Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Bernard Gantner
(1928-2018)
Autoportrait, 1948
Le hasard des lectures m’a conduit à «L’Esprit du Grenier» de Henri Laborit, peintre lui-même par plaisir égoïste en face d’un paysage, d’une nature morte, d’un visage ou d’un corps qu’(il) trouve beau. Dans cet ouvrage, il analyse les raisons qu’il avait de peindre. Ne pas conserver en soi, dans la fragilité d’un souvenir, ce que l’on trouve beau. Arrêter le temps, fixer l’instant qui passe et l’affectivité qui l’accompagne. Ce qu’on réalise en peinture, ce n’est pas ce qui pénètre dans les yeux, c’est soi-même. La raison de peindre, c’est le besoin de transformer l’émotion en action. Il se trouve que celles-ci sont en parfaite adéquation avec les motivations de Bernard Gantner, au service de la beauté exactement. Bernard Gantner est un artiste de renommée mondiale. Il a à son actif cinquante expositions au Japon, soixante, aux Etats-Unis, une dizaine au Canada, d’autres en Angleterre et bien sûr partout en France, notamment au début de sa brillante carrière, à Strasbourg, dès 1953 et à Paris dans diverses galeries prestigieuses Des expositions rétrospectives lui sont consacrées à Guebwiller, Mulhouse, Strasbourg, Baume les Dames, mais aussi à Bâle, Chicago, Tokyo… En 1961, il reçoit le Prix de la Critique des mains du président, Claude Roger-Marx. En 1998, il est promu chevalier de la Légion d’Honneur. Depuis 1958, Gantner a illustré plusieurs ouvrages d’édition spéciale limitée. Ainsi, Claude Roger-Marx, écrivain et critique, séduit par son travail, a fait appel à lui pour illustrer des éditions destinées aux bibliophiles dont «Neige» et «Venise» qu’il a embellies d’eaux fortes en noir et blanc. Bernard Gantner est né le 16 août 1928 à Belfort. Il est de descendance alsacienne. Son grand-père, ayant opté pour la nationalité française au lendemain de l’annexion de 1870, a quitté Illkirch-Graffenstaden pour s’installer à Belfort où il a travaillé comme contremaître dans la nouvelle usine qui allait devenir l’Alsthom Son engouement pour le dessin se manifeste très tôt. Dès l’âge de dix ans, il émet le souhait de vouer sa vie à la peinture. Heureusement, il a près de lui un grand-père qui comprend sa détermination et stimule sa vocation. Il le confie à son ami, Léon Delarbre, conservateur du musée de Belfort, qui lui prodigue les premières leçons à l’école de dessin de la ville. Puis, pour parfaire sa formation, il monte à Paris où il fréquente les académies libres, telle la Chaumière. Il fera, par la suite de nombreux voyages d’études en Hollande, à Venise, en Allemagne…
En
1951, il se marie avec Marlyse Kuhn, peintre elle-même,
née en 1927 à Mulhouse.
Elle a vécu ses vingt premières années
à Staffelfelden où son père dirigeait
le
bureau des dessinateurs des MDPA. Elle a suivi les cours de
l’Ecole des Arts
Appliqués de Paris. De leur union naîtront trois
fils: François qui se
consacrera à la pédagogie et à la
peinture, Pierre, musicien, qui enseignera la
flûte à bec et fondera deux ensembles de musique
ancienne, la Saltarelle et Dulzainas,
Michel, photographe, qui se fera connaître par son
ingénieuse interprétation du
monde végétal. Marlyse disparaît
prématurément, le 18 novembre 1971.
© Michel Gantner
Inspiré de la religion shintoïste qui est un code de bonne conduite entre l’homme et la nature, fidèle au dogme bouddhiste qui veut que les jardins reflètent le rythme des saisons, le sentiment de l’éphémère, Bernard Gantner, féru de civilisation japonaise, a crée un jardin – paradis, conçu pour la promenade, qui se situe entre le naturalisme et le symbolisme et qui, avant tout, est le reflet de sa personnalité, de sa sensibilité, de son moi profond.
