Culturel
" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir
des passionnés d'Art Alsacien "
francois.walgenwitz@sfr.fr
Armand Ingenbleek
(1896-1971)
Dans la
série
d’articles des DNA «La
plume est aux
peintres», Armand Ingenbleek expose sa conception
de l’art, en partant du
postulat que notre époque se reflète dans toutes
les tendances de l’art
contemporain, aussi bien abstrait que figuratif, pourvu que
l’artiste arrive à
traduire l’émotion que le spectacle de la nature
et le drame et le lyrisme de
la vie ont provoqués en lui, et, à condition
qu’il s’exprime selon son
tempérament, tout en apportant quelque chose de nouveau! «Figurative ou abstraite,
affirme-t-il, la peinture contemporaine est
le chaînon de notre époque dans la
chaîne
des écoles de l’histoire. Méditons
l’enseignement des anciens qui nous incite à
former une grande famille d’artistes travaillant avec
désintéressement dans le
même but: rechercher par la forme et la couleur une harmonie
de l’âme et de
l’esprit qui soit un plaisir des yeux.»
Exprimé en 1950, à une
époque où
l’amateur se trouve dérouté par les
tendances variées de l’art contemporain et
ses «ismes» versatiles, cet acte de foi nous laisse
entrevoir un artiste animé
d’une éthique remarquable, respectueux de ses
pairs et qui place son art au
cœur de la vie. Cet homme nous intéresse, allons
à sa rencontre… Huile sur toile Huile
sur toile Huile
sur toile Huile
sur toile Les
enfants: Jeanine (Mimi), Armand et Alfred Les deux frères: Alfred et Armand
Armand Ingenbleek, dont le patronyme
serait d’origine néerlandaise ou flamande, est
né à Mulhouse, le 3 octobre 1896.
Son père, Jacob, né en Allemagne, à
Weeze, en 1850, était douanier, sa mère,
Joséphine Schneiderlein est née à
Oberentzen en 1870. La
famille habite Mulhouse jusqu’à
l’achèvement des études secondaires
d’Armand.
C’est à l’université de
Strasbourg qu’il poursuit son cursus, ses parents
s’y
étant installés au 17, rue Beethoven. A son
terme, il s’engage dans une
carrière administrative au sein de
«l’Institut d’Assurances
Sociales». Une
carrière confortable de 40 années en tant que
directeur de la Caisse Primaire
d’Assurance Vieillesse de Strasbourg, s’ouvre
à lui, avec, à la clé, une
savante thèse de doctorat
portant sur
les bases financières des Assurances Sociales.
C’est là qu’il côtoie Robert
Heitz qui lui a consacré un portrait-souvenir. «C’était un tout
jeune homme rose et blond, portant lunettes
d’écaille..»
Très jeune, il est attiré par
le
dessin et la peinture. «Les pages
de
cette époque témoignent
déjà de qualités
d’observation et d’exécution qui ne se
démentiront jamais tout
au long de sa
carrière.» (2) Mobilisé pendant la 1ère
Guerre Mondiale, il fut, en tant que militaire,
élève de l’Ecole des Arts
Décoratifs de Brunswick, de 1915 à 1918. Durant
ces années de travail intense,
son professeur, Mr. Herse, l’initie à toutes les
subtilités de l’aquarelle.
C’est à l’apprentissage de
l’aquarelle qu’Ingenbleek doit, probablement ce «coloris clair et frais auquel il fut
presque toujours fidèle et qui est un des
charmes de sa peinture.» (2a) Huile
sur toile Crayon
sur carnet
A partir de1919, il fréquente, en
compagnie de Robert Heitz, l’atelier de Marguerite
Forrer-Jaggi, - ex Ecole
Gross - situé avenue de la Marseillaise, puis,
transféré rue du Maréchal
Joffre. «Plusieurs
soirées par semaine,
nous dessinions d’après nature…et,
ce
n’est pas sans émotion que les quelques survivants
évoquent parfois ces soirées
où l’ardeur des recherches,
l’enthousiasme communicatif, les
généreuses
illusions, les discussions souvent vives pour ou contre l’art
qu’on considérait
comme «moderne», nous aura profondément
marqués», se souvient Robert Heitz
Marguerite Forrer-Jaggi, d’origine
lettonne,
après une formation à Moscou, puis à
l’Académie de Munich et, à Paris,
à
l’Académie Ranson, fréquenta les
ateliers des nabis: Sérusier et Maurice Denis.
