Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Henri Loux
(1873-1907)
Henri
Loux, à l'âge de 25 ans. © Ed. A Propos
La courte carrière artistique d’Henri Loux (il est décédé à l’âge de 34 ans), est marquée par un double paradoxe. Ce ne sont pas ses tableaux, ses dessins, ses photogravures qui l’ont rendu célèbre, mais les décors d’assiettes réalisés pour le compte des faïenceries de Sarreguemines qui, disons-le d’emblée, ne l’ont guère enrichi. Cependant, elles lui ont conféré une popularité qui ne tarira pas tant que l’Alsace restera vivante… Alors que les artistes, en général, s’adressent à un public averti d’amateurs d’art et de collectionneurs, devant aller vers eux pour se faire connaître, exposer, publier… Henri Loux, lui, voit venir à lui, et bien au-delà de sa mort, un public de plus en plus large. Avec ses assiettes, ses plats, joliment décorés, il s’installe dans les maisons, est régulièrement présent sur les tables festives, à l’occasion d’une choucroute ou d’un Bäckeoffe. C’est grâce à cette large diffusion que l’on peut affirmer qu’Henri Loux ravive l’âme alsacienne
Une région peut-elle avoir une âme? Pour ce qui est de l’Alsace, je ne pense pas qu’il faille laisser cette question aux «théoriciens de l’identité». La réponse est assurément «Oui». Nous l’avons rencontrée ici-même, dans les tableaux de Philippe Kamm ou de Luc Hueber, dans les aquarelles de Robert Kuven ou de Georges Ratkoff, dans la poésie de Camille Claus…, dans les musées qui s’échelonnent de Haguenau à Altkirch, dans nos villages du vignoble et de l’Outre-Forêt. Or cette âme, après sa somnolence du XIXème siècle, a brusquement été réveillée par l’humiliante défaite de 1870 et le lâche abandon de l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne. Le bouleversement qui s’ensuivit entraîna bien des remises en cause. Car si la France proposait la liberté et la fraternité, l’Allemagne ne proposait pas seulement une annexion…Il en résulta une prise de conscience, une culture alsacienne constitutive de cette âme alsacienne qui fut celle de l’élite certes, mais aussi et avant celle de tout un peuple. Et l’Alsace, au temps du Reichsland, a bien été un âge d’or culturel. On en est enfin arrivé, notamment grâce à Gabriel Braeuner, à une vision décomplexée de ce qui fut plus qu’une parenthèse. Son exposé objectif des réalisations économiques, industrielles, mais aussi, ce qui nous intéresse ici, culturelles, dans tous les registres de la littérature, du théâtre, des arts, le prouve magistralement. Après l’annexion où régnait «ce que politiquement on a appelé la paix des cimetières, la vie culturelle était morte» (1) Et cette atonie dura jusqu’à la fin du siècle. C’est alors que des hommes politiques, des écrivains, des artistes ont entrepris de forger une «conscience alsacienne». «Cela commence comme un conte de fées, nous narre Robert Heitz. Au pied du Mont Sainte-Odile, sur un idyllique coteau placé sous le vocable de Saint-Léonard, habitait un homme cultivé aux dons variés, qui s’appelait Anselme Laugel. Tout comme son voisin, l’artiste-peintre Charles Spindler, il se passionnait pour les paysages, les coutumes, les costumes du pays. Ensemble, les deux amis parcouraient la campagne, accumulant notes et croquis, rassemblant ce qui subsistait d’art populaire. Bientôt le petit groupe de maisons devint un lieu d’attraction pour les jeunes artistes, écrivains, savants. Le «Groupe de Saint-Léonard» était né» (1) Parmi les premiers membres du Cercle, on compte des enseignants de la Kunstgewerbeschule, crée sous l’impulsion du maire de Strasbourg, Otto Back, un événement essentiel dans l’élan de résilience culturelle alsacienne: Léon Hornecker, Alfred Marzolff, Joseph Sattler, dessinateur bavarois. Se joignent à eux, Gustave Stoskopf, Paul Braunagel, Georges Rietleng, Emile Schneider, Léo Schnug, Lothar von Seebach, les poètes dialectophones Adolphe et Albert Matthis, et…Henri Loux. Henri Loux est né le 20 février 1873, à Auenheim, village voisin de Sessenheim, au bord de la Moder. Son père, Henri Edouard, instituteur principal et sa mère, Frédérique Wolf, fille du maire de Rountzenheim, se sont mariés en 1870. Henri a un grand frère, Auguste, né juste un an avant lui. Il est issu d’une famille profondément attachée à sa foi religieuse luthérienne qui lors de la Révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV, en 1685, a dû quitter la principauté de Montbéliard pour s’installer au Ban de la Roche, enclave francophone de l’Alsace «Province Réputée Etrangère» qui conservait les lois du Saint Empire Romain Germanique. L’arrière-grand-père de l’artiste, tisserand de son état, comme d’autres membres de la famille établis dans les vallées vosgiennes, sollicite en 1812, à Barr, une charge d’instituteur auprès du consistoire de l’Eglise de la Confession d’Augsbourg. C’est la naissance d’une dynastie d’enseignants qui se poursuivra sur trois générations. En effet, son fils, Elie Nathanael, né à Solbach en 1811, est instituteur communal et secrétaire de mairie à Fouday. Pour cause de querelles de politique locale, il doit s’installer, par nomination préfectorale à l’école d’Auenheim. Quant au père d’Henri, après avoir présenté un brevet de capacité pour devenir maître auxiliaire à Fénétrange puis à Forbach, va finalement occuper à Auenheim, le poste de son propre père. Sa tâche ne sera pas aisée. De souche et d’expression française, il est immergé dans un environnement linguistique germanique. En 1875, il est nommé directeur de l’école de Sessenheim où il enseigne exclusivement en Allemand, langue devenue officielle dans le Reichsland Elsass-Lottringen, langue qu’il semble alors maîtriser, ayant obtenu le poste au détriment d’un candidat immigré allemand!... «Sessenheim, à ce moment, est une commune rurale de quelque 1 000 habitants, la plupart paysans de religion luthérienne, petits propriétaires terriens avec exploitation agricole ou ouvriers-paysans. Ces premiers Arweiterbüre travaillent dans l’industrie ou la manufacture de tabac, les femmes, restées au foyer, entretenant le bétail et cultivant un lopin de terre. Un chemin de fer relie Sessenheim à Strasbourg par la ligne de Lauterbourg, inaugurée en 1876…L’expression linguistique est le dialecte alsacien à la frontière du francique et du bas-alémanique.» (2) Avec le maire, le curé et le pasteur, l’instituteur, de par sa fonction morale et sociale hautement reconnues, est un personnage important dans le village. Outre ses émoluments modestes attachés à sa fonction, le père d’Henri a le droit d’exploiter 70 ares d’Allmende, (terrain communal). Il tient également l’orgue de l’église. Celle-ci connaît, depuis 1688 le simultaneum: le chœur et son tabernacle étant réservés aux catholiques, la nef et sa chaire, aux protestants. Auguste et Henri fréquentent l’école primaire de Sessenheim, tenue par leur père. Elle fonctionne en classe unique, réunissant tous les écoliers protestants du village. L’enseignement, obligatoire de six à quatorze ans dès 1871, se fait en haut-allemand. Mais leur mère, issue d’une famille paysanne aisée, maîtrise la langue française, apprise au pensionnat de Sarrebourg. Elle est ainsi en mesure de les ouvrir à une enrichissante double culture. Et s’ils ont pris goût à la lecture, c’est encore grâce à elle. Dans ce petit village où tout le monde se connaît et se côtoie, les deux frères sont étroitement mêlés aux autres enfants, en grande majorité fils de paysans. Henri est fasciné par la vie rurale qui se décline autour de lui au fil des saisons. Il envie ses camarades qui participent aux travaux des champs, aux activités de la ferme. Il est impressionné par leur mode de vie indépendant, libre de toute hiérarchie, par l’aisance matérielle de leurs parents protestants, notamment, qui affichent avec fierté leur appartenance à une communauté solidement structurée.
