Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Guy Untereiner
(1957)
les couleurs de l'Alsace
Guy
Untereiner à sa table de travail © Photo: F. Walgenwitz
Nous allons découvrir un artiste ouvert sur le monde, sur la société qui l’entoure. Certes, l’idée ayant germé, il la concrétise dans une retraite paisible, un silence bucolique, l’inspiration ayant besoin de recueillement, la maïeutique étant plus aisée dans la maison du berger que dans le bruit et la fureur. Mais, l’œuvre une fois achevée, sa raison d’être, sa destinée, sa vocation profonde est d’imprégner la société, d’y trouver le succès. Ce succès qui, sans doute, lui assurera la pérennité, le fera passer à la postérité. Guy Untereiner a su se concilier cette société afin de prolonger dans la joie le bonheur qu’il éprouve de créer. Une enfance propice à
l'épanouissement personnel
Guy
Untereiner est né le 23 juin 1957 à
Phalsbourg, côté lorrain. Mais il a grandi
à Siewiller, juste en face, côté
alsacien, dans la maison de son grand-père, son
«Opa». Son père, Antoine, y
exerce la profession de boulanger, le boulanger du village. «Un amour
de père; il me manque encore aujourd’hui».
Suzanne, sa maman adorée, «c’est une
grâce d’avoir une maman comme elle!»,
est une personne
discrète, active, très impliquée dans
l’humanitaire de mouvance catholique.
Elle vit toujours. Elle a su garder un esprit positif. «Elle a toujours le moral. On
sort de chez elle requinqué; elle vous redonne courage et
entrain.» Pour
sûr, Guy a vécu une enfance heureuse. «L’enfance,
c’est primordial, dit-il, ça vous place dans la
vie.»
" Der kleine Bäckerlhring " Guy n’a pas fait d’études. Ou, du moins, il s’est arrêté avec, en poche, le certificat éponyme. C’est que son père estimait que ce viatique de base suffirait pour faire de lui un bon pâtissier, persuadé que son fils allait suivre sa propre voie…C’est ainsi qu’à 14 ans, Guy entame une période d’apprentissage de trois ans à Strasbourg, rue des Orfèvres, chez Naegel. Mais, il s’avère rapidement que la pâtisserie n’est pas son «truc». Même si, plus tard, il prendra plaisir à confectionner des gâteaux pour la famille... Il a le mal du pays. Et, pour se consoler, il dessine…Il se met à rêver de l’Ecole des Beaux-Arts! En attendant cette hypothétique opportunité, il passe son CAP de pâtissier. Cependant, un premier rendez-vous avec la chance lui permet de s’évader de sa condition de «kleine Bäckerlehrling» (4) à laquelle son père ne le condamne nullement, lui laissant toute liberté pour décider de son avenir.
© Photo: Simone Untereiner Paysage © Photo: Simone Untereiner Sur les rives de la Seine, il découvre un monde nouveau
A 21 ans, grâce à une cousine de son
père, qui
travaillait chez Dior, il «monte» à
Paris, obtient la possibilité de suivre des
cours de styliste de mode à la chambre syndicale de la Haute
Couture, couronnés
d’un stage auprès du couturier
(d’origine alsacienne), Thierry Mugler. «J’ai vécu
là les deux plus belles années de ma vie.»
reconnaît Guy
avec un accent d’émotion dans la voix. Sur les
rives de la Seine, la chrysalide
se métamorphose en papillon, selon la belle image
d’Huguette Dreikaus. Guy,
poussé par son enthousiasme juvénile, sa
curiosité insatiable, puise son nectar
dans les cercles littéraires, les clubs de lecture, les
concerts, les musées,
les expositions. Il découvre un monde nouveau. Il y
pénètre.