Elle confia l’élève Ingenbleek
à Emile Schneider qui maîtrisait toutes les
techniques, ses sujets de prédilection étant,
outre le portrait, les scènes de
genre, les fêtes, puis les paysages. Son style se rattachait
à
l’impressionnisme. Robert Heitz était
persuadé que, comme lui, Armand
Ingenbleek, a apprécié ce travail
sérieux d’après nature qui
s’est poursuivi
durant des années et qui les a mis à
l’abri des «théories
et des doctrines éphémères»
(1)
et les a aidés à rester sincères
envers eux-mêmes.
Cependant, ils furent inévitablement
interpellés par l’émergence de
l’art abstrait, à partir de Wassily Kandinsky et
de son «Blaue Reiter», qui s’engageaient
résolument sur le chemin de
l’autonomie complète de la forme et de la couleur.
Peut-être ont-ils lu «Du
spirituel dans l’art»? Par ailleurs,
la proximité culturelle aidant, ils se
préoccupèrent également de
l’épanouissement de l’Expressionnisme
allemand qui allait faire éclater formes
et couleurs au nom du sentiment et dépassait en
véhémence tout ce qu’on avait
connu jusque-là…
Bien que très vite
indépendants l’un
de l’autre, chacun s’orientant vers ses
préférences, ils reprennent, un temps,
le travail en commun à l’Ecole des Arts
Décoratifs de Strasbourg, dans
l’atelier d’Alfred Pauli. Huile
sur toile (110x75 cm) Musée
d’Art moderne et contemporain de Strasbourg
Paul Ahnne distingue trois périodes
dans la carrière artistique d’Armand Ingenbleek
qui se déroule sur une
cinquantaine d’années. La première qui
va de 1920 à 1940, se justifie par
plusieurs séjours prolongés à Paris
entre 1920 et 1925, car c’est principalement
la découverte des maîtres de la peinture
française qui l’influencera. Parmi
ceux-ci, Paul Ahnne compte Cézanne, dont les touches en
facettes construisent
le sujet de l’intérieur, Bonnard, «dont
les œuvres racontent la vie
simple et
heureuse de tous les jours» (5) Matisse,
Vlamink, Van Dongen et, très tangentiellement, Ensor et
Kokoschka…Par ailleurs,
Robert Heitz a remarqué une certaine affinité
entre l’Alsacien Georges-Daniel
Krebs et Armand Ingenbleek, du moins dans les moyens
d’expression. Mais, très
vite, celui-ci affirme sa personnalité: «il
sait profiter de l’expérience des autres, (mais
il) a la sagesse de ne pas
contrarier sa propre
nature.» (2) Huile sur toile Photo: Istra, 1971 Huile
sur toile
Il applique les techniques apprises à
Brunswick: l’aquarelle et, surtout, la gouache, domaine dans
lequel il accèdera
à l’excellence. Ainsi, en 1927, à
Villefranche-sur-Mer et à Nice, il peignit
des toiles traitées au couteau et des gouaches aux tons
acidulés qui marquent
ses véritables débuts de peintre et restent parmi
ses œuvres les plus
séduisantes, affirme son ami Heitz. Les tons qu’il
aimait: vert Véronèse, roses «bonbon
fondant»
(3),
cadmium citron, bleu cobalt, il les cernait, d’abord
d’un trait sombre,
analogue aux plombs d’un vitrail. Puis, sa
sensibilité s’affina, constate Marc
Lenossos: «ses touches se firent de
plus
en plus franches, frappées dans un ton juste, mais sans
aucune brutalité. Le
trait perdit de son importance. La lumière de la
Côte d’Azur lui révéla les
secrets de l’atmosphère.» Huile
sur toile
Pour définir son style, les critiques
parlent, alors, d’impressionnisme, voire
d’impressionnisme «constructif» (3).Cependant,
il est, avant tout, «un coloriste audacieux» (4),
mais un coloriste réfractaire à la violence, les
tons étant posés avec une
grande liberté de touche.
