Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
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Léon Lehmann
(1873-1953)
«O vénérons les formes d’une vénération égale à leur sainteté, à leur mission, à leur témoignage éternel...Avoir le culte, le respect des formes…La vraie gloire de la forme, celle qui nous enseigne selon Dieu, c’est celle-là que je chercherai toute ma vie.» |
Autoportrait
- (1925)
Oui, Léon Lehmann est un peintre mystique. Un mystique contemplatif, «par adhésion amoureuse. Là où vous cherchez un peintre, vous êtes essentiellement devant un homme de prière.» (Dr. P. Gay) Toute son œuvre voulait être une prière et son art, un sacerdoce. Pourtant il n’y a guère de sujets religieux si ce n’est, au seuil de la mort, la décoration d’une chapelle à Voiron en Haute Savoie, faite de sept toiles de grande dimension qui sont à présent au Vatican. C’est que, pour lui, en lui, tout est religieux… Dur fut le chemin qui le conduisit vers « l’heureuse fusion de l’esprit et de la matière ». Il est né en 1873, à Altkirch. En 1883, à l’âge de dix ans, ses parents le mettent à Belfort au collège des Frères de Marie, créé après l’annexion. Ses études sont sanctionnées par l’obtention du baccalauréat à 16 ans. « Professeurs et élèves étaient tous Alsaciens. Mes trois frères étaient dans ce collège. De ce fait, ma famille était très mal notée à la Keisdirektion d’Altkirch. Jusqu’à l’âge de seize ans, nous pouvions passer nos vacances en Alsace. Après dette date, il nous était interdit de mettre le pied dans notre pays natal. » Après «la galère» dans une usine belfortaine de constructions mécaniques, il décide de suivre les cours de l’Ecole des Beaux Arts de Paris. Là, il va frapper à la porte de Henner qui ne prend pas la responsabilité de l’encourager, mais, le dirige sur le célèbre symboliste Gustave Moreau. « C’était le salut!». Moreau le conseille, l’encourage, l’apprécie, trouve excellent tout ce qu’il lui présente. «J’étais content;… j’avais rendu cet homme heureux qui avait été si bon pour moi.»
En 1894, au concours d’Atelier de
fin d’année, il obtient une première
mention avec «Reconnaissance
de cavalerie».
Reconnaissance de Cavalerie - (1894) - H. 88.5cm; H. 170 cm - Huile sur toile Musée des Beaux Arts de Mulhouse
Après une dépression, consécutive à un service militaire traumatisant, il se retire à la trappe d’Acey, en Haute Saône. En 1889 -90, il fait la «providentielle rencontre» de Rouault. Dans les années 1915-16, de nouveau, le sort s’acharne sur lui: à une méningite succède un emprisonnement pour une hypothétique trahison jamais commise. Enfin, en 1921, les nuages noirs se dissipent: il se marie et rencontre, en la personne de son épouse, le soutien définitif qui l’accompagnera toute sa vie. En 1924, grâce à l’appui retrouvé de Georges Rouault, il expose chez Drouet. «Je fus bien accueilli…Je me sentis enfin en pleine confiance». En 1936, c’est la reconnaissance officielle: une salle entière lui est consacrée au Salon d’Automne. En 1946, il s’installe au 4, rue du château à Altkirch, dans sa maison natale et retrouve, pour les dernières années de sa vie, la quiétude de son cher Sundgau. C’est là qu’il décède, le 5 novembre 1953
Le musée d’Art Moderne de Paris, les
Musées des Beaux Arts de Strasbourg, Mulhouse, de
Besançon, des musées belges,
anglais, russes s’honorent de posséder des
œuvres de Léon Lehmann.
Ferrette, la haute ville - (1944) - H. 80cm; H. 120 cm - Huile sur toile Collection C.W. Il
transforme des couleurs pauvres en or en fusion.
«Léon Lehmann est un géant dont l’humilité paraît la qualité dominante» dit un critique. Soyons-le à notre tour devant son œuvre. Ne lui imposons pas une analyse technique. «Il faut chercher par d’autres moyens que l’analyse à l’effet d’un tableau» disait-il lui-même…«Seule la présence de son esprit peut éclairer son œuvre qui est un don de soi» (Dr. P. Gay)
Ce génie pictural authentique ne se
laisse pénétrer qu’avec une fervente et
patiente application: «d’âme
à âme». Pour être
compris, il
exige le recueillement.
Nature morte au violon - (1928-29) - H. 65cm; H. 64 cm - Huile sur toile Collection des Yvelines Léon Lehmann ne s’arrête pas à l’apparence, il recherche l’architecture intime du sujet. La tache de couleur n’existe pas en tant que telle; elle participe à une transcendance vers la perfection. «Les couleurs délicates dont il revêt ses représentations du quotidien sont celles de sa propre rêverie…» D’ailleurs, la couleur ne l’attirait pas. «Mais plutôt la solide construction architecturale, l’ardeur spirituelle qui se manifeste en elle». (Maxililien Gauthier, cité par P.Jourdain) Révéler la secrète et impalpable architecture d’un paysage, voilà sa quête du Graal… Il n’y a pas, chez Léon Lehmann, de système pictural à priori. «La nature était son seul guide.» (P. Jourdain). Ses demi-teintes, ses valeurs vont à l’encontre des recherches coloristes de l’époque (On pense au Fauvisme), ce qui lui valut d’être injustement négligé. «Un même esprit doit habiter l’œuvre et la porter à son maximum de pureté. C’est par le mouvement, le jeu précis des lignes que la forme prend valeur de poème.», dit-il. Son évolution artistique est le reflet de son évolution intérieure. Vers la fin, son art se dépouille de plus en plus de la matière. P. Gay parle de «recherches mallarméennes».
Emblématique de l’ultime période de
sa fructueuse carrière, ce sapin squelettique
qu’il disait «triomphant»
(son échelle de Jacob?...selon
le Dr. P. Gay) est l’expression la plus achevée
d’un art épuré, d’une subtile
alchimie
qui transforme des couleurs pauvres en or en fusion.
Le petit sapin - vu de sa fenêtre - (1948) - H. 24cm; H. 16 cm - Collection P.G.C Léon Lehmann par Katia Granoff (Célèbre galeriste - Paris, quai Conti et Place Beauvau - Cannes - Honfleur et émouvante poétesse) Bibliographie: - Lucien GOLFIER: Léon Lehmann – Bulletin de la S.IM. n° 794 - 1984 - Bertrand PY: Léon Lehmann; la douceur dans la force - René JOURDAIN: 44, rue du château ou visite à Léon Lehmann (Saisons d’Alsace n° 11 – 1964) - Catalogue raisonné de l’œuvre (1993) d’où sont extraits tous les visuels. - Katia GRANOFF: Mémoires Chemin de ronde (Union Générale d’Editions – 1976) - Jean-Yves Leloup - L’Icône, une école du regard – Edition Catherine Cornu
Les deux sapins - (Oeuvre de jeunesse)
Nature morte aux pommes - (vers 1910)
Vieilles maisons de Luemschwiller
Maison Alsacienne
Le
Roggenberg vu du salon en hiver - (1948-50)
Oeillets à la fenêtre Etude
pour un bouquet - (vers 1910)
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