Du "Soldat de l'An II" à "Beauvillé "
Malheureusement, son heure n’est pas encore arrivée. Ce monde superficiel qu’il vient de côtoyer, ne lui convient guère. Le destin le ramène en Alsace où il tâte de plusieurs petits boulots insuffisamment alimentaires et forcément décevants. En 1983, la chance lui sourit une deuxième fois: il est embauché dans le prestigieux hôtel-restaurant étoilé de Phalsbourg, «Au Soldat de l’An II», certes comme plongeur, mais au servie d’un homme ouvert, éclairé, attentif, grand artiste dans son succulent domaine: Georges Victor Schmitt qui, lorsque Guy lui montre ses dessins, subjugué par son talent, l’encourage à exposer. Ses réalisations, qu’il juge, avec le recul, un peu naïves, attirent le regard de la clientèle. Parmi elle, une galeriste de Mulhouse lui prodigue ses encouragements. Mieux, bien mieux, une autre galeriste l’introduit à la Manufacture d’Impression de Ribeauvillé. Maison sous la neige © Photo: Simone Untereiner Mais, laissons à Guy Untereiner le plaisir de rappeler ce moment magique, cet avènement au monde béni des rares privilégiées qui réussissent à satisfaire les exigences de la vie matérielle par le truchement de leur passion. Ceux-là ne travaillent jamais!... «Tout a commencé quand je travaillais comme plongeur dans un restaurant phalsbourgeois. Le patron qui savait que je dessinais, m’a proposé de faire une exposition chez lui. Suzy Herbert, qui réalise des broderies et des tentures vendues jusqu’aux Emirats Arabes Unis a été séduite par mes dessins et m’a conseillé d’aller frapper à la porte de Ribeauvillé de sa part. Cela n’a rien donné la première fois, mais Suzy Herbert, à qui je dois beaucoup, a recontacté l’entreprise et, cette fois-ci, ça a marché.» L’entreprise a été très intéressée par une nappe de Guy «Alsace – Quatre Saisons» Il était lancé. «Je n’ai pourtant aucune formation, je suis autodidacte, j’étais pâtissier à Strasbourg, mais j’ai toujours voulu dessiner…J’ai toujours dessiné depuis l’école primaire. Je n’ai pas pris de cours mais j’ai persévéré envers et contre tous. J’ai toujours voulu faire cela et maintenant, je fais vraiment ce que j’aime, même si cela n’a pas toujours été facile.»" Alsace, quatre saisons " © Photo: Simone Untereiner
Mais, comment sont nées cette manufacture et sa marque – Beauvillé -, «un nom magique pour moi», reconnaît Guy Untereiner. La pureté de l’eau des torrents vosgiens, élément essentiel au bon fonctionnement des teintureries de tissu a incité le chimiste Charles-Emile Steiner à créer, en 1839, une manufacture à Ribeauvillé dans les bâtiments d’une ancienne indiennerie datant de 1766. Rappelons que cette technique qui est à l’origine de toute l’industrie textile en Alsace, a été introduite en 1746 dans la République de Mulhouse par Koechlin, Schmaltzer et Dollfus. Dès 1842, Steiner adopte le procédé de l’impression à la planche de bois qui lui assure un essor considérable dû, notamment, à l’invention d’une teinture particulière: le «rouge Steiner» Lors de l’Exposition Universelle de 1900 à Paris, il présente un grand panneau à thème japonais imprimé à l’aide de plus de mille planches et remporte un premier prix. Après 1930, les procédés de fabrication évoluent rapidement dans le respect du savoir-faire artisanal et la volonté d’intégrer des techniques et des innovations garantissant une qualité exemplaire. C’est en 1979, quand Arné Borin prend la direction de l’entreprise, que l’activité linge de maison se développe. Il confie à son fils Jean-Michel la création de ce nouveau département.
Et c’est là, au sein du service artistique de
stylisme,
qu’intervient Guy Untereiner, qui va devenir le dessinateur
«maison». En
collaboration avec deux coloristes et un chef de produit, il
élabore les
différentes collections; d’une part, à
partir de
documents anciens, motifs
crées par Charles Steiner ou acquis dans les
musées,
auprès d’antiquaires et de
collectionneurs, et, d’autre part, à partir de
motifs
issus de son imagination
et de celle des autres designers. Les nappes
«Beauvillé», marque crée en
1985,
imprimées avec le plus grand soin sur de belles
étoffes:
cretonne, satin, ou voile de coton sont
célèbres
dans le monde
entier. L’objectif est le –zéro
défaut-,
autrement dit, l’excellence.