Une manière inédite de traduire l'état d'âme d'un paysage
La
thématique du peintre a
peu varié. Après les quelques
réalisations de portraits, de nus, de natures
mortes de ses débuts, il s’est voué de
toute son âme aux paysages, des paysages
qu’il respecte scrupuleusement: Je suis
un paysagiste. Les saisons sont pour moi l’essentiel de la
peinture Le côté
tellurique de la nature m’est très important,
l’émail du rocher, la fluidité de
l’eau dormante ou torrentueuse, la densité
d’un buisson, la saveur poudreuse
d’un sentier, l’ombre de la forêt, tout
cela fait partie de l’aura de la
peinture. Par contre, le style, la touche personnelle, a
connu des
métamorphoses étonnantes. A la
fraîcheur de la riche palette de couleurs de
«Bas-Evette, 1952» succèdent les
aplats
clair-obscur aux délicates
nuances de teintes rompues de «La Campagne, 1953»,
qui diffère radicalement des hachures
monochromes de «Devant la ferme, 1955». Puis,
viennent des compositions qui se
rapprochent de l’abstraction comme «Vue depuis le
Ballon d’Alsace, 1960» ou
«Les Vosges, 1965» © Michel Gantner Bas-Evette, 1952 - (55x38cm) - Huile sur toile © Michel Gantner La campagne, 1953 - (81x60cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Devant la Ferme, 1953 - (36x24cm) - Gouache crayonnée © Michel Gantner Vue depuis le Ballon d'Alsace, 1960 - (146x114cm) - Huile sur toile
© Michel Gantner Soleil d'Hiver - Lithographie
Quel que soit le mode d’expression utilisé: huile, aquarelle, pastel, litho, l’œuvre de Bernard Gantner, dans son aboutissement, nous charme, nous séduit, nous interpelle par sa manière inédite de traduire la poésie, l’état d’âme d’un paysage. Une aimable connivence s’établit entre les lointains fondus et brumeux et l’extrême minutie des éléments de diversification que sont les maisons blotties dans la neige, les buissons épars, les arbres aux ramifications infinies. La sobriété, voire la réticence avec laquelle il applique une modeste gamme de couleurs dans ses subtils glacis, confère à ses paysages d’hiver une austérité qui reflète fidèlement celle d’un âge révolu. Nostalgie? Romantisme! Affirme un critique. Bernard Gantner est un romantique parce qu’aux sources de la nature il a retrouvé un élan, une fraîcheur en harmonie avec sa sensibilité. Quand on s’abandonne à la contemplation d’un des tableaux emblématiques de son exceptionnel talent, tel «Le Mont Jean, 1988», des correspondances surgissent dans notre esprit. Par un magique fondu-enchaîné, nous revient en mémoire telle description de Louis Pergaud ou de Bernard Clavel. On est tenté de dire que le peintre Bernard Gantner est au piémont haut-saônois ce qu’en littérature, Pergaud et Clavel sont au proche Jura: le témoin émouvant de la fin d’un terroir. Bernard GANTNER nous a quittés le 02 Juin 2018, à Belfort. Il demeurera à jamais vivant dans ses paysages. Témoin émouvant d'une nature qu'il vénérait, il éveillera toujours en nous une émotion intense. Sensibles à la poésie et à la force spirituelle qui émanent de son graphisme incomparable, nous sommes garants de son entrée dans la postérité. © Michel Gantner Le Mont Jean, 1988 - (146x114cm) - Huile sur toile Source - Entretien avec Monsieur Pierre Gantner - Elaine Bourne, Don Bruschlen, Barrie Mowatt – Gantner – Coordonnateur: François Kuhn Gantner - Editions Pierron - 1998 - Galerie Francis Barlier, Paris – Bernard Gantner - 2001 - Michel et Pierre Gantner – Gantner et les Vosges – Editions du Belvédère - 2012 - Me François Lotz – Artistes peintres d’Alsace – Editions Printek - 1985 - Pascal Roesch – Présentation du Salon Amarin de 2004; parrain du salon: Bernard Gantner - Plaquette de l’exposition de Wittelsheim 2009 – Gantner, une famille en art. - Thierry Boillot – Chez Gantner, le bonheur est dans le parc. – L’Alsace - 2011 - Henri Laborit – L’esprit du grenier – Grasset - 1992 © Michel Gantner Intérieur Jaune, 1957 - (100x74cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Usine DMC à Belfort, 1962 - (116x73cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Neige, 1963 - (146x114cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Anémones en hiver, 1964 - (116x89cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Torrent, 1970 - (146x114cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Sous-bois en Automne, 1970 - (92x73cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Lever de soleil sur étang gelé, 1979 - (130x89cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Etang au printemps, 1982 - (100x100cm) - Huile sur toile © Michel Gantner Le Rahin, 1998 - (150x150cm) - Huile sur toile © Michel Gantner La Montagne, 2001 - (100x81cm) - Huile sur toile Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur. |