en Algérie. A son retour, il épouse Monique Boll, aquarelliste de talent. «Une épouse, qui, tout au long de ma vie, m’a, de façon admirable, soutenu, suivi.» Affirme-t-il aujourd’hui. De cette union naquirent deux enfants.

    En 1979, il ouvre une galerie d’art à Colmar, lieu de rencontre et d’échanges d’idées, où, parmi mes siennes, il expose des œuvres de peintres alsaciens.

    Pierre Andlauer n’a pas eu à chercher sa motivation. Celle-ci a jailli naturellement d’un besoin irrépressible d’exprimer ses émotions, ses sentiments dans des tableaux qui, à ses débuts, s’avèrent sobres, spontanés, vierges de toute influence. Ce besoin était si impératif qu’il résista pendant quinze ans à l’absence de publication.

    De sa «maison du berger» vosgienne et des campagnes sundgauviennes, il a rapporté des paysages structurés, solidement construits. « On devine chez le peintre travaillant au couteau une matière généreuse, appliquant avec acharnement des couches successives, une sorte de volupté géologique, celle qu’a dû éprouver Dieu le père remuant l’argile originelle. » (F. Gueth)

    Puis, dans sa thématique évolutive, apparaissent des chimères, un fabuleux bestiaire dont les origines, plus ou moins conscientes, seraient à chercher dans la mythologie grecque, ainsi la chèvre, nourrice de Zeus, ou sur les chapiteaux romans de Murbach et de Saint-Léger de Guebwiller. Cet engouement pour l’imaginaire mythique a conduit Pierre Andlauer à peindre une longue série de masques de carnaval et d’autoportraits, « dans une sorte de catharsis libératrice d’un monde intérieur obsédant. » (G Cronenberger)

    Alors s’affirme un style reconnaissable entre tous, où la couleur et le trait se combattent ou se complètent, la couleur qu’il utilise parfois pure et dont les rouges flamboyants et les noirs profonds rivalisent d’énergie et de violence, « le trait qui en se libérant du réel, reflète si bien l’émotion du peintre à travers le geste sûr et une rythmique autonome » (G.Cronengerger.). Ce qui fait dire à ceux qui le connaissent bien que l’homme et son œuvre ont été rarement aussi inséparables.

    A la question « Faut-il se contenter ou se dépasser», Pierre Andlauer répond par un engagement sans frein. Il est toujours en quête de dépassement. Cette marche déterminée, vers un horizon toujours fuyant, le peintre sait qu’il faut l’entreprendre indéfiniment. «Il sait la valeur de l’interrogation permanente et essentielle sans laquelle la toile vierge ne serait pas le terrain de la belle et incertaine aventure de la recréation du monde. » (L’Alsace) A présent, au carrefour des influences qu’il cultive: l’art africain, la musique classique, la philosophie…il traverse cet expressionnisme abstrait dans lequel tout le monde le reconnaît. Ne dit-il pas: « Je suis sûrement un peintre expressionniste engagé vers la sortie »!...Sur le chemin de cette sortie, il a rencontré un autre moyen de créer des messages à l’interprétation multiple, comportant une multitude d’images dans l’image, une multitude de questions suggérées au contemplateur, son indispensable complice…Ce sont les collages.

  
    Laissons le dernier mot à Pierre Andlauer, artiste libre, indépendant qui a mis sa vaste expérience et sa parfaite maîtrise technique au service de sa forte personnalité:

    « L’écriture picturale, la peinture, la grande, est ma façon d’échapper à la misère organisée que l’on nous impose, un principe d’insoumission, une vertu d’enfance; c’est ce que j’ai pu sauver de mes jeunes années, cette persévérance à peindre, à dessiner et à m’exprimer en toute liberté. »

     « Ce n’est pas toujours ce qu’on réalise qui est important mais le faire tout une vie, simplement. Cà, c’est important. L’œuvre est un puzzle de mille contradictions, interrogations. »

Auto-Portrait

Pierre Andlauer

Aquarelle - 1997 ?