Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Sculpteurs Alsaciens
Séquence 4
François
Cacheux (1898-1988)
François Cacheux
François Cacheux a marqué de
son
empreinte l’histoire récente de l’art en
Alsace, en assurant le renouveau de
l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs
de Strasbourg. A Angers, également, son
empreinte est très prégnante; bustes et grandes
sculptures sont installés dans
un arboretum. C’est en Anjou, où il a
vécu les vingt dernières années de sa
vie, qu’il a réalisé ses
œuvres les plus marquantes.
François Cacheux est né le 24
janvier
1923 à Paris. Il est le fils de Michel Cacheux,
ingénieur genevois où ses
ancêtres calvinistes avaient émigré. Sa
mère était fille d’un instituteur du
Bourbonnais. Son grand-père, Armand Cacheux (1868-1966)
était artiste–peintre.
Après ses études secondaires,
il suit
les cours du soir de Robert Wlerick (1882-1944)
«héritier de Jean Goujon», il
s’exprime
dans un art calme, serein, équilibré. Il devient
ensuite son professeur à
l’Ecole Supérieure des Arts appliqués.
Puis, il intègre les Beaux-Arts qu’il
quitte assez vite pour suivre, dans leur atelier,
l’enseignement de Wlerick et
de Zwoboda (1900-1967) dont l’âme slave suit
l’exaltation extrême de ses
sentiments.
En
1941, l’impitoyable politique
antisémite décide ce protestant humaniste de
s’engager dans la Résistance,
(Réseau F2). Dénoncé,
déporté,
condamné à mort, il est sauvé par
l’avance
des
troupes russes et peut rentrer en France le 25 juin 1945. Il est alors
confronté aux difficultés inhérentes
à la
vie d’un jeune artiste. En 1954,
l’obtention, à Alger, du Prix de la Villa
Abd-el-Tif, le
libère des soucis
d’argent. Il quitte Alger pour occuper un poste de professeur
de
dessin de nu
aux Beaux-Arts de Clermont-Ferrand. Puis, par concours national, il est
nommé
directeur de l’Ecole Supérieure des Arts
Décoratifs de
Strasbourg. Dès son
avènement, le prestige de l’Ecole
s’accroît
considérablement. François Cacheux restera
fidèle à sa mission pédagogique
jusqu’à sa retraite en 1988. «L’Ecole,
respectueuse de la sensibilité, de la mentalité
et des traditions régionales,
enseignait l’artisanat d’art,
c’est-à-dire, le savoir-faire, les lois des
proportions
justes et de l’harmonie, le style et l’histoire.
Comme la vie culturelle
publique, elle était protégée
par
d’invisibles frontières
isolationnistes…» Nous apprend Camille
Claus qui,
après avoir été
élève y enseigna. Ecole municipale,
crée en 1890 par le maire
Otto Back, directeurs et enseignants étaient choisis et
nommés par le premier
magistrat pour leurs qualités artistiques et humaines. Le
savoir pédagogique
s’acquérait généralement sur
le terrain. Autant que possible, on tenait compte
de l’appartenance à la religion
protestante…
«Après
la mort de René Allenbach, le dernier directeur
traditionnellement nommé d’une
Ecole tranquille, complaisante et conventionnelle, le vent du
changement s’y engouffra avec
son
remplaçant, François Cacheux.»(1) Un
parisien de surcroit…Lorsqu’en septembre 1960,
Camille Claus prit ses fonctions
de professeur, l’effervescence bouillonnait encore! Mais, il
reconnaît que «seul
Cacheux pouvait maintenir le cap et
naviguer dans ces eaux-là. Il est vrai qu’il
possédait la force et
l’obstination d’un bon barreur sachant
éviter les grosses vagues et faire
demi-tour si nécessaire. Bref, il surmontait les pires
tempêtes sans trop s’égratigner.
Mais il en provoquait pas mal.»