Une oeuvre d'une vertigineuse diversité
Travaillant toujours dans le haut de
gamme, la
MIE a su diversifier son offre avec de superbes plaids, du linge de
cuisine,
des coussins, des accessoires de cuisine, de la porcelaine, des
plateaux ou
encore des verres pour répondre aux attentes des
passionnés de décoration
intérieure. En tant que styliste-créateur
à la MIE de 1989 à 1997, Guy
Untereiner réalise une œuvre d’une
vertigineuse diversité, reconnue de Paris, à
New-York et à Tokyo par la presse
spécialisée: les magazines de
décoration et
de mode français, notamment, Figaro-Madame, Vogue,
Marie-Claire, américains
comme Horchow, anglais comme Interiors, canadiens, japonais…
«Les nappes
dessinées par lui, (une vingtaine: de
«L’Alsace aux quatre
saisons» à «Picadilly
Christmas») se déploient sur les plus belles
tables du
monde entier. L’artiste de Sieviller a également
crée une trentaine de torchons.
Sont à mettre en exergue, les trousseaux de naissance pour
la famille royale
marocaine et pour de nombreuses personnalités (la Reine
Sylvia de Suède, Nadine
de Rotschild, la comtesse de Vogüe et bien
d’autres). Toutes ont acheté, chez
Beauvillé, le linge de maison imaginé par lui.»
(1) Il a réalisé un ravissant
calendrier de l’Avent pour la princesse du Liechtenstein
qu’elle a offert à ses
amis…
Calendrier de l'Avent pour la Princesse du Liechtenstein © Photo: F. Walgenwitz Tout en prodiguant ses talents de créateur à Beauvillé, Guy Untereiner travaille avec la faïencerie de Niederviller, la Générale de Poterie d’Alsace de Diemeringen, les tapis Casa Lopez; il réalise des gravures pour Flamands de Belgique, s’exprime sur la nouvelle ligne de la cristallerie d’Hartzviller, laisse sa griffe sur la faïence de Lunéville-Sarreguemines… C’est une brouille avec son directeur, Jean-Michel Borin qui l’amène à proposer à d’autres ses nappes qualifiées de géniales par Borin lui-même et à créer sa propre collection. Mais, Beauvillé reste pour lui «un nom magique». Il lui doit son fabuleux succès, même si sa signature n’apparaît pas au coin des nappes qu’il a imaginées. «Quand on est introduit, ça va, reconnaît-il, et maintenant que je suis un peu connu, je travaille en free-lance.» Le voilà établi à son compte, travaillant en libéral. La créativité de Guy Untereiner se décline sur de multiples supports. Elle est polyvalente, à l’instar de celle des grands aînés, Charles Spindler, Tomi Ungerer…En effet, ses talents s’expriment sur le tissu, le cristal, la poterie, la toile, les livres, les affiches, les cartes postales, les cartes de restaurant et la cuisine aussi…Coeur d'Alsace © Collections et Compagnie éditeur en Alsace Des rencontres providentielles Cette créativité débridée a été stimulée par des rencontres providentielles. «La vie est faite de rencontres» aime-t-il à dire. Yolande et Michel Haag, «les aristocrates de la bière», le couple mythique de la dernière brasserie alsacienne, Météor, font appel à lui pour la réalisation d’une série originale de cartes postales, photos et dessins imbriqués. Marie-Noelle, Barthelmé, éditrice colmarienne de produits de décoration «tendance» d’identité alsacienne: carterie, linge de maison, décors autour de la tradition de Noël, le pousse à aller vers des créations plus contemporaines. Anne-Marie Bendel, éditrice à Wissembourg, de «Collections et Compagnie»; partage avec Guy la même acuité de l’environnement, de la modernité; elle admire en lui le grand travailleur qui fait ses gammes tous les jours .Florine Asch, née à Strasbourg, illustratrice parisienne formée à l’Ecole des Beaux-Arts de sa ville natale, lui fait connaître la princesse Astrid du Liechtenstein. La petite flamme de leur estime réciproque ne s’éteindra jamais.