© DMC, 2012
Le jeudi et pendant les vacances, il prend sa revanche dans la ferme du grand-père Wolf à Rountzenheim, proche de Sessenheim, devenant son Hàndlanger dans le jardinage et les travaux des champs, les soins apportés aux bêtes, gardant le troupeau de canards. Dans une chronique de 1907, Henri Loux confie à Anselme Laugel que «Aussitôt que je travaille, se présente à mon esprit la vie que je menais quand j’étais petit enfant dans la ferme de mon grand-père. Les jours de pluie, poursuit Anselme Laugel, il observait les voisins qui se réunissaient dans la forge du village en fumant la pipe; il écoutait les belles histoires que racontait un gardien d’oies, ancien troupier, pendant que les volailles se lissaient les plumes au bord d’une mare.»(2) Cette enfance heureuse, vécue au sein d’une communauté soudée, dans un décor champêtre impeccablement entretenu et un village pittoresque où chacun met un point d’honneur à soigner son embellissement, cette imprégnation dans un monde bucolique, paisible sont restées à tout jamais vivaces dans son esprit. Elles vont se traduire dans toute son œuvre. Tout naturellement d’ailleurs car le vécu de l’enfance et de l’adolescence de certains peintres «de terroir» perdure et resurgit intact au-delà et malgré la formation reçue. Henri Loux est de ceux-là. Sortis de l’école paternelle, les deux frères poursuivent leur cursus scolaire au gymnase protestant de Strasbourg, le Gymnasium. Ils s’y rendent en train. Elève moyen, les bulletins d’Henri s’avèrent médiocres. Il n’est pas vraiment à l’aise dans cette structure. Les Alsaciens ne constituent qu’une faible proportion du corps enseignant formé surtout d’Allemands immigrés, les «Vieux Allemands», imbus de la supériorité de la culture allemande. Le gymnase protestant, en particulier, a dû accepter un caractère plus germanique, marqué par un nationalisme agressif, des cours chargés et un enseignement péremptoire, «méthodes pédagogiques éloignées des tendances libérales du protestantisme alsacien». (2) Ses dons pour le dessin, remarqués par différents professeurs, laissent d’abord son milieu familial indifférent. Issu d’une dynastie d’enseignants, il se devait d’en prendre la suite. Devenir artiste comporte trop d’incertitudes, conduit à une vie de bohème et condamne à l’échec; avis largement partagé!...Jugeant Henri peu apte à enseigner, mais particulièrement talentueux en dessin comme en peinture, son professeur de dessin, Edouard Weissandt, réussit à convaincre le père d’autoriser Henri à suivre ses cours du soir de peinture. Le dessin d’un paysage champêtre, qu’Henri réalise en 1889 et le portrait de son grand-père effectué sous la direction de Weissandt, persuadent son père à renoncer à en faire un instituteur. En 1890, à l’âge de dix-sept ans, il est inscrit à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg, la «Kunstgewerbeschule», crée en 1889.© ED. A Propos
L’ouverture de la Kunstgewerbeschule marque le renouveau de l’art en Alsace. Pépinière de jeunes talents, l’école et l’effervescence autour d’elle vont imposer Strasbourg comme foyer et centre artistique de premier ordre dans un Reich qui voit éclore une forte culture allemande. Elle va provoquer l’émergence d’une génération d’artistes qui ne peuvent plus se contenter d’une protestation stérile, décidée à revendiquer sa place au soleil, dit en substance Robert Heitz. Parallèlement à cette heureuse initiative dont le mérite revient au maire de Strasbourg, Otto Back, il convient de mentionner l’influence déterminante de Lothar von Seebach, le plus alsacien des Badois, dont les implications dans la vie culturelle sont emblématiques de la renaissance de l’art alsacien. C’est lui qui a appris l’impressionnisme français et la peinture de plein air à ses élèves: Lucien Blumer, Auguste Camissar, Paul Welsch, Lucien Haffen… L’école prépare aux métiers liés aux métaux, à la pierre, au fer, au verre, au bois; elle enseigne la peinture décorative, le dessin architectural, le décor de théâtre, l’anatomie…La direction a été confiée à Anton Seder (1850-1916), artiste et pédagogue munichois. Georg Daubner enseigne la décoration, Léon Hornecker, la peinture, Alfred Marzolff, la sculpture, Joseph Sattler, le dessin artistique, Karl Jordan, l’anatomie. Parmi les camarades de classe d’Henri, figure Leo Schnug avec qui il se lie d’amitié. Ayant suivi la même formation, on constate des similitudes de style dans leurs œuvres de jeunesse. Dans ses fresques du Kammerzell, Schnug prend le portrait de son compagnon pour représenter le «repas du condamné». Leur affinité réciproque peut s’expliquer également par leur mode de vie privée: célibataires, vivant avec une mère plus ou moins possessive et protectrice. La formation s’étend sur trois ans. Henri Loux fréquente les différents ateliers de 1890 à 1893. La chronique artistique du Strassburger Tageblett du 21 avril 1892 reconnaît l’intérêt de l’exposition des travaux d’élèves et distingue «la surprenante et enrichissante contribution d’Henri Loux qui y expose des fusains d’après nature, des natures mortes, des petits paysages à l’huile qui laissent deviner un véritable talent artistique…La maîtrise du trait est affirmée par une composition presque parfaite.» (2) En 1901, Anton Seder présente, dans un ouvrage collectif, une sélection de travaux les plus intéressants; ce sont ceux de Thomas Haas, Adolphe Graeser, Leo Schnug et Henri Loux. La forte personnalité d’Anton Seder impose sa vision pédagogique: il affiche sa volonté de mettre fin à la distance habituelle entre théorie et pratique, entre art et artisanat…L’Ecole, en avance sur son temps, préfigure le Bauhaus. Dans la continuité de son influence, elle se distinguera par le développement de l’esprit créateur, la liberté des programmes, des méthodes, la liberté de conception et d’exécution des œuvres. Le rôle des professeurs étant réduit au minimum. Comme la plupart des artistes alsaciens de sa génération, citons Auguste Camissar, René Allenbach, Léo Schnug, Emile Schneider, Henri Loux poursuit sa formation à Munich dans l’Akademie der bildenden Kunst. Munich était alors la capitale artistique de l’Allemagne. Seder, qui estimait que c’est un non-sens de perdre son temps à Munich pour oublier l’enseignement reçu de lui, donne la préférence aux bourses d’études, ce qui correspond à la politique allemande alliant germanisation et formation artistique. Gustave Stoskopf, Charles Spindler, Léon Hornecker, Albert Marzolff en ont profité. Il a fallu une aide financière familiale pour permettre à Henri de prolonger son séjour à Munich sur quatre ans, de 1893 à 1897. Elève sérieux, il suit assidument les cours et les travaux pratiques de l’Akademie. Comme Schnug, Sattler et Schneider, il travaille sous la direction du grec Nikolaos Gysis (1842-1901), peintre orientaliste qui évolua vers l’impressionnisme. Comme Schnug, il s’intéresse aux travaux de Moritz von Schwind qui est au service des Wittelsbach, amoureux du néo-féodal follement romantique et du baroque. Henri Loux y sera sensible.Dessin académique réalisé à Munich © ED. A Propos