Il retournera souvent à Villefranche,
la plus belle rade de la Méditerranée, sa vieille
ville aux rues étroites,
voûtées qui descendent en escalier vers un
charmant port de pêche, un site
enchanteur qui a séduit bien d’autres artistes tel
Frédéric Fiebig et, bien
sûr, Jean Cocteau. Sorti des brumes de la vallée
du Rhin, tressée de
légendes et
de romantisme, comme dit en
substance Paul Ahnne, Armand Ingenbleek fut aisément
subjugué par la luminosité
des ciels et des paysages du Sud. D’autres séjours
se succèderont, en Corse, à
Venise, à Naples. Il vouera une
fidélité indéfectible à la
Provence, à
l’Italie, à la Grèce et surtout
à l’Espagne. Huile sur toile Photo: Istra, 1971
Sa première exposition à
Strasbourg
s’est tenue en
1921, en compagnie de Pierre
Heidmann, Alfred Pauli et Robert Heitz «sous
le vocable quelque peu prétentieux
de
- Groupe des Quatre - » (1)
qui attira à lui d’autres artistes pour former, en
1930, le «Groupe de la
Barque» C’est Albert Thomas qui prit
l’initiative de ce groupe et de son nom de
baptême. La Barque a été
grée avec la volonté de se
différencier du «Groupe de
Mai» qui, à l’époque occupait
encore le devant de la scène, mais, qui du fait
de son choix par cooptation, pouvait être
considéré comme insuffisamment
représentatif de l’art alsacien contemporain. Il
s’agissait de s’éloigner de
son réalisme un peu «terre
à terre» (1),
confiné dans l’étroit cadre
régional. Les membres de l’équipage de
la «Barque»
prétendaient opposer à leurs concurrents et
néanmoins amis, le droit à
l’imagination, loin de toute position doctrinale. La
«Barque», après quelques
changements de timoniers, se composa d’une dizaine de membres
dont: Daniel
Schoen, Paul Iské, Georges-Daniel Krebs, Armand Ingenbleek,
Richard-Brunck de
Freundeck, Robert Heitz.
Invitation
à l’exposition de 1923 Agrémentée
d’un dessin d’Armand Ingenbleek Huile sur toile Photo: Istra, 1971
Le déclenchement de la Seconde Guerre
mondiale allait bouleverser le magnifique équilibre dans
lequel Armand
Ingenbleek s’était installé.
Période heureuse qui fut marquée par son mariage,
en 1932, avec Marthe Nussbicker. La «drôle de
guerre» l’obligea, avec son
administration, à se replier sur Saales. Si cet exil
bénin lui permit de
s’adonner à sa passion de la peinture et de
produire d’excellentes choses telle
cette nature morte intitulée «le
Poulet», à la manière de Soutine, il en
alla
tout autrement sous l’occupation nazie. Huile sur Toile Photo: Istra, 1971
La peinture d’Ingenbleek fut
rejetée
dans les géhennes de l’art
dégénéré:
«Entartete Kunst», par l’effet de la
doctrine nazie «imbécile
et, de surcroît sans discernement.» (2)
qui interdit l’art moderne: impressionnisme, expressionnisme,
fauvisme, etc...
en faveur d’un art officiel, «l’art
héroïque», symbolisant l’art
racial pur… «On se
demande pourquoi, s’offusque Paul
Ahnne, lui, le peintre de la joie, de la
vie, des beaux
corps féminins
éblouissants de santé et
d’allégresse amoureuse.»
C’est l’heure du repliement sur
soi-même, seul moyen d’exister face
au
conformisme idéologique. Les paysages, les vues
d’atelier, les portraits
qu’il réalise alors,
témoignent, cependant, de
sa capacité de résilience, puisant dans sa
richesse intérieure l’art de
rebondir. Huile
sur Toile Bouquet au vase bleu Gouache Huile sur toile Photo: Istra, 1971 Huile
sur toile Huile
sur toile
La paix revenue, débute, dans la
sérénité retrouvée, la
seconde période de son parcours d’artiste.