Toutefois, il fut accueilli «avec
joie» par une bande de jeunes
professeurs (plus âgés que lui
quand-même). Ils appartenaient presque tous au
«Groupe de l’œuf» qui venait de
se former. C’étaient: Louis Fritsch et ses
«ailleurs fantastiques»,
Alfred Edel, le
graveur, Jean-Jacques Hueber, «pas
encore
surréaliste», Camille Hirtz, «pas encore
abstrait», Fred Tinsel, Jean
Henninger, le sculpteur, et
Louis Wagner
«qui devint un ami cher». Plus tard, Camille
Claus les rejoignit, puis Kuentz, architecte
d’intérieur, «le
précieux conseiller et
ami fidèle»
S’appuyant sur une technique bien
maîtrisée, ils innovaient sans cesse. Ils
étaient donc dans les meilleures
dispositions pour s’engager avec François Cacheux,
dans des réformes constantes
qui permirent le renouveau de l’Ecole. La technique devait
cesser d’être une
fin en soi. «Mon travail fut de
rétablir
la prédominance de l’approche
sensible des problèmes plastiques»,
affirme-t-il.
Soucieux du prestige de l’Ecole,
François
Cacheux obtint qu’une
convention donne
l’égalité aux diplômes de
l’Ecole d’avec les diplômes nationaux
supérieurs
d’expression plastique. Tout en préservant son
indépendance pédagogique face au
morose nivellement!...
De ces «30
années d’ Arts-Déco»,
François Cacheux apprécie
particulièrement
d’avoir dû, pour enseigner, accumuler des
connaissance. Car, dit-il, «on
n’a pas le doit de raconter des histoires
aux étudiants. Ils veulent apprendre et,
d’ailleurs, vous rendent
bien ce que vous leur donnez.»
En l’occurrence, il leur a donné en partage, sa
conception de l’art, les
principes que, sa vie durant, il a érigés en
profession de foi.
Et,
d’abord, ce qu’il a combattu, ce
qu’il rejetait fut, notamment, le développement de
«l’art conceptuel», dont il a
été témoin et qui prétend
ne pas se
définir par les propriétés
esthétiques mais
seulement par le «concept», comme si le concept
n’était pas consubstantiel de
l’art…. Ce concept «qui
colle au
pitoyable besoin d’actualités dont
les média font leurs choux gras». Ce
concept dont certaines productions,
comme ce fut le cas au Centre Pompidou, furent confondues par les
femmes de
ménage avec des détritus et jetés
à la poubelle… «Ce
qui n’a pas de sens est appelé à
disparaître», (Citation de
St-Paul, soulignée par Gauguin)
De même, il condamne le gribouillage,
la «trace» vague permettant au «Critique
«psychanalytique» d’étaler son
verbiage. La seule référence qui compte pour
François Cacheux est la qualité: «L’Ecole
devra maintenir son ambition vers
le haut et la réussite continuera»
affirme-t-il au moment de la quitter. Par ailleurs, s’il
reconnaît que la
culture est aussi un héritage, «elle
ne
se dirige pas, ne s’organise pas. Le vent qui la pousse est celui de la liberté».
Par conséquent, «il est
plus sain de vivre dans le combat
des idées que de mourir d’ennui dans
le conformisme», soutient-t-il.
Retenons tout particulièrement, de
l’exposé
des convictions de François Cacheux, écrit en
2003, cette proposition
fondamentale: «Personne ne
possède la
vérité. Mais c’est dans la seule
liberté que peut se construire une œuvre qui
bouleverse l’âme par sa transcendance.»
François Cacheux possédait la
science
et la maîtrise des volumes, certes, mais il a
également acquis celles de
l’espace. Ses dessins, sanguines, pastels, fusains, en sont
une très attrayante
illustration. La contemplation de Glandor et de la Banquise à Port Thibault est
particulièrement captivante
par l’ambiance mystérieuse qui s’en
dégage, à laquelle le jeu des couleurs
n’est pas étranger. Lyrisme et vigueur
s’y manifestent.
Nous apprécions
l’expressivité du
portait de Catherine, portrait amené au point où
il ne pouvait plus que perdre
à être travaillé davantage… Glandor en Irlande, 1988 Papier, pastel sec La banquise à port Thibault, 1997 Papier, pastel sec Catherine, 1980 Papier, pastel sec
A l’œuvre, François
Cacheux «tente
obstinément de communiquer aux hommes
la beauté du Vivant. C’est une quête
dionysiaque où, dans le secret de
l’atelier, partant de mes dessins, j’invente la
forme des corps en essayant d’y
mettre le feu de la vie, qui, pour moi, passe par la
poésie.»