Il est particulièrement intéressant de noter qu’Henri Loux a été marqué par le peintre et graveur Ludwig Richter (1803-1884) qui enseigna à l’Ecole de dessin d’Etat des faïenceries de Meissen. Il séjourne à Munich exactement au moment où le Jugendstil, l’équivalent allemand de l’Art Nouveau se manifeste à Vienne et où le courant de la Sécession éclot. En effet, c’est en 1896 que paraît, à Munich, la revue Jugend qui donna son nom au mouvement et c’est en 1898 que l‘architecte Olbricht édifia le pavillon de la Sécession à Vienne. Henri Loux en adoptera un des objectifs fondamentaux qui est la peinture décorative dont les arabesques unissent les différents éléments du tableau. S’il laisse moins d’œuvres typiques du symbolisme sécessionniste que son cadet de cinq ans, Leo Schnug, la signature qu’il appose au bas des travaux de cette période, aux initiales enchâssées dans un cartouche losangé, rappelle celles de Gustave Klimt et d’Egon Schiele. En 1897, rentré en Alsace, il revient auprès de ses parents à Sessenheim. Alors que les journaux strasbourgeois lui consacrent des critiques élogieuses, son retour au village laisse les paysans de Sessenheim indifférents. De 1895 à 1897, il met à profit ses vacances semestrielles pour dessiner, illustrer, exposer. Ainsi, en 1895, au palais Rohan, à l’exposition de la Société des Amis des Arts, figure une de ses peintures. La même année, il illustre de dix dessins la brochure Der lustige Führer durch Strassburg. De cette période date aussi l’illustration de la légende des lutins de Ferrette, die Heinzelmännschen ainsi que des esquisses de la vie villageoise.
Page de garde du "Lustige Führer durch Strassburg" © ED. A Propos Die Heinzelmännschen © ED. A Propos
L’amour impossible entre Goethe et Frédérique Brion qui fit entrer Sessenheim dans le monde littéraire, trouva un écho douloureux dans la vie du jeune Henri. Amoureux d’une jeune fille appartenant à une riche famille du village, il essuie un refus catégorique. Sa vie d’artiste et sa longue pérégrination n’inspiraient pas confiance… Son retour de Munich est endeuillé par la mort de son frère Auguste, terrassé par une pneumonie tuberculeuse. Il en sera très marqué. En 1901 survient le décès de son père. La précarité de cette situation l’oblige, lui et sa mère, à déménager, en 1902, à Strasbourg, au 4, rue d’Erstein. Mais, heureux et fier de son diplôme de fin d’études de l’Akademie der bildende Kunst, il est débordant d’activité. A l’instar de Spindler et de Laugel, avant lui, il parcourt l’Alsace, accumulant notes et croquis, passionné, comme eux, des paysages, des coutumes, des costumes, des fêtes, menant sa propre enquête de l’art populaire. Immédiatement, il renoue avec les mouvements initiés par les artistes et les intellectuels qui entreprennent l’extraordinaire tentative de créer une conscience alsacienne selon l’adage de Robert Heitz: «Français ne puis, Allemand ne daigne, Alsacien suis!...» C’est-à-dire, être le tenant d’une double culture telle que définie par l’universitaire allemand Werner Wittich. «Sous sa plume, l’Alsace pourrait être le lieu privilégié où s’énonce un programme culturel, une manière d’être où la référence linguistique serait la langue allemande, y compris sous sa forme dialectale et les pratiques répondraient à une sensibilité politique démocratique inspirée de la France». (3) Au sein du Cercle de Saint-Léonard, en 1898, Henri Loux assiste au lancement de la somptueuse Revue Alsacienne Illustrée, revue bilingue trimestrielle, et en 1905, à la création par les amis du Cercle de la Maison d’Art Alsacienne, Rue Brûlée. A cette époque, la mode est aux Stammtisch, moyen pour cette élite culturelle de faire connaître ses travaux. A Strasbourg, le Stammtisch nommé Mehlkischt (la boîte à farine), situé près de la Porte de l’Hôpital ressemble beaucoup, dans les années 1890, à un cabaret de Montmartre où se retrouvaient Spindler, Stoskopf, Ritleng, Braunagel, Schneider…Quand le «Dîner des Treize» qui réunissait les mêmes à Saint-Léonard dans le but de promouvoir l’œuvre naissante de Spindler, fut transféré dans les bons restaurants de Strasbourg, il devint le Kunschthâfa, le plus célèbre des Stammtisch, le centre de décision incontournable de la vie artistique alsacienne. De ses travaux sont également issus: le Théâtre alsacien, l’Association des Artistes strasbourgeois (Verband strassburger Künstler), et, enfin, le Musée alsacien du Quai St-Nicolas. L’irrésistible pouvoir attractif d’un tel dynamisme va agrandir le cercle des adeptes par des conservateurs de musées, Binder et Seyboth, des compositeurs et musiciens tels J.-M. Erb, Ernest Munch, Alfred Lorentz…ainsi que des invités de passage comme Sarah Bernhardt et René Bazin.
Les réunions du Kunschthâfa
se tenaient à la Maison Rouge à Schiltigheim,
puis, à partir de 1896, au
Schlössel, toujours à Schiltigheim, acquis par
Auguste Michel, gastronome et
fabricant de foie gras. «On
n’était pas
obligé de se tracasser pour créer une ambiance
chaleureuse dans cette société»
nous rassure Arnaud Weber dans son remarquable travail sur le
Kunschthàfa. Ces agapes mensuelles
étaient une aubaine pour un certain nombre
d’artistes traditionnellement
impécunieux qui venaient «communier sous
les espèces du cochon de lait et du foie gras».
(5)
Menu du 24ème Kunschthàfe, signé Henri Loux. © Ville de Gerstheim
Henri
Loux fait partie des fidèles de la
confrérie. Il dessinera le menu de la 24ème
réunion. Chaque artiste,
à tour de rôle, en a la responsabilité.
Son
engagement, son assiduité lui valent
d’être
sollicité pour des travaux
d’illustration, d’affiches, notamment celle de la Fischerin,
une pièce de Goethe montée sur les bords de la
Moder
entre Sessenheim et Dahlunden, des brochures publicitaires, des cartes
postales… En 1899, il réalise le frontispice de
la
pièce de théâtre D’Heimet de
Jules Greber et
Gustave
Stoskopf et du recueil de poésies de
François-Xavier
Neukirch S’Pfiffel
vum e Meiselocker.