Dès
septembre-octobre 1946, il expose à la Maison
d’Art alsacienne, et le Salon
d’Automne accueille à nouveau ses
œuvres. Un autre séjour à Villefranche
inaugure
une «nouvelle tendance coloristique
et
une propension expressionniste qui laisseront des traces durables dans
la
production de l’artiste. La joie des sens exaltée
par la possession d’une
technique sûre d’elle-même,
s’exprime avec bonheur dans des évocations de
fleurs, de fruits, et dans de somptueuses baigneuses, comme ivres de la
contemplation de leur propre chair pétrie de
lumière, irradiant la jeunesse et
la voluptueuse plénitude des formes.» (2)
Il sait découvrir, laisse entendre
Robert Heitz, de très beaux modèles et les
peindre avec tant de soin, une telle
délicatesse de touche, que certains prétendaient
que sa passion pour les corps
de femmes fait qu’il se complaît à faire
durer le plaisir que lui procure la
vue d’une belle fille dans le plus simple appareil… Huile sur toile Photo: Istra, 1971 Huile
sur toile Huile
sur toile
La troisième séquence de son
itinéraire va de 1950 à 1971. Elle
débute précisément en 1950. Cette
année-là,
le Théâtre municipal de Strasbourg
présente, dans une mise en scène de Roger
Lalande une Carmen qui fera date.
Elle agit sur Ingenbleek comme un catalyseur en lui
révélant l’Espagne. Il s’y
rendit en 1951 et 1952 et bien souvent encore.
C’était avant le tourisme de
masse. Il put donc visiter tranquillement le Prado, se
délecter de Velasquez,
de Zurbaran et de Goya. Puis, ce fut Cordoue, Tolède qui lui
offrit le Gréco,
Saragosse, Grenade, Barcelone, Cadix. «Bref,
c’est le coup de foudre! Notre Alsacien a trouvé
ce qu’il appelle «le pays par
excellence des peintres». Partout il travaille, dessinant sur
le motif,
multipliant les esquisses et les études qui lui permettront,
de retour dans son
atelier strasbourgeois, de brosser des toiles et de les achever. On y
retrouve
les couleurs graves, les tons ocre de l’austère
Castille tolédane, de l’Aragon,
de l’Andalousie; mais aussi dans les marchés, les
corridas, les images de la
vie quotidienne, toute une symphonie de rouges,
d’ors, de noirs, de verts et de bleus de Prusse.»
(2) Huile sur toile Photo: Istra, 1971 Huile
sur toile
L’Espagne l’a fait sortir et lui
a
permis, plus que jamais, de s’appuyer sur le réel
et sur la vie. Elle lui a
évité de se complaire dans les scènes
d’intérieur, les portraits d’atelier.
Car, comme le démontre Marc Lenossos en 1962, deux
personnalités contradictoires
s’opposent dans «ce
peintre au métier éprouvé»:
le peintre de plein air et
le peintre d’atelier. «Coloriste
d’instinct, dessinateur savamment
habile,
Armand Ingenbleek excelle dans
l’exécution de gouaches prestement
enlevées.» Ses œuvres accusent
un bonheur de touche et une célérité
suggestive, remarquable, du tracé. On ne saurait
s’exprimer mieux ni plus
rapidement! Elles disent la joie de vivre et de peindre. «Et
cette joie est contagieuse…» Gouache
A l’atelier, Ingenbleek abandonne sa
spontanéité
si séduisante. «Travailleur
consciencieux,
méthodique» (3),
c’est au cours de ses séances
d’études, poussées
jusqu’à l’extrême limite de
l’exécution, qu’il progresse et acquiert
la virtuosité qui lui servira dans ses
œuvres de plein air. Ses portraits, travaillés
avec habileté, plaisent aux
critiques par cette économie dans les attitudes, et cet
esprit d’actualité qui
ne renie pourtant pas les leçons du passé. «Nous
retrouvons l’artiste amoureux d’une palette
éclatante, plein de dynamisme et
d’une fougue que rien ne semble devoir entamer, nous y
retrouvons aussi le goût
d’un certain cérémonial qui
s’exprime clairement dans - Le Contrebandier- » Huile
sur toile
Son engouement pour l’Espagne ne
l’empêche pas d’ouvrir les yeux sur
d’autres horizons, tant est forte sa
curiosité, sa soif de culture. Peut-être
s’est-il lassé momentanément de son «pittoresque complaisant – ou
populisme de
conviction» (3).Il visite la Grèce et
retourne en Italie pour y découvrir Ravenne, Assise,
Mantoue, Florence, Sienne,
Urbino, le petit port de
Cesenatico où
il séjourne volontiers, et étudier sur place les
grands maîtres italiens. Ces
voyages, constate Paul Ahnne, clarifient et allègent sa
palette. Huile sur toile Photo: Istra, 1971 Huile sur toile Photo: Istra, 1971
Ses amis apprécient son optimisme
à
toute épreuve, sa nature heureuse. Son rire sonore est
célèbre, «un
rire de pirate à l’abordage» (2), «Il sait
parler aux dames et a connu des
succès
féminins flatteurs»
se souvient Robert Heitz. Sa joie de peindre est évidente.