Mais, la rencontre qui compte le plus est certainement
celle de Christine Ferber, «La reine des
confitures», établie à
Niedermorschwihr. C’est Francis Staub, «le roi de la cocotte en fonte»
de Turkheim qui les a réunis. Ses créations
originales,
ses recettes exclusives, mondialement connues, sont servies dans les
plus
grands palaces parisiens, de même d’ailleurs que
ses chocolats et ses
pâtisseries. «Elle
fait partie de ces personnes qui vous font progresser»,
reconnaît Guy. Il illustre ses ouvrages, décore
ses boîtes, conçoit ses cartons
d’invitation: pas moins de 120 dessins! Avec elle, il
s’envole à Tokyo, à
Chicago. Christine le pousse à l’excellence par sa
critique. Il se considère
comme la main de Christine Ferber: il part d’esquisses faites
par elle. Ravi de
leur complémentarité, il affirme qu’il
pourrait ne travailler que pour elle,
notamment sur ses commandes japonaises. Il est séduit par sa
fidélité à la
tradition. Dans la perfection!...
Esquisse
proposée par Christine Ferber© Photo: F. Walgenwitz Motifs © Photo: F. Walgenwitz " Je travaille un peu dans le rêve " Guy Untereiner, est un parfait autodidacte, ce qui, selon lui, est un handicap à surmonter dans le domaine des techniques, mais aussi et surtout un gage de liberté d’expression. Sa forte personnalité prime. Son style est immédiatement identifiable. Ses nappes, par exemple, sont si typées qu’on les reconnaît du premier coup d’œil. Sa griffe, volontiers naïve (il reconnaît qu’il illustre plus qu’il ne peint), et l’inévitable référence au patrimoine alsacien, lui valent d’être considéré comme un lointain parent de Hansi,« une sorte d’Hansi de la campagne, moderne et roué, quotidien et ouvert au monde d’ailleurs» précise son ami Gilles Pudlowski. Cependant, l’Alsace éternelle n’est pas sa seule source d’inspiration. Il évoque également la Provence et la Bretagne qu’il aime tant. Il a visité la presqu’île de Crozon « pour se pénétrer de l’âme bretonne, de ses paysages, de son climat, de son patrimoine naturel, artistique et culturel.» (2) A la question: «Comment et quand créez-vous?», il répond: «je crée chaque fois que j’ai un état d’âme, en plein jour, à cause des couleurs. Il me faut deux ou trois jours pour concevoir et réaliser un de mes dessins. J’y mets tout ce que j’aime. Mon imagination, je la puise dans ma sensibilité et ma culture alsacienne de base.» (3). «Je travaille un peu dans le rêve» dit-il ailleurs. Car il est poète. Sa poésie se nourrit des sujets que lui offre la réalité quotidienne de sa chère province. Une réalité champêtre certes, plus nostalgique que réaliste. Rêvée!...
Alsacienne bretzel © Collections et Compagnie éditeur en Alsace Un être d'une profonde sensibilité, en quête du salut de l'âme «La première impression qu’on ressent en rencontrant Guy Untereiner, dit Simone Morgenthaler qui l’a invité dans son émission «Sür un Siess», c’est d’avoir en face de soi un être d’une très forte et profonde sensibilité. Quand on l’aborde pour la première fois, on le sent tendre et émotif et donc fragile et peut-être un peu désarmé devant ceux qui auraient tendance à exploiter sa bonté ou son talent. Sa compagne, Simone, une Lorraine d’origine… andalouse, qui ne parle pas le dialecte mais l’admet et le défend, nous apporte son témoignage: «Guy est effectivement un être fragile; un seul souci suffit à le déranger dans son travail; il s’arrête de créer à la moindre contrariété.» Comment retrouve-t-il, en cas de crise, le fragile équilibre intérieur? Il se change les idées en se promenant au grand air.» Mais surtout, il s’est engagé dans un cheminement spirituel, celui de la foi pentecôtiste qu’il partage avec son épouse, Simone, et leurs quatre enfants: Denis, François, Marie et Louise. Plutôt qu’une religion, il considère cet engagement comme la recherche d’une philosophie de vie qui le soutienne dans sa quête du salut de l’âme, par une expérience spirituelle personnelle. Il se plonge quotidiennement dans la lecture de la Bible et du Nouveau Testament et trouve, dans la fréquentation de son Eglise, un enrichissement dû au brassage social d’une assemblée de gens vrais, sincères, authentiques.