'S Pfiffel vum Meiselocker (couverture) © Musées de Strasbourg Collection Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg Pour mettre le public en contact avec les œuvres des artistes, il fallait trouver un lieu d’exposition. Celui-ci leur fut fourni par le marchand d’art Bader-Nottin, grand admirateur de Charles Spindler. Ainsi s’est ouvert aux artistes de la Revue Alsacienne Illustrée, en 1898, au 23, Rue de la Nuée bleue, le salon Bader-Nottin. Les expositions qui s’y tinrent, «ont été d’une importance capitale pour la future organisation des artistes alsaciens-lorrains, puisque c’est à elle que les artistes strasbourgeois durent d’entrer en rapport les uns avec les autres et surtout que les artistes appartenant à l’Ecole des arts décoratifs entrèrent en relation avec le groupe de la Revue Alsacienne Illustrée» (5)
La Maison
d’Art
Alsacienne,
crée par Spindler et Stoskopf, au 6, Rue
Brûlée,
accueillera
des expositions permanentes d’artistes strasbourgeois.
Grâce à elles, Ritleng,
Loux, Schnug, J.-J. Waltz se révèleront au grand
public.
La Maison d’Art se substituera au salon
Bader-Nottin.
Affiche pour le pavillon alsacien de l'Exposition Universelle de 1900. © Ville De Gerstheim La rencontre avec Léon Boll, viticulteur à Ribeauvillé, eut d’heureux effets pour Henri Loux. Etant l’organisateur, à l’exposition universelle de Paris en 1900, de la reconstruction à l’identique de la Maison Kammerzell et ayant les talents de Loux en grande estime, il lui confie l’illustration de la brochure Vins et Coteaux d’Alsace distribuée aux visiteurs. Dans ce livret qui évoque les villages viticoles d’Alsace et fait l’éloge de leurs vins, il présente à travers dix-sept dessins, des scènes de la vie quotidienne. A l’exemple de Lothar von Seebach, il est un des rares à représenter les gens au travail. «Ces images dénotent la vivacité et la sensibilité du dessinateur». (2) Alors que la société rurale entre dans son crépuscule, il retrace l’idéalisme paysan tel qu’il aurait aimé le voir se pérenniser. Il illustre également la carte des vins du Schildele, la propriété de Léon Boll. Il réalise la grande affiche murale, un fac-similé de la Maison Kammerzell aux pieds de la Tour Eiffel, ornée de 34 blasons nationaux. Il participe aussi, par l’entremise de Boll, à l’illustration de quatre légendes des Contes et Récits nationaux, «grande publication populaire alsacienne, couronnée par l’Académie Française». (2) Quatre récits sont illustrés par cinq dessins d’Henri Loux. En 1902, s’offre à Henri Loux l’opportunité d’un moyen d’expression artistique inédit: la décoration d’assiettes en faïence. Après l’extinction de la dynastie des Hannong de Strasbourg et Haguenau, seule la faïencerie de Sarreguemines continuera, au XIXème siècle à produire, avec un succès notoire de la vaisselle à décor floral, animal, géométrique, allant jusqu’à des décors de la vie quotidienne. Au début des années 1900, elle éprouve le besoin de renouveler sa gamme de production, rafraîchir et égayer les décors, sortir de la routine des Mestideller, trophées rapportés des stands de tir, et des services d’assiettes achetés au Häfelemarik des marchands ambulants, aux décors imprimés en noir et entourés de motifs moraux, religieux, historiques, bleus, roses, bistre… Le projet de la faïencerie étant inspiré par l’idée de promouvoir des images patrimoniales propres à l’Alsace, elle se tourne tout naturellement vers Charles Spindler qui «était devenu l’homme le plus documenté de notre Bas-Rhin» et qui vient d’éditer entre 1900 et 1902 la monumentale «bible» du folklore alsacien: «Costume et Coutumes d’Alsace» (Trachten und Sitten im Elsass) Trop occupé, Spindler doit décliner l’offre. Gustave Stoskopf, dont il sollicite l’avis, propose alors la candidature d’Henri Loux. Séduit par l’originalité de cette belle perspective, il se met immédiatement au travail. Par une lettre du 6 novembre 1902, il rend compte à Charles Spindler de l’avancement de ses projets et lui demande conseil: « Cher Monsieur Spindler, Monsieur Stoskopf m’écrit que la Faïencerie de Sarreguemines est pressée d’obtenir des projets. Je suis déjà en train de réaliser un projet d’assiette. Pour lundi prochain je pourrai le leur envoyer. J’y ajouterai d’autres propositions. Croyez-vous que cela puisse suffire? Il me serait agréable de recevoir de la firme des indications précises sur la forme et la grandeur des assiettes ainsi que l’adresse exacte de la firme. Je pourrai alors correspondre directement avec elle. S’il vous plaît, écrivez-moi à propos de cette affaire votre estimé avis. Remerciements anticipés, H. Loux» Après un premier rendez-vous, à Strasbourg, en 1902, Loux se rend à Sarreguemines, l’année suivante pour mettre au point la manière d’appliquer ses projets à la forme de l’objet, en l’occurrence, des assiettes décoratives dites, assiettes-lentilles, à suspendre. Elles sont illustrées d’une série de onze scènes tirées de la pièce de théâtre D’r Herr Maire de Stoskopf. Quatre sont signées Henri Loux, les autres de Frédéric Régamey. Assiette lentille: D'r Herr Maire de G. Stoskopf © Ed. DNA
Vers la fin du XIXème siècle, la manufacture adopte la méthode de la lithographie en couleur développée par le Mulhousien Engelmann, en 1837. Ecoutons Michel Weyl qui, dans son opus «Le Service de Table Obernai d’Henri Loux, formes et décors» (Ed. Les petites vagues – 2008) nous dévoile la technique de fabrication. «Le principe de la lithographie est simple: le décor est dessiné au crayon ou à l’encre grasse sur une pierre calcaire au grain fin et parfaitement polie. Il est ensuite fixé sur la pierre par une dissolution de gomme arabique et d’acide. Pour tirer les épreuves, la pierre est mouillée et n’adhère qu’aux parties dessinées. On peut ainsi imprimer le papier destiné au transfert. A partir des pierres dessinées «originales», il est possible de reproduire à l’infini les décors sur d’autres pierres sans avoir besoin de redessiner les motifs à chaque fois. Chaque dessin exige huit pierres, l’une pour le noir, et le reste pour les autres couleurs. Pour reporter les chromos imprimés sur les pièces de vaisselle, les feuilles sont enduites d’un vernis, puis, mises à sécher. Une première ouvrière découpe chaque motif, une seconde le pose et le colle sur les pièces, ensuite nettoyées et rincées. Après trempage dans un bain d’émail, les articles sont cuits au four à basse température. En 1965, la lithographie est remplacée par la sérigraphie. Les décors ne sont alors plus imprimés avec des pierres, mais à l’aide de trames de soie. Le procédé n’utilise que trois couleurs en plus du noir.»
