Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Bernadette Zeller
(1930-2009)
Bernadette Zeller © Atoll
A l’instar des photos
d’Alex Schwobthaler fasciné par des paysages qui
lui paraissaient éternels et
de celles Jean-Paul Girard, à la recherche de
l’âme profonde du Sundgau,
au-delà de la surface des choses, les aquarelles et les
encres de couleur de
Bernadette Zeller nous conduisent à travers le Sundgau,
terre de tradition,
reposant écrin de verdure aux paysages en
sursis…Cependant, n’oublions pas sa
propension à représenter les hommes et les
femmes, indépendamment de leur
appartenance à la province aimée. La
prédilection de son expression artistique
va vers ses nus épanouis, ses portraits réalistes
exécutés à l’huile, au
crayon, à la plume.
Château d'Oberbruck - 1971 - Berceau de la famille Zeller © Photo F. Walgenwitz Bernadette Zeller est née à Mulhouse le 10 décembre 1930. Ayant réussi le bac en 1947, elle entre à l’Ecole de Dessin de Mulhouse où elle suit le cours de M. Boehringer. En 1950 – 51, elle fréquente les ateliers de gravure de Cami et de Goerg à l’Ecole Nationale des Beaux Arts de Paris. L’année suivante, elle séjourne à Nancy pour se perfectionner dans cette discipline. Port-Grimaud - 1970 - Encre de Chine Collection particulière © Photo F. Walgenwitz
Son mariage, en 1953, et l’éducation de ses quatre enfants, l’écartent momentanément de l’exercice de son art. (Hubert est devenu pianiste, Matthieu flûtiste à l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, Bertrand professeur de guitare à Nouméa et Nathalie violoncelliste.) Elle reprend ses pinceaux et ses crayons, en 1970, à l’occasion d’une commande de dessins de l’architecte François Spoerry pour son programme de Port-Grimaud. Dans le cadre de cette collaboration, elle réalise des dessins et des pastels inspirés du Var, de Saint-Tropez et de Sainte-Maxime. Dès lors les expositions personnelles s’enchaînent. Le livre d’or de l’artiste, intitulé «Providentiae memor» évoque, au fil des commentaires unanimement élogieux, les plus importantes des vingt-cinq expositions parmi lesquelles il convient de distinguer celle de Port Grimaud en 1970, celles de Mulhouse, à la galerie Gangloff; à Strasbourg, Bernadette Zeller est présente chez Landwerlin et Aktuaryus…..Avec le peintre Alberto Solbach, elle monte, en 1978, une exposition itinérante: «Splendeur et misère du Sundgau» pour la défense du patrimoine rural. Mais elle expose aussi à Montpellier, à Béziers, au Mans et à Paris, au Salon des Artistes français où elle obtient le prix «Zwiller». Elle illustre des recueils de poèmes de Robert Faerber et de Paul Stintzy ainsi que des ouvrages portant sur son cher Sundgau. Elle se fait connaître du grand public par la parution de deux albums intitulés «Le Sundgau de Bernadette Zeller», parus aux Editions du Rhin et aux Editions Gyss. Elle a d’abord vécu à Brunstatt, mais en 1977, elle quitte définitivement le décor urbain pour Hirsingue où elle a restauré une maison alsacienne dans laquelle elle a installé un atelier impeccablement tenu... C’est à Altkirch qu’elle s’est éteinte en 2009, dans sa 79ème année. Bernadette Zeller était membre de l’Académie d’Alsace. Une
tendresse humaniste Gommersdorf - Aquarelle © Atoll Vieux-Ferrette - Aquarelle (détail) © Editions Gyss Hundsbach - Aquarelle - 1979 (détail) © Editions Gyss Dannemarie - Aquarelle (détail) © Editions Gyss Wahlbach - Aquarelle (détail) © F. Walgenwitz
La richesse de sa vie artistique déborde largement son action militante en faveur de la sauvegarde de l’identité d’un terroir qui la conduit, dans les années 70 notamment, à sillonner les routes du Sundgau à bord de sa R4 fourgonnette rouge. Dans un art incomparable de réalisme, elle porte son attention aux Sundgauviens eux-mêmes. La tendresse humaniste, et la vigueur de son style les représentent dans leur quotidien et leur intimité: jeunes gens en costume traditionnel, violoncellistes en concert, en particulier sa fille Nathalie, paysannes appliquées à leurs tâches ménagères, cordonnier dans sa boutique, maman allaitant son nouveau-né, nymphe bucolique croquant la pomme… Elle décline sa technique de l’aquarelle sous ses aspects les plus séduisants. Elle se reconnaît du premier coup d’œil. Elle ne peut se confondre avec Robert Kuven ou Martine Laforce (que nous découvrirons bientôt). Sa facture est tantôt diluée, tout en nuances, associant la couleur du papier à l’harmonie de l’ensemble. Voyez «Gommersdorf». Dans «Vieux-Ferrette», elle cloisonne à l’encre de Chine la mosaïque multicolore des éléments du paysage. Dans «Hundsbach», elle accentue les contrastes à grands renforts de taches noires et vertes qui impriment à la scène un climat lourd, lié à la gravité du message à transmettre. Pour «Dannemarie» elle emprisonne sagement les couleurs dans des contours précis, des lignes impératives, dans une ambiance apaisée, très lumineuse. Ailleurs, elle entremêle les facettes de couleurs, les brouille, estompe les contours, créant une atmosphère impressionniste du plus bel effet. Voyez «Wahlbach»
Jamais
figée, Bernadette Zeller est toujours elle-même,
parfaitement reconnaissable.