Le monde riche et merveilleux de l'Amitié «Il aime se ressourcer dans le monde riche et merveilleux de l’Amitié». (1)Ses qualités morales sont appréciées de ses nombreux amis: sa profonde sincérité, sa cordialité, sa curiosité et sa réactivité dont témoigne Marie-Noelle Barthelmé, son humour caustique et surtout sa grande générosité que souligne Yolande Haag, son humilité et sa lucidité enfin « Vous savez, tout pourrait s’arrêter, il faut quand même garder les pieds sur terre.», tient-il à préciser. L’un de ses meilleurs amis qui lui a été présenté en 1991 au restaurant étoilé «Le Cerf» à Marlenheim, est le critique gastronomique Gilles Pudlowski qui lui a consacré une entrée dans son précieux Dictionnaire amoureux de l’Alsace. «Sa place dans ce dictionnaire amoureux est naturelle, dit l’auteur. Il m’a portraituré en Gilles im Schnokeloch et m’accompagne souvent, en bon voisin gourmand, dans mes tournées du sud ou du nord de la province. Il a le sens de la formule, manie l’ironie avec brio. Trace de l’Alsace, qu’il rebaptise «Pudloland», juste pour moi, des contours neufs. Bref, ses avis sont toujours pertinents et son humour fait mouche.» (5) Pour sa part, Guy a trouvé en Gilles «un homme compétent et très simple, son mariage à la Synagogue de Saverne, a été, se souvient-il, le plus beau auquel j’ai jamais été invité». Le Rabin © Photo: F. Walgenwitz La nostalgie du Judaïsme rural Guy Untereiner est particulièrement sensible à l’histoire longue et douloureuse du judaïsme alsacien. Il est admiratif de sa culture intimement mêlée à l’Alsace. Guy a une conscience aigüe du terrible parcours d’obstacles imposé, durant dix siècles, au peuple juif, en quête tout simplement de reconnaissance et de justice. Il regrette notamment la fin du judaïsme rural (une spécificité alsacienne) auquel la Shoah a porté un coup fatal. «Mon lieu préféré, en Alsace: les cimetières juifs qui font partie de notre patrimoine.», affirme-t-il. Il a la nostalgie de la complicité d’autrefois, de ces fêtes villageoises où «la fraternité et le «vivre ensemble» étaient, au-delà des mots, un exemple et un espoir pour un avenir prometteur.» (6) A la double culture, française et allemande qui nous caractérise et dont se réclame tout Alsacien qui se respecte, à l’instar d’artistes peintres comme Camille Claus, Luc Hueber, Louis-Philippe Kamm, et bien d’autres…, Guy Untereiner associe, avec raison, la culture juive qui a imprégné le dialecte de ses savoureux hébraïsmes alsaciens, venus du Yiddish. Il cite volontiers Udo Jurgens: «Leider haben wir die Juden nicht mehr…» Cimetière juid de Struth (à proximité de Drulingen) © Alemannia-judaica.de Danse macabre © Photo: F. Walgenwitz A la source du savoir: la culture rhénane
Tout en prédisant un repli sur
l’imagerie
alsacienne, Guy Untereiner revendique sa culture rhénane,
une sorte de
syncrétisme des influences allemande,
française, catholique, protestante, juive…Il est
l’héritier des grands rhénans
de l’art et de l’humanisme. Il est
d’accord pour dire que la grandeur de
«l’Alsace rhénane» est
d’avoir su faire de sa terre si singulière, un
carrefour
d’hospitalité, riche d’un brassage qui
plonge ses racines jusqu’en Europe
centrale, en Pologne.