En 1900, la manufacture de Sarreguemines est à son
apogée.
Après des débuts difficiles dus à la
concurrence de la faïence fine anglaise et
aux troubles de la Révolution, elle est reprise par le
bavarois Paul Utzschneider.
Excellent céramiste, il introduit la technique du transfert
d’impression,
décrite plus haut. La manufacture prend alors un
caractère industriel sous la
direction de son gendre Alexandre de Geiger et, après 1870,
le fils de ce
dernier.
© Ed. Les petites vagues En 1902, Henri Loux propose à la manufacture une série de table complète dont les pièces seront éditées sous la marque «Loux – Utzscheider et Cie», à l’envers de l’assiette. Seule la signature de Loux figure en marge du décor. Pour ce service, l’artiste reste fidèle à l’Alsace rurale« qu’il magnifie dans des scènes campagnardes, montrant avec sincérité l’âme et le sentiment alsaciens». (4) Chaque élément du service est décoré d’un motif original. Des vignettes à décor floral et à rubans encadrent les motifs. Après son décès, en 1907, le service de table «Loux» est rebaptisé «Obernai». Depuis cette époque, le service Obernai s’est produit avec un succès constant. Jamais le vocable «artiste créateur» ne s’est aussi parfaitement, aussi légitimement appliqué à un peintre. Or, Henri Loux est payé comme «décorateur» pour le temps passé à Sarreguemines et non «à la pièce» Ses créations ne sont pas protégées. Ni lui, ni ses héritiers ne bénéficient d’un droit de reproduction. Ce qui explique que ses revenus ne l’enrichissent pas. Ils lui permettent à peine de vivre, de couvrir ses déplacements à Sarreguemines, ce qui est un comble…Outrée par cette profonde injustice, sa mère, selon la brochure de référence éditée par la municipalité de Gerstheim, aurait défendu ses intérêts auprès de la faïencerie dans les années 1920. Peine perdue, elle n’aurait obtenu qu’un service à café!...On ne peut être plus méprisant! En 1903, Henri Loux s’associe à Willy Scheuermann pour créer les Nouvelles Images Alsaciennes (Die neue elsässer Bilderbogen), titre qui fait référence aux Elsässische Bilderbogen, parus en 1895 et 1896, première publication du Cercle de Saint-Léonard. La vocation de cette nouvelle revue à parution hebdomadaire, est identique à sa devancière: par le texte en Allemand de Scheuermann et l’image, réaliste de Loux, transmettre leurs découvertes glanées entre Bâle et Wissembourg. Un travail d’ethnologue qui couvre tous les domaines du patrimoine alsacien: art et chansons populaires, traditions, légendes, métiers artisanaux, etc…D’autres artistes collaborent à la revue: Schnug, Kamm, Leschhorn. Tandis que Georges Ritleng et Karl Leonhard apportent leurs idées Son existence sera brève. Au bout d’un an, la publication est arrêtée faute d’un nombre suffisant d’abonnés; ce qui dénote du manque d’écho auprès de la population qui, dans son repliement ne se sent pas concernée. Mais, le prix de vente de la revue y est aussi pour quelque chose… Henri Loux qui s’est fortement investi dans cette aventure éditoriale, en sort amèrement déçu comme son compagnon Scheuermann qui affirmera plus tard: «Nous avons travaillé de façon sérieuse; l’ample moisson des dossiers rapportés en témoigne.» Mais, Loux n’abandonne pas pour autant ses pérégrinations à travers l’Alsace dont il rapporte peintures à l’huile, croquis, lavis, dessins. L’unique, et singulière lithographie Die Abholung des Hochzitters, date de cette époque. (Tableau analysé) En mai 1903, Henri Loux participe à la première grande manifestation de l’ensemble des artistes alsaciens. Sous l’impulsion du maire Otto Back, quarante-neuf artistes exposent trois cent-douze œuvres au palais Rohan. C’est un grand succès. «L’affluence est telle que certains dimanches on enregistrait plus de mille entrées» écrira Stoskopf. L’époque serait-elle passée où l’Alsacien ne s’intéressait pas aux Beaux-Arts? Henri Loux est un des fondateurs du Verband Strassburger Künsler, créé en 1905. L’association organise des expositions notamment à Cologne et à la Maison d’Art Alsacienne à Strasbourg. En 1906, à l’occasion d’une rencontre familiale, Henri Loux est pris d’un malaise et de douleurs thoraciques. Il reste alité durant plusieurs mois. Il décède au matin du 19 janvier 1907, probablement d’une malformation cardiaque congénitale. Son père, mort subitement à l’âge de 53 ans et son frère avaient, sans doute aussi des prédispositions… Sa mère, à qui il a déclaré «Quand je serai guéri, je ne vivrai que pour toi et pour l’art… Je ferai des tableaux comme jamais on n’en a vus.» se retirera chez sa soeur et son beau-frère à Soufflenheim. Elle meurt en juillet 1927 à l’âge de 78 ans. L’annonce mortuaire parue le 20 janvier, dans le Journal d’Alsace-Lorraine, rend à l’homme et à l’oeuvre un hommage particulièrement touchant: «Enlevé à l’art alsacien, il avait une vision extrêmement tendre et poétique de sa terre natale. C’était un artiste sincère, un peintre profondément doué. Il était dans la plus belle période de son talent (…) Nul mieux que lui ne comprenait les Vosges et les ruines, les vieilles maisons des villages alsaciens et nos paysans. Sa palette trouvait des tonalités exquises…» Il est enterré le 21 janvier au cimetière du Polygone, à Strasbourg. Il neigeait… Le 17 février, ses amis organisent une exposition (eine Sonderausstellung zum ehrenden Gedächtnis an H. Loux) à la Maison d’Art Alsacienne qui comporte 163 dessins et peintures, pour la plupart inédits. Une «Loux Mappe» de 29 créations représentatives de l’œuvre d’Henri Loux est publiée en 300 exemplaires. En 1910, Adolphe Matthis publie une brochure poétique dédiée à Henri Loux, Ein elsässer Moler, avec un dessin de son ami Leo Schnug en vignette.Loux - Mappe, 1907 Haus am Kreuzweg © Ed. A. Propos Poussé par une irrépressible dynamique, elle-même servie par un talent indéniable, il réalise une œuvre qui se décline sur deux registres. D’une part, sans discontinuité, durant toute sa courte carrière d’artiste, il s’exprime par ses peintures, ses dessins, ses croquis. Spontanément, au gré de l’inspiration, au cours de ses incessantes pérégrinations. Il est le témoin attentif, respectueux, enthousiaste de la vie sociale, professionnelle, quotidienne des paysans de sa contrée. Le lavis en camaïeu du N° 6 du Neue Bilderbogen qui a pour sujet la forge de la vallée de la Liepvrette, a valeur de document. Ailleurs, il prouve sa parfaite connaissance de l’anatomie du cheval et excelle à en souligner l’élégance.Hammerschmiede im Leberthal, détail © Ed. A. Propos
Sollicité pour des décors, des menus, des
affiches, il puise aux sources traditionnelles de son inspiration: il
est dans
son époque et il est de son époque, notamment par
le style qui demeure fidèle à
l’Art Nouveau. Cependant, sa manière
n’est pas figée. Il sait, quand il explore
le monde féerique des contes et légendes
s’adapter selon l’effet escompté:
puissance physique, mystère, effroi, suspens ou, au
contraire, ambiance
paisible.
