Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
François Bruetschy
(1938)
Entre le contemplateur et un tableau d’art abstrait s’établit un échange d’interrogations et de réponses qui provoque des résonances autrement plus riches que les effets de la simple sensation optique. Le tableau abstrait est une réalité autonome, indépendante de la réalité extérieure. Demande-t-on à une fugue de Bach de représenter quelque chose?...Il en va de même de la peinture de François Bruetschy. |
Photo: F. Walgenwitz
Né à Strasbourg en 1938, François Bruetschy grandit à Mulhouse. Il y fréquente l’Ecole Municipale des Beaux Arts. En 1958, il se rend à Paris afin de perfectionner son art, notamment à l’Atelier de la Grande Chaumière. En 1959, il est reçu à l’Ecole Nationale Supérieure des Métiers d’Art, dans la section technique du bâtiment et décoration intérieure. Il y reste jusqu’en 1962. De 1963 à 1992, il travaille dans un cabinet d’architecte. Depuis 1968, il participe à de nombreuses expositions dans l’ensemble des galeries, musées et centres d’art alsaciens, à Paris, à La Garde Adhémar, bien sûr, mais aussi à Tunis, à Hanoï, en Allemagne, en Indonésie, en Chine…Il a participé également à une série d’expositions de groupe, notamment à Mulhouse, à Strasbourg (Maison d’Art alsacienne) et à Paris Il a réalisé plusieurs commandes publiques: façades polychromes (Rue Thierstein, Rue des Merles à Mulhouse), fresques et sculptures pour les écoles, décors de théâtre (Pour Faust de Goethe), vitraux pour l’église d’Ernoldsheim… Il vit à La Garde Adhémar, dans le très poétique Val des Nymphes, une oasis de fraîcheur, non loin de Montélimar. François Bruetschy, de par son origine alsacienne, où l’on est avant tout graphiste, pratique d’abord le dessin, se plie à sa discipline et acquiert le goût de la forme. Le domaine de la couleur sera à conquérir. Il est intéressant de noter que l’engouement pour la couleur viendra de son inclination pour la musique: musique du monde, jazz, classique…Mais quand il entame une nouvelle toile, «c’est dans le silence le plus complet. C’est seulement après un temps de travail que je mets de la musique… C’est très intéressant d’écouter le silence, c’est un luxe.» Le passage du figuratif au non figuratif, s’est fait par le biais du collage, une prise de conscience prégnante de la structure. "
Je peins en marchant "
Au début, marqué par son métier d’architecte dont il dénonce les erreurs, c’est de la colère qu’il exprime dans ses tableaux. «…j’ai construit des immeubles et des HLM et je n’étais pas enthousiaste du système et de ses erreurs de construction. Quand j’étais, tout au début, devant mes peintures, j’y ai déversé de la nervosité, mon hurlement!» - «Sans titre – 1967-68» appartient manifestement à cette période. Ensuite, c’est l’apaisement. François Bruetschy crée son propre langage «dans cette liberté de la recherche, dans la perfection esthétique», un langage fait de paysages abstraits, poétiques, fragmentés «Mes toiles sont conçues comme des territoires dans lesquels je propose une circulation. Dans cette architecture plane mais aussi en relief, par le jeu des contrastes…, viennent s’inscrire des traits, des incisions, souples ou rectilignes qui sont une sorte de récit graphique, une ligne mélodique …Ces circulations sont destinées à inviter le spectateur à suivre le même chemin; à partager avec moi la même jubilation. Car tous les marcheurs savent à quel point la déambulation, même visuelle, est propice à une pensée dynamique et introspective…» Cette conception de son œuvre est en adéquation avec sa méthode de travail: «…Je peins en marchant, c'est-à-dire que l’idée d’un tableau naît dans mon esprit lors de mes promenades…et c’est grâce à cette marche que les idées foisonnent dans ma tête et que j’entreprends de les concrétiser.»