Printemps © Collections et Compagnie éditeur en Alsace Comme tout artiste autodidacte, Guy Untereiner a dû pallier l’absence de formation universitaire par la recherche personnelle, en allant à la source du savoir. Il s’intéresse à beaucoup de domaines. C’est d’abord un collectionneur original qui recherche des timbales en argent, des faïences chinoises, des objets-témoins de la culture juive. «Il est un lecteur éclectique qui explore, à côté de la Bible, le monde des grands auteurs: Tchekow, Tolstoï…» Il affectionne le jazz des années 40: Count Basie, Lester Young, Ella Fitzgerald, Nat King Cole, Glenn Miller…
Polyglotte et donc, cosmopolite
Doué pour les langues, il parle, en plus du Français, le dialecte de son « krumme Elsass»; il maîtrise l’Allemand au point que ses interlocuteurs d’outre-Rhin le complimentent: «Sie sprechen fliessend Deutsch!…» Il aime profondément l’anglais qu’il a appris par une méthode d’enseignement à distance et désire se mettre à l’Italien qu’il trouve si mélodieux…Cette propension pourrait s’expliquer par son appartenance à l’obédience pentecôtiste dont le baptême par le Saint-Esprit est réputé conférer aux postulants la glossolalie, c’est-à-dire le don des langues. Polyglotte, Guy Untereiner, qui a le sentiment d’être un citoyen du monde, devint cosmopolite!...Après avoir rêvé de l’Australie et tenté de s’installer au Canada, il a assouvi sa passion des voyages. Il a visité des villes européennes: Milan, Florence, Prague… Il a découvert des villes américaines: New-York, Washington, Montréal… Il a eu la chance de vivre à Paris, la ville-lumière «où tout bouge…» Il se sent chez lui en Autriche, le pays de ses ancêtres «Untereiner», une contraction de unter (sous) et rain (lisière, pâturage de montagne), originaires de la province de Carinthie. Le nom est porté à Siewiller depuis 1689. Mais, l’enracinement dans son «Alsace éternelle», dans l’authenticité de son monde préservé l’emporte chez Guy Untereiner sur l’appel du vaste monde: dualité typiquement rhénane–germanique…Après l’épisode indispensable de Paris, il est revenu au bercail, à Siewiller, où le retient l’affection pour ses parents et la joie d’exercer son métier initial, jamais abandonné: retrouver, tous les samedis, sa première source d’inspiration en faisant pour sa famille, ses pâtisseries préférées.
Son atelier, son antre...
Cet attachement irrépressible l’amène
à chercher un endroit
proche, accessible à pied, où installer son
atelier. En 2012, le maire,
Jean-Louis Scheuer, du village voisin, Drulingen, distant de 2
kilomètres
seulement, lui offre, en homme avisé, cette
aubaine en lui louant une des rares
maisons à colombages du lieu. Elle était
restée dans la même famille depuis
1750. Sa façade, repeinte en bleu outre-mer,
soulignée d’un dense réseau de poutres
noires propose un contraste seyant
avec la pittoresque maison accolée dont le crépis
crème est incrusté de pierres
à bossage. L’église, en
arrière-plan, veille sur ce charmant duo architectural.
Au 8, rue du général Leclerc, Guy Untereiner a
donc trouvé son bonheur même si
ce refuge paraît petit par rapport à sa haute
taille.
La carte de Guy Untereiner Guy devant son atelier © Photo: F. Walgenwitz Son atelier, son antre, où il a posé ses pots de crayons et de pinceaux, où il conserve ses archives, bourré de documents et d’échantillons, lui laisse juste la place pour une large table qui lui permet de travailler sur plusieurs projets à la fois. Maniant papier et crayons, il travaille à l’ancienne «en touchant la matière». L’ordinateur servant plutôt à retrouver sur You tube ses jazzmen préférés des années 40. Outre son atelier, il a installé une minuscule boutique où il vend exclusivement les produits qui portent sa marque. A l’exception, tout de même, des céramiques de Simone, son épouse. Elle reprend des dessins de Guy et en imagine elle-même.