Modèle de menu Judengstil © Ed. A. Propos Siegfried triomphe du Dragon Collection particulière Ses compositions, soigneusement élaborées, font parfois preuve d’originalité. Celle qu’il a choisie pour son «Musik Program» est d’un naturalisme tout en fraîcheur. Dessinateur avant tout, il met la couleur au service du tracé dans ses esquisses et ses camaïeux. Il est à l’aise dans le jeu des couleurs chaudes et froides, agrémentées, parfois, d’une touche impressionniste comme dans «L’auberge des Brasseurs» donnant sur le château d’Andlau. Il lui arrive de se libérer des contraintes de l’observation du réel: pour obtenir les contrastes désirés, il dote «L’Envol de la Cigogne» de reflets inattendus. Musik Program du Bal des pharmaciens © Ed. A. Propos Envol de cigogne, Château de Windstein © Ed. A. Propos L'auberge des Brasseurs © Ed. A. Propos L'auberge Zum Lamm à Sessenheim, dessin au crayon Collection particulière
Ses dessins au
crayon, ses esquisses, comme « Une entrée
villageoise» ou «L’Auberge zumm
Lamm»,
enchantent par la douceur du trait, le délicat dosage des
ombres et de la
lumière. La transposition à l’huile
n’aboutit pas forcément à cet heureux
résultat.
Costumes et environnement rural se mettent
mutuellement en
valeur. Ils sont, en quelque sorte, consubstantiels. C’est un
des aspects de
l’art d’Henri Loux les plus
appréciés; il est particulièrement
sensible dans la
scène de genre de la jeune fille protestante crochetant une
dentelle, assise
sur la margelle d’un puits à chaîne ou
encore dans celle de la personne âgée
posant devant la fenêtre ouverte sur la tour
fortifiée du village. Pour Henri
Loux, le costume n’a de sens que porté dans le
cadre de vie ou du labeur
quotidien. Il est lié à l’art de vivre.
© Ed. A. Propos
Les
esquisses de costumes féminins sont des
instantanés dans lesquels la personnalité
d’Henri
Loux s’exprime spontanément.
C’est la réaction immédiate de son
état
affectif. Ses sensations, ses émotions, son humeur
se
traduisent en traits
nerveux qui fixent les gestes naturels du ratissage, de
l’arrosage ou du
nourrissage. Nous y sommes particulièrement sensibles dans
ses
crayonnages
aquarellés et ses aquarelles pures; celles-ci, lui
permettent
d’exprimer aussi
finement que possible les sentiments qui animent les visages; leur
petite
taille (5x5cm) étant parfois un défi difficile
à
relever.
Esquisse sur le thème des costumes alsaciens © Ed. A. Propos Esquisse miniature (5x5cm) © Ed. A. Propos
En outre, les esquisses d’Henri Loux ont une
puissance narrative remarquable. L’adage selon lequel un
petit dessin en dit
plus long qu’un long discours se vérifie dans
«Le jeune couple dans le verger
au mois de Mai». Sa capacité suggestive fait de
chaque geste, de chaque
attitude l’expression de la complicité,
de la méfiance, de la tentative de
séduction…
Jeune couple dans un verger, au mois de Mai - Esquisse © Ed. A. Propos Sessenheim mérite une mention particulière dans l’œuvre d’Henri Loux. Il a consacré à son village de nombreuses études, des cartes commémoratives, des cartes de vœux, des affiches. «Ah! Qu’il aimait les vieilles pierres et les petites ruelles de son village d’enfance» écrit Gustave Stoskopf en 1908. «Corps et âme, il était attaché à son village familial, avec ses vieilles maisons paysannes, et surtout sa belle église, où s’étaient assis Goethe et Frédérique». Collection particulière Sessenheim. Clocher à bulbe d'avant 1805 © Ville de Gerstheim D’autre part, il est amené dans son engagement auprès des faïenceries de Sarreguemines, à faire un choix tant raisonné que subjectif de thèmes qu’il adapte aux conditions techniques de format, de forme et de support. Conscient de toucher un large public, de pénétrer dans l’intimité de son peuple, il va pouvoir prouver que l’art est fait pour tout le monde et il va le mettre à la portée de tout le monde. Le but, ô combien noble, étant de relever l’idéal du peuple!... Le service Obernai est réalisé en faïence fine, dite pâte d’ivoire. Sa teinte blanc-crème, sa brillance et les couleurs vives, contrastées qu’Henri Loux applique harmonieusement, sont du plus bel effet «décoratif». Les subtilités telles que: «La beauté est dans l’œil du spectateur» n’ont plus cours ici. Le mariage entre le style de l’artiste-créateur et la finesse de la céramique est parfait. Il fait l’unanimité et justifie l’opinion d’Anselme Laugel selon qui le paysan aisé est naturellement porté vers l’art, vers la beauté; en témoignent sa maison, sa vaisselle, son mobilier. Cette nature riche et généreuse, expliquerait son goût pour une ornementation chargée, typée… Parmi les grands thèmes de son répertoire, Henri Loux a sélectionné avec lucidité et justesse, les sujets les plus représentatifs, les plus plaisants, les plus parlants, les plus évocateurs. Il était sans doute fréquent que les convives commentant les images, se prennent à témoins de tel ou tel souvenir commun, avant de rendre à l’assiette sa vocation gastronomique. Pas moins de quinze villages sont représentés dans les assiettes du service Obernai qui compte cinquante-six motifs. Ils sont situés essentiellement dans l’Outre-Forêt, le Pays de Hanau et le Kochersberg, ce sont les plus typiques parmi les milliers de localités nichés au creux des vallons de ce «beau jardin». Le fort morcellement des exploitations agricoles qui induit une polyculture intensive, offre au peintre, aux abords des villages, des paysages variés de couleurs et de formes, propices à créer des décors bucoliques charmants. Ils permettent à Henri Loux d’illustrer les activités, les scènes les plus vivantes, les plus caractéristiques de la vie à la campagne. Ainsi, la gardienne d’oies, s’Gänseliesel, personnage familier des villages du Nord de l’Alsace, pays du foie gras. Une des figures les plus typiques qui a rencontré un vif succès. A l’arrière-plan, un peuplier fait face aux perches d’une houblonnière vide. Ainsi, l’Alsacienne au grand nœud noir, méditant sur une passerelle qui enjambe une rivière bordée de peupliers, d’aulnes et de roseaux, végétation foisonnante typique des paysages du Ried. Ainsi, l’Alsacienne à genoux devant un petit oratoire en pierre. Cette jeune fille catholique, en prière, donne l’occasion de montrer les vergers emmurés du village de Zetting en Moselle, près de Sarreguemines, dont on reconnaît l’église romane.© Ville de Gerstheim Alsacienne sur une passerelle © Ed. A. Propos Alsacienne à genou devant un petit oratoire © Ville de Gerstheim
Quittant le pays de Sessenheim, son village d’enfance, il sillonne volontiers la région viticole pour peindre des portes de villages fortifiés et, thème éminemment romantique, des ruines de châteaux dont il fait émerger de la forêt, les murailles de grés rose: Giersberg, Saint-Ulrich… Quand il nous invite à visiter un de ses villages emblématiques, c’est encore, souvent, pour évoquer une activité remarquable qu’il fait vivre dans un cadre parfaitement accordé, ce qui lui permet, en même temps, de mettre en valeur le patrimoine architectural. Ainsi, le cheval attelé au rouleau agricole. Le paysan, en gilet rouge, conduit son élégant cheval blanc, portant oeillères et collier. Un mur de pierres de taille agrémenté d’arbres en fleurs, souligne une maison à colombages d’allure bourgeoise entourée d’un balcon de bois. (Jusqu’en 1963, selon M. Befort, la signature d’Henri Loux de cette assiette, était suivie de l’item INV, abréviation d’ INVENIT, attestant la création originale de l’auteur.) Ainsi, le très beau sujet des chevaux s’abreuvant dans la rivière. Scène paisible qui symbolise le retour au calme, au réconfort des bêtes de trait. L’admirable palette de couleurs transcende cette scène en petit chef-d’œuvre avec le cheval bai monté par un jeune paysan à gilet rouge et tricorne, accompagné d’un cheval blanc, D’r Schimmel, s’abreuvant. Au fond, dans leur écrin de verdure, les abords du village, avec une ferme cossue dont la cheminée est surmontée d’une mitre qui ajoute au décor.