Ayant acquis très tôt le sens
des
masses, mû par l’intuition de
l’équilibre des grands volumes, il
possède le
goût du monumental sans jamais
dégénérer en grandiloquence. Sa
sagesse
instinctive est ennoblie par une audace intelligente, écrit,
en substance, Jean
Brune en 1956, depuis Alger. Buste de Mast, 1984 Bronze, cire perdue Buste de Mattéoli Bronze
Depuis son départ à la
retraite, se
sentant complètement libre de son temps, François
Cacheux enchaîne les
créations: «J’ai
d’ailleurs beaucoup de
travail et de projets, confie-t-il au critique, Jean Christian.
L’on me demande
d’exposer un peu partout. En automne à
Genève, puis à Paris, Saintes et Londres
en 1990, enfin à Tokyo. Mon marchand, Robert Guiot, avenue
Matignon à Paris,
s’occupe de moi.»
Il expose également à
New-York, à
Washington où il représente la France au FMI.
Brest, Angers, St-Amand-Montrond,
Cognac, lui rendent hommage par de grandes rétrospectives.
Il est notamment
exposé au musée d’Art Moderne de Paris
ainsi qu’à Lausanne. Parmi ses principales
réalisations notons les bronzes monumentaux
représentant Jean Moulin à Angers,
François Mitterrand à Lille, les
«Grands hommes du XXème
siècle», dix statues
en bronze de 3,3m, commandées par Georges Frêche,
maire de Montpelliers, en
2008. Il est l’auteur de la statue Pallas Athéna
de l’Esplanade de Strasbourg
et du monument aux morts de Mulhouse.
En 2001, Angers inaugure un musée de
sculpture en plein air à l’Arboretum,
dédié à François Cacheux.
L’Orangerie qui
reçoit les esquisses en bronze et les dessins et pastels est
ouverte au public
en 2003. Au 10ème anniversaire de sa
disparition, les musées
d’Angers lui ont rendu hommage par une exposition temporaire
(septembre 2011
–février 2012) qui complète la
collection proposée en permanence avec des œuvres
prêtées par des musées et Madame
Gisèle Cacheux, la veuve de l’artiste. La Loire pensive, 1970 Bronze fonte Femme se lissant les cheveux, 1970 Bronze, cire perdue
Matinée
Bronze, fonte à la cire perdue
La carrière artistique de
François
Cacheux est couronnée du Prix international du Buste, en
1986; du Grand Prix de
1er Festival international de Sculpture
contemporaine, en 1992; du
Prix Charles Malfray en 1996.
En 1996, il est nommé au
comité de la
Fondation Taylor, fondée en 1844, une des plus importantes
institutions
oeuvrant à la défense, au soutien des artistes.
A son retour de déportation,
François
Cacheux est décoré de la Légion
d’Honneur, de la Médaille du Mérite
National, de
la Croix de Guerre avec Palmes, de la Croix des combattants volontaires
de la
Résistance et de la Médaille d’or de la
Renaissance Française. En
1998, il est élevé au rang de Commandeur de la
Légion d’Honneur François
Cacheux décède
le 9 Août 2011, à Angers Il
est inhumé à Saint-Bonnet –
Tronçais dans l’Allier Bibliographie -
Robert Heitz– Etapes
de l’Art alsacien XIXème et XXème
siècles – saisons d’Alsace
N° 47, 1973 -
Gabriel Andrès - L’Art
Contemporain en Alsace depuis 1950
– Saisons d’Alsace N° 47, 1973
-
Gabriel Andrès (1)
– L’Histoire de
l’Ecole Supérieure des
Arts Décoratifs de Strasbourg
–
Ed. Do Bentzinger - 2014
-
Gabriel Braeuner –
L’Alsace au temps du Reichsland. Un âge
d’or culturel – Ed.
belvédère – 2011
-
Gilles Pudlowski – Dictionnaire
amoureux de l’Alsace – Ed. Plon,
2010
-
Aimé Dupuy – L’Ecole
municipale des Arts décoratifs de
Strasbourg – La Vie en Alsace
-
François Cacheux – 30 Années aux Arts Déco
– Saisons
d’Alsace -
Jean Christian – François
Cacheux, l’Enseignement de tous les
dessins – Saisons d’Alsace |