L'autre facette, surprenante, de son talent
Une échelle de meunier grimpe au grenier. Guy vous invite volontiers à y monter pour vous faire découvrir l’autre facette de son talent de «créateur inspiré»: ses tableaux à base de collages sur fonds de pages de journaux, peints à l’huile. On est à 100 lieues de la poésie et de la fraîcheur des personnages d’inspiration alsacienne qui l’ont fait connaître. A la question: «Pourquoi les associer à la presse?» Il répond: « Les annonces, le carnet rose, les éphémérides signifient qu’ils sont confrontés à la vie quotidienne, à la vie qui passe…» Ce sont des portraits grand format, surprenants, insolites. «Je les peins pour me changer un peu… Je les peins quand je ne me sens pas bien, reconnaît-il en glissant, un tantinet provocateur, ce lapin vert, c’est moi…» Cependant, ces portraits d’hommes et de femmes ne sont pas des caricatures. Ce sont des «gens en attente» au regard un peu perdu qui relayent les questions existentielles, voire métaphysiques qui se posent à Guy Untereiner. Ainsi, la Queen, aux yeux fermés. Il se souvient l’avoir «réalisée en une journée en pleurant», fou d’inquiétude qu’il était alors pour la santé du fils d’un ami. Aujourd’hui, il s’amuse de l’image décalée de la souveraine britannique.Sans titre © Photo: F. Walgenwitz Guy Untereiner, illustrateur Son activité de prédilection, sorte de fil rouge de sa carrière, c’est la création de cartes postales. Aux Editions Pierron de Sarreguemines, il a imaginé une merveilleuse série intitulée: «L’Alsace de toujours» qui se décline en une vingtaine de thèmes qui s’inspirent de la culture de son Alsace «Seine heile Welt!...». Citons «Matin de Pâques», «La fenêtre aux géraniums», «L’enfant et la cigogne», dont la fraîcheur, la pureté, la fantaisie, le raffinement nous séduisent.
Il a illustré de nombreux opus consacrés
à la gastronomie
alsacienne et lorraine, mais aussi bretonne. Tout d’abord, en
1999, «Les
meilleures recettes illustrées d’Alsace»
de Simone Sieber, en 2002, «Histoires
espiègles et recettes succulentes»
de Christine Ferber et Huguette Dreikaus. Puis, en 2003, «Desserts et délices
de
Lorraine, recettes, produits du terroir et traditions»
Ainsi que «Les
meilleures recettes
illustrées de Lorraine, traditions et inventions»
de Michèle Maubeuge. En 2004, «Bredele,
petits gâteaux et autres douceurs d’Alsace»
de Simone Siebert. En 2006, «Confitures de saison pour
recettes
gourmandes d’Alsace» de Christine
Ferber. En 2007, «Le
Livre de cuisine des Alsaciennes, 400 recettes pour tous les jours»
de Suzanne Roth. En 2008, «Plaisirs de
cuisine bretonne» de Sonia Dupuis,
préfacé par Gilles Pudlowski. En 2009, «Recettes illustrées
de la nouvelle cuisine
franc-comtoise» de Jean-François Maire
© Photo: F. Walgenwitz Il a su, avec bonheur, troquer le pinceau pour la plume. En 2011, il publie, préfacée par Gilles Pudlowski,: «Ma Cuisine alsacienne», qui connaît un grand succès. En visitant d’autres sanctuaires du patrimoine alsacien, il produit, en 2006, avec André Jeanmaire, «Superstitions populaires dans la lorraine d’autrefois», en 2007, avec Yolande Haag, «Bonheurs de Noël: ambiances d’Alsace et d’ailleurs», puis, l’étonnant «Hopla Geiss» avec Stéphane Kramer. En 2011, paraît «Une année en Alsace» et, la même année, «Chansons d’Autrefois», répertoire choisi avec Jean-Jacques Bastian. Enfin, «Chants de Noël en Alsace», composé en solo, termine, momentanément, l’impressionnante bibliographie de Guy Untereiner.