Si la ferme à colombages, avec un homme accoudé
à la
fenêtre, ne fait qu’une
référence symbolique au travail des champs, la
herse et
la charrette étant au repos, elle est un beau
prétexte à exposer une opulente
maison paysanne avec balcon et galerie en bois artistement
ajourée. Elle évoque
une ferme de Rountzenheim. Dans la cour, on distingue une fontaine
à balancier;
elles étaient fréquentes dans nos villages.
Certaines restèrent encore en
service au-delà de 1945, comme à Hunspach.
Ruines du château du Giersberg © Ville de Gerstheim Cheval attelé à un rouleau agricole © Ville de Gerstheim Chevaux s'abreuvant © Ville de Gerstheim Ferme à colombages et fontaine à balancier © Ville de Gerstheim Fontaine à balancier à Hunspach © Ed. Arthaud, 1956
Henri Loux n’oublie pas les colporteurs, car leur venue, programmée selon les saisons et les marchés, est toujours un événement pour les villageois. Souvenons-nous du père Chauvel, colporteur et contrebandier, émancipateur de L’Histoire d’un paysan (6) «Voici Chauvel, nous allons apprendre du nouveau!...» L’image évoque le potier, D’r G’Scherrhändler, de Soufflenheim qui pendant longtemps a sillonné les routes d’Alsace. Image aérée, lumineuse. Sur la place, devant un puits à chaîne, une maison à colombages portant l’enseigne d’une auberge. Le colporteur marchande avec une jeune paysanne. Elle porte un bonnet à barbes latérales et une jupe à mi mollet, ceinte d’un ruban noir. La rue qui s’enfonce dans le village joue en faveur de la perspective. Les roquets, qui harcèlent les deux chiens attelés, rompent le silence. Le colporteur de poteries - Motif retiré de la fabrication après 1967 © Ville de Gerstheim Henri Loux met à profit les plats rectangulaires ou oblongs d’une longueur conséquente, pouvant aller jusqu’à 58,5 cm, pour représenter un thème qui indéniablement lui tient à cœur: la vie sociale. Il aime particulièrement mettre en scène les fêtes. En été, il fait danser ses paysans. En hiver, il les fait s’affronter dans des batailles de boules de neige mouvementées et pleines de gaîté où les jeunes filles portent le châle blanc et les garçons, le bonnet de fourrure et les sabots.
L’hiver est ponctué par la succession des
veillées, les Kungelstube,
réunions qui ont lieu
chaque soir, tantôt dans une maison, tantôt dans
une autre, selon un roulement
établi à l’avance. Elles sont
organisées par les femmes et les filles pour
filer le chanvre, tricoter et faire du crochet. Il y a toujours
quelques garçons
pour les rejoindre et leur conter fleurette… Le
propriétaire offre le café et
l’eau de vie. Mais, chaque femme apporte une bûche
pour le poêle et un peu
d’huile pour la lampe, participant ainsi aux
dépenses de l’amphitryon. Les
conversations vont bon train, on chante, on se fait la
cour…Certaines veillées
peuvent compter jusqu’à vingt personnes;
c’est le cas du groupe qu’Henri
Loux a choisi de représenter en train de
se disloquer après le passage du veilleur de nuit. Il fait
froid. Les filles en
coiffes sombres se couvrent de leur châle, les hommes sont
coiffés de leur
bonnet de putois. Une femme âgée avance
à petits pas mesurés en
s’éclairant
d’une lanterne à bougie. Image parfaitement
lisible dans ses détails sur le
fond clair des toits enneigés. Un pittoresque petit pont de
pierre permet de
situer la scène à Schillersdorf.
La bataille de boules de neige © Ville de Gerstheim La veillée - D'Kungelstub © Ville de Gerstheim
Les Mesti ont lieu généralement au commencement
de l’automne quand la moisson est faite et que les
récoltes sont rentrées. On a
plus de temps et…plus d’argent. Henri Loux
décline cette journée attendue avec
la plus grande impatience, en deux tableaux: le cortège de
fête et la danse
villageoise. «Rien
de plus gai qu’un
Mesti aux environs de Strasbourg par un clair soleil: les rues larges
et
propres sont bordées par des maisons d’aspect
avenant et superbement blanchies;
des petits jardins fermés de lattes et plantés de
fleurs balsamiques, grands
soleils d’or et géraniums éclatants;
des arbres disposés çà et
là dans les
carrefours; des fontaines jaillissantes ou des puits autour desquels
s’ébattent
des oies et des canards; une vieille église dressant dans le
ciel son clocher
pointu surmonté du coq traditionnel, voilà le
décor dans lequel vont se
dérouler les scènes si variées qui
constituent la fête du village» (7)
Cortège de fête - Messtizug © Ville de Gerstheim Danse villageoise © Ville de Gerstheim Henri Loux fait évoluer son cortège, auquel participe tout le village, à Schillersdorf. Le maître de cérémonie, le Mestibursch, à tablier blanc et chapeau à calotte plate, ouvre la marche en dansant et en jonglant avec deux cruches de vin. Il précède la fanfare qui mêle aux sons de la flûte et du violon ceux du trombone à coulisse, du tuba et du baryton. Puis vient en file, la bande de filles et de garçons d’honneur se tenant par la main, chantant, poussant des cris. En avant du cortège, une rangée de petites filles en costume de fête, s’amuse des cabrioles du Mestibursch. L’image de l’Alsacienne dans son costume, D’Tràchte, s’impose après 1870 comme symbole de l’Alsace «meurtrie», de l’Alsace qui «attend». Le costume traditionnel, qu’il soit féminin ou masculin, était encore porté à l’époque d’Henri Loux, notamment dans le Nord de l’Alsace, dans le Pays de Hanau, l’Outre-Forêt, le Kochersberg, la région de Strasbourg, lors des fêtes religieuses et profanes, voire lors des événements de la vie quotidienne. Il était un label culturel, un signifiant social, un identifiant. Henri Loux en a donc forcément fait un thème majeur de son œuvre. Pour le faire figurer dans nos assiettes, il en a habillé les Alsaciennes qui vont poser pour les Quatre Saisons: l’Alsacienne d’Uttenhoffen, sous les lilas du printemps, l’Alsacienne de Wolfisheim, à l’ombrelle de l’été, l’Alsacienne de Zutzendorf aux dahlias de l’automne, l’Alsacienne au rouet des veillées d’hiver, retirée de la fabrication en 1945 et reprise en 2004 pour le centenaire du service Obernai.Le printemps - L'alsacienne sous les lilas © Ville de Gerstheim L'hiver - L'alsacienne au rouet © Ville de