Enfin,
il est certain que la géométrie joue un
rôle remarquable dans la structure des tableaux
qu’il produit dans cette période qui se poursuit
jusque vers 2011: «géométrie
désirante»…dit
l’artiste. Car, selon lui, «Il n’y a pas
d’art, en tout
cas pas de peinture possible, sans la participation d’un
corps désirant…. La
traduction de cette exigence est une sorte de
géométrie qui, soumise au seul
désir, peut s’avérer aberrante
même si elle est nécessaire…»
Sans titre, 1967-68, HST - Collection "Art de Haute Alsace" (Photo Art de Haute Alsace) Sans titre, 2007, HST - Collection Particulière (Photo François Bruestchy) Sans titre, 2012, Polyptique, Fusain sur papier - 210x225cm (Photo Christian Kempf) "Une peinture intellectuelle qui engage plus l'esprit que le savoir Aujourd’hui, plus que jamais, la peinture de François Bruetschy est une peinture intellectuelle qui, cependant, engage plus l’esprique le savoir. Elle est une manière de journal intime. Concernant notamment ses fusains sur papier, il procède à la recherche d’une quintessence, d’une quête de l’essentiel, d’une synthèse, ce qui donne à ses dessins une densité que je qualifierais de «mercurienne». Ils suggèrent une ascèse, discipline qui tend vers une perfection «cistercienne», signe de dépouillement. «Pour moi, une toile est terminée lorsqu’il n’y a plus rien à enlever.» François Bruetschy est à la recherche «d’une perfection formelle, c'est-à-dire, une intensité poétique maximum liée à une liberté de geste et de conception absolue. Ce que j’appelle dans mon jargon personnel: «le point de fusion» (Genre Pierre philosophale?) Ces glomérules éclatés qui animent le velours noir de ses dessins (ces macrobes) qu’il décline de diverses manières, font penser à des idées que génère la répétition inlassable de la même prière ou du même thème musical agissant comme une onde porteuse. «Je remplacerais «prière» par énergie vitale» corrige François Bruetschy. Quand on dit macrobe, on pense à microbe et on se pose la question de savoir si le résultat est microscopique ou sidéral…dans ce dernier cas, on a envie d’effacer les bords du tableau, de nier les limites qu’il impose. «Macrobe» est le microbe à l’échelle du macrocosme. Le format sur lequel je travaille, est un territoire qui représente une portion de l’univers, tout en étant l’univers en son entier. Il y a une dimension «fractale». Se pose aussi la question du degré de puissance narrative de ces œuvres. Si ces dessins sont spontanés, issus d’une écriture automatique, s’il s’agit d’exprimer un ressenti confidentiel, reflet d’un état d’âme, le partage s’avère impossible avec le spectateur, faute de clé. De ce fait, sa liberté d’interprétation, sa faculté de donner du sens est totale…Réponse de l’artiste concepteur: «Le partage est toujours possible; on peut admirer un pictogramme chinois ou arabe ou autre sans le comprendre, le mécanisme d’une horloge, sans avoir la clé. Je parie toujours sur l’intensité émotionnelle d’un trait pour communiquer; c’est valable pour un trait de crayon comme pour un trait d’archet. Evidemment, cela se travaille.»
En
tout cas, cette évolution n’est pas un repli sur
soi. «Une
évolution est toujours
une dynamique, la concentration du regard n’est possible que
s’il y a une
ouverture absolue au monde.» affirme
François Bruetschy
Sources: -
Interview de François Bruetchy, le 10 septembre 2010
à La Garde Adhémar - «Macrobes» Plaquette de l’exposition à l’Espace Malraux – Colmar (2/02 – 31/03/2013. Texte de jean-Clet Martin - Ville de Colmar – F. Bruetschy, «Poussière des Astres» - Expo 2013 - Jetset magazine.net – «F. Bruetschy. Géométrie des couleurs» - 2010 - Jetset magazine.net – A la galerie Ammar Farhat – Expop de F. Bruetschy - 2010 - Texte de Paul Guerin - 1999 - La sérénité de la peinture. – Texte de Monique Fuchs
Sans titre - Période 1970-85 (Photo Art de Haute-Alsace) Sans titre - Période 1970-85 (Photo Art de Haute-Alsace) Sans titre - Période 1970-85 (Photo Art de Haute-Alsace) Sans titre - Période 1970-85 (Photo Art de Haute-Alsace) 8F - 11.06.3 - 2006 (Photo F. Bruetschy) 80F - 2.08.1 (Photo F. Bruetschy) 5F - 6.08.5 (Photo F. Bruetschy) Sans titre - 50F (Photo F. Walgenwitz) Crayon de couleur - Fusain - (65x50cm) du 24/1/2012 (Photo F. Bruetschy) Sans titre, 2012 - Polyptique - Fusain et acrylique sur papier (210x225cm) (Photo C. Kempf) Sans titre, 2012 - Polyptique, fusain et acrylique sur papier (210x225cm) (Photo C. Kempf) Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur. |