Guy aime les gens, il aime la fête
Guy est un homme chaleureux. Il aime les gens, il aime la fête. Chaque année, il participe activement à la Fête du Foie gras de Phalsbourg, initiée en 1996 par les restaurateurs phalsbourgeois et l’office du Tourisme local. Fête de la gastronomie et des produits du terroir, elle est devenue le rendez-vous incontournable des gourmets de la région. Guy a réalisé toutes les affiches qui en font la promotion et tient, dans le Village de Noël, un stand où il propose le foie gras du «Soldat de l’An II». © Photo: Simone Untereiner A Metz, Guy Untereiner a créé le Sentier des Lanternes qui illumine chaque année, de fin novembre à début janvier, les berges de l’île du Petit Saulcy sur la Moselle. Plus de 300 lanternes, chacune éclairée de LED, donnent vie aux lutins, ours en peluche, soldats de bois… «Ce sont les «enfants» de l’illustrateur Guy Untereiner qui s’est inspiré du folklore mosellan pour créer ces personnages. De quoi rallumer la flamme des Noëls d’antan.» (Lorraine au Cœur.com). D’année en année de nouvelles créations prolongent la magie du spectacle. Elles sont réalisées par les équipes de «Moselle Arts Vivants». Le sentier des Lanternes © Mylorraine.com Pionnier d'une culture alsacienne réinventée Fidèle à la tradition, cet amoureux de l’Alsace qui avoue être ému aux larmes devant certains sites emblématiques comme le porte de Kaysersberg, n’en est pas moins ouvert à l’innovation. Par exemple, il est très sensible à la démarche de l’association «Arts et collections d’Alsace», présente à Strasbourg et Colmar, spécialisée dans l’édition d’œuvres d’art alsaciennes sélectionnées, appartenant au passé: linge de maison, linge de table, poterie, verrerie… «Elle réédite, mais, regrette-t-il, elle n’innove pas. Il faudrait sortir des sentiers battus, il y aurait beaucoup à créer», soupire-t-il. C’est que Guy Untereiner se voudrait le pionnier du renouveau d’une culture alsacienne enrichie, modernisée, réinventée. «On a envie de dire: re-osée…» (3). Il s’enthousiasme pour des projets audacieux: «La création m’a toujours passionné. J’aimerais innover en créant des meubles polychromes allégés en restant fidèle à l’esprit de la culture alsacienne; je rêve de rénover l’art de nos vénérables potiers de Soufflenheim en dessinant de nouveaux motifs, des étoiles de mer, par exemple; mon ambition serait de partir de la kelsch rouge ou bleue pour oser de nouvelles couleurs: pourquoi pas du rose ou du vert?». Passer à de nouveaux challenges, toucher à d’autres matières, se frotter à d’autres contraintes techniques, développer toujours une autre créativité… Guy Untereiner a su préserver son enfance. Il l’a mise en images imprégnées de sa culture rhénane. Elles sont l’œuvre de sa main, la main qui est une force, un passeur de poésie… Kelsch bleu et rouge © Collections et Compagnie éditeur en Alsace Bibliographie
Portfolio © Photo: Simone Untereiner Linge de table: les verres © Photo: Simone Untereiner Arbre de vie © Photo: F. Walgenwitz Coeur de Printemps © Collections et Compagnie, éditeur en Alsace Coeur de Pâques © Collections et Compagnie, éditeur en Alsace Maison à colombages © Collections et Compagnie, éditeur en Alsace St-Nicolas (crayon) © Photo: F. Walgenwitz L'oiseau et les cerises (Carte postale) © Collections et Compagnie, éditeur en Alsace La Cathédrale (Carte postale) © Collections et Compagnie, éditeur en Alsace Les chaises (Carte postale) © Collections et Compagnie, éditeur en Alsace Le couple (carte postale) © Collections et Compagnie, éditeur en Alsace L'enfant et la Cigogne (Carte postale) © Photo: Simone Untereiner L'enseigne au Kougelhopf © Photo: F. Walgenwitz Carte d'invitation de la Maison Ferber, 2001 © Photo: F. Walgenwitz Carte d'invitation de la Maison Ferber, 2013 © Imprimerie Lefranc, Munster Ma cuisine Alsacienne © Photo: F. Walgenwitz Les Musiciens (Huile sur toile) © Photo: F. Walgenwitz © Mylorraine.com Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur. |
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