Gerstheim Une commande de la chocolaterie Schaal lui permet également de mettre en valeur le costume féminin. Les sept dessins d’Alsaciennes qui ornent l’emballage de tablettes de chocolat présentent le costume correspondant au village dont l’armoirie est représentée en écusson. Si les femmes ont naturellement tendance à s’habiller selon leurs goûts et les subtilités que leur propose le marché du textile et la créativité des couturières, elles restent fidèles à la tradition et à ses codes. Henri Loux le prouve. Il en garantit l’authenticité par son regard d’ethnologue, son respect intangible de l’âme alsacienne. Sont parfaitement reconnaissables, les critères religieux: ce sont les plus influents. Avec, pour les femmes catholiques, la coiffe rouge, portée encore aujourd’hui à la Fête-Dieu de Geispoltsheim, ailleurs, leur coiffe est blanche ou colorée de fleurs à bouquets tissés, aux rubans de couleurs, leur jupe ou leur tablier est rouge, couleur populaire obtenue à partir de la culture de la garance. Notons qu’après le mariage, la coiffe catholique devient noire…Tandis que le costume de la jeune femme protestante se distingue par une coiffe noire dont les rubans, noirs également, contrastent avec la blancheur de la collerette. Leurs jupes sont noires, vertes, violettes ou brunes. Elles portent volontiers des tabliers de lin fin ou de soie, plus courts que ceux des catholiques. Elles affectionnent le bleu, signe d’opulence, issu du pastel, plus difficile à produire que la garance. La femme protestante mariée se reconnaît dans l’Alsacienne à l’ombrelle de l’Outre-Forêt dans sa tenue quelque peu sévère: un bonnet noir surmontant une jupe noire. Cependant, elle porte une petite calotte de brocard enserrée dans un étonnant ruban rouge noué sur le devant, qui donne à la silhouette une note de fraîcheur particulièrement seyante. Elle est plus nettement visible sur la tête de la jeune fille aux tournesols de la vignette Schaal. Elle est toujours portée à Seebach lors de la Streisselhochzeit. Depuis le milieu du XIXème siècle, le nœud ne cesse de s’agrandir. Vers 1900, il est tellement large qu’il doit être redressé à l’amidon et plissé en forme d’éventail. C’est la Schlupfkàpp qu’Henri Loux rencontre partout autour de lui, le «grand papillon noir» qui affiche le désir de plaire, de séduire…Jeunes filles catholiques © Ed. A. Propos L'été - L'Alsacienne à l'ombrelle - Jeune femme protestante © Ed. Les petits vagues Jeune femme protestante, de Seebach © Ville de Gerstheim Le costume masculin qu’Henri Loux a sans doute porté aux bonnes occasions, est représenté avec le même souci de véracité, d’authenticité. Si le costume porté pour le travail est peu présent dans les assiettes de Loux, il ne comporte pas non plus de spécificité radicale: le paysan qui mène les chevaux à l’abreuvoir, porte le gilet rouge ainsi que l’homme au rouleau agricole. Alors que le premier est coiffé d’un imposant tricorne, le second porte plus prosaïquement le bonnet de putois. Mais, c’est l’habit du dimanche qui confère au paysan sa noblesse d’allure, en lui donnant un caractère solennel: cette manière d’être qui impose le respect. Henri Loux la traduit par son cortège de fête et sa sortie d’église d’un groupe d’hommes le dimanche matin. Il devient évident qu’une bonne part de la dignité extérieure réside dans la longue redingote noire dont les pans descendent jusqu’au bas des mollets, portée sur un pantalon à pont, le tout en noir. «Et quand, le dimanche, on voit sortir de l’office deux ou trois cents de ces grands gaillards tous habillés de même et marchant du même pas, on ne laisse pas d’être saisi…», reconnaît Anselme Laugel, impressionné. L’allure grandiose du paysan réside également dans son chapeau, et, notamment le majestueux tricorne porté par les hommes protestants âgés de Hunspach et d’Oberseebach. Moins âgés, ils se coiffent d’un feutre à large bord et calotte plate ou encore d’une casquette. «On ne se promène pas cheveux au vent. On se découvre à l’église, devant Dieu et les morts, devant les autorités civiles et ecclésiastiques, mais non devant le travail, la nourriture durement gagnée, ni durant ses distractions… C’est pourquoi, quand un paysan daignait se découvrir, pour vous saluer, ce geste avait infiniment plus de valeur que le coup de chapeau du citadin.» (7) Henri Loux attribue à cette image un intérêt didactique: elle illustre l’évolution du costume masculin qui passe de la culotte avec bas blancs au pantalon et de la redingote à la veste.Dimanche matin © Ville de Gerstheim L’œuvre
d’Henri Loux constitue un témoignage
essentiel, unique, de ce qu’il a découvert autour
de lui, un travail d’artiste
minutieux, respectueux des particularités de
l’Alsace qu’il n’a cessé de
parcourir pour mettre en lumière ce qui subsiste de
l’âme alsacienne de son
époque. Son amour de l’Alsace, son profond
attachement à Sessenheim, son
village familial, et l’intime conviction d’avoir
une mission à accomplir envers
sa province natale: magnifier, immortaliser l’Alsace de 1900,
défendre les
signes tangibles de son identité, suspendre le vol du
temps…sont les sources de
sa motivation.
(Dernière oeuvre connue d'Henri Loux) © Ville de Gerstheim
Bibliographie
Remerciements
Je remercie
chaleureusement Monsieur Paul-André Befort de
m’avoir donné accès aux ouvrages
qu’il a, avec Monsieur Fernand Gastebois,
consacrés à Henri Loux
Un grand Merci également à
Madame
Laurence Muller-Bronn, Maire de Gerstheim, de m’avoir
autorisé à m’inspirer de
l’iconographie de l’ouvrage: «Henri
LOUX, Le goût de
l’Alsace», publié en
collaboration avec l’association «Les Amis de Henri
Loux» Neuer Elsässer Bilderbogen © Ville de Gerstheim Lansquenets sur les remparts du château de Lichtenberg © Ed. A. Propos Strasbourg sous la neige Modèle de menu - Aquarelle © Musées de Strasbourg Collection Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg Alte Apotheke - Le béfroi évoque Riquewihr © Ed. A. Propos An der Moder © Ed. A. Propos Hameau enneigé Collection particulière Arbre mort Collection particulière Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur. |