Hiver à Hirsingue - Huile sur toile (détail) © Editions Gyss Francken - Huile sur toile (détail) Collection particulière © Editions Gyss Blés et Maïs - Huile sur toile (54 x 81 cm) - détail © Atoll Quant à l’huile, plus rarement utilisée dans les paysages, Bernadette Zeller l’applique selon une technique lissée, reposante qui convient si bien à l’ «Hiver à Hirsingue» Pour représenter «Francken», elle procède par touches tamponnées en demi-tons subtils qui placent pignons et colombages dans une ambiance ouatée, aérée, d’une esthétique savamment recherchée. Ailleurs encore, dans un esprit de synthèse, ayant rassemblé les sensations éprouvées, elle opte pour la simplification. Ses aplats approchent une forme d’abstraction qui rappelle celle de… Muslin. Et c’est «Blés et maïs» Bernadette a trouvé l’équilibre difficile, mais ô combien sensible, pour le spectateur – contemplateur, entre le sujet et la recherche esthétique. De recherches en progrès, elle a atteint l’excellence. Ses références, qui donnent une idée juste du niveau d’exigence qu’elle s’est fixé, Michel-Ange, Dürer, Rembrandt, Manet, Picasso, Holbein qu’elle a toujours vénérés, lui sont un précieux viatique pour réussir ses nus admirablement épanouis dont la plénitude ferme et souveraine sollicite infailliblement les sens. Voyez «La Nymphe à la pomme» qui a inspiré à Jean-Georges Samacoïtz ce beau commentaire: «Fruits et femmes du Sundgau restent dans le bel imaginaire où le peintre Bernadette Zeller les place en farandole, les signes pulpeux d’une oasis à magnifier.»Nymphe à la pomme, 1992 - Huile sur toile - (73 x 100 cm) - Collection particulière © Atoll
La leçon des grands maîtres est également sensible dans ses portraits et ses personnages authentiques qui se prêtent volontiers au talent de l’artiste qui les immortalise. «Silhouettes et visages, dit encore Jean-Georges Samacoïtz, prennent soudain une présence et une densité surajoutant aux paysages le poids de la pose, le noueux d’une main, le méplat d’une joue, la fatigue d’un paysan, l’attentive application d’un cordonnier, la lointaine rêverie d’un buveur attablé et la gravité d’un bûcheron. Il y a des esquisses au crayon et de rigoureux dessins à la plume qui ont la veine de certaines études de Delacroix.»
La
raison d’être de l’artiste Bernadette
Zeller, ce n’est donc pas seulement la
maison sundgauvienne; elle en a poussé la porte pour nous
faire découvrir dans
son intérieur rustique, l’âme
même du Sundgau.
Bibliographie:
- Le Sundgau de Bernadette Zeller – Préface de Raymond Oberlé, texte de Jean-Georges Samacoïtz, Poème de Marie-Madeleine Dreyfus – Editions du Rhin - Le Sundgau de Bernadette Zeller – Texte de Bernard Jurth – Editions Jean-Pierre Gyss - L’intensité de Bernadette Zeller – Nicolas Lehr - DNA - Un art d’une rare tendresse – Nicolas Lehr - DNA - Paysages du Sundgau – E.S. – L’Alsace, 1 janvier 2006 - Bernadette Zeller – Texte de B. Jurth - Sundgau, la vie oubliée – Texte de Lucien Naegelen – Photographies d’Alex Schwobthaler – Editions du Rhin - Sundgau, images d’un terroir – Photographies de Jean-Paul Girard – Editions du Rhin - Crédit photographique: «ATOLL PHOTOGRAPHIE», Riedisheim. Pour les Editions du Rhin.- Avec l’aimable autorisation de Monsieur Jean-Paul ILTIS
Fulleren – Lavis d'encre Sépia © Atoll Le raccommodage, 1984 – Huile sur toile © Atoll
Croquis
– Encre de chine Nu
– Encre Le Grand Nu, 1972 – Huile sur toile © M. Villette Nu
agenouillé sur un tapis – Huile sur
toile (61 x 50 cm) Jeune
fille au moulin, 1974
– Huile sur toile Nathalie
au violoncelle, 1973
– Huile sur toile (61 x 50 cm) Violette
et Jeanne II, 1992
– Huile sur toile (61 x 50 cm) Danse
slave, 1976
– Aquarelle Ratatouille - Huile sur toile © M. Villette Jeune fille orange - gouache © M. Villette Paysage, Lancyre, 1973 - Huile sur toile © M. Villette Les Matelles, 1974 - Huile sur toile © M. Villette Entrées des Artistes, 1994 - Huile sur toile, collage © M. Villette Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur. |