Il est vrai que ses
tableaux donnent une impression d’équilibre et de
félicité. Son art, comme il le
dit lui-même, «résonne
de l’amour
émerveillé de la vie» (2) Comment
pourrait-il en être autrement puisqu’il est
né sous le signe de la Balance,
premier signe de l’automne, cardinal de l’air,
gouverné par Vénus. A l’instar
de Robert Heitz qui lui a consacré un
«portrait-souvenir», nous constatons en
la personne d’Armand Ingenbleek que sous ce signe, sont
nés les êtres les plus
agréables à vivre. La personnalité
sociale et charmante de la Balance leur
permet de créer des relations harmonieuses. Très
accommodants, ils privilégient
un environnement serein et fuient les conflits. Optimistes,
équilibrés,
naturels, gais, heureux de vivre, ils détestent la solitude.
Ils ont besoin
d’être aimés, regardés. Ils
ont le goût du beau, du raffiné. Ce signe est
artistique!
L’étude de
l’œuvre d’Armand Ingenbleek
révèle à la fois un
tempérament et une technique.
Un tempérament qui est la
synthèse de
tout ce qui appartient à son signe zodiacal: son optimisme
que l’on retrouve
dans «ses couleurs qui chantent,
dans sa
prédilection des pays de lumière, dans sa passion
pour les corps de femmes.»(1),
son lyrisme poétique; car cet homme a une âme de
poète qui transparaît à
travers le fait «qu’afin
de faire naître
une ambiance propre à favoriser son inspiration, il aime,
quand il est devant
son chevalet, écouter de la musique, plus
particulièrement du Mozart.» (2)
Une technique qui se caractérise par
une structure toujours solide, une grande liberté de touche.
Coloriste né,
toujours épris de couleurs fraîches et claires, il
relève d’un impressionnisme
fait de taches juxtaposées «qu’il
appartient au spectateur de réunir…»
(1).
Dans ses gouaches, au coloris moins
«réfléchi», car
l’artiste n’a guère le
temps de choisir, de
détailler,
d’instinct il jette les couleurs sur le papier,
ébauche les formes. Cette
facture s’exacerbe en cernant ses touches plates
d’un trait noir à la manière
des fauves, sans pour autant leur emprunter l’outrance des
couleurs. «Sa gamme reste,
en effet, toujours soucieuse de l’atmosphère et des demi-tons.
Il est plus
près de Bonnard que de Matisse.» (1)
Par ailleurs, l’expressionnisme qui en résulte,
reste étranger à l’inspiration
essentiellement tragique de ce dernier. Marc Lenossos constate, en
1966, que
dans l’expression sereine de ses natures mortes ou de ses
paysages, il se lie à
la seule expressivité des choses et des modèles,
caractéristique de son bonheur
de peindre. Gouache
En 1969, on remarque que sa facture
est devenue plus généreuse. Les touches plus
larges, paraissent plus aptes à
créer un rythme qui reste nerveux, passionné,
mais qui semble amorcer une
évolution vers plus de
sérénité.
Il maîtrise toutes les techniques:
huile, gouache, aquarelle… «La
même
exaltation se manifeste avec une identique sûreté
de vision et d’exécution dans
les dessins, à la plume, au crayon et au lavis à
l’encre de Chine.» (3) Victime
d’un malaise à Boulouris où il passait
ses vacances, Armand Ingenbleek décède
le 22 mars 1971, au cours de son transfert dans l’ambulance
qui le ramenait à
Strasbourg. «Nous étions
à mille lieues
de penser, en recevant l’ouvrage que Robert Heitz et Paul
Ahnne lui avaient
consacré il y a quelques jours, que celui-ci prendrait si
vite une dimension posthume»
écrit Roger
Kiehl
En 1973, du 31 mars au 21 avril,
Mulhouse, sa ville natale, organise, sous l’égide
de Mr Emile Muller, maire de
la ville, une exposition rétrospective. «On
peut s’étonner, écrit Fabienne Sturm,
dans «l’Alsace», qu’il ait
fallu attendre
si longtemps de voir à Mulhouse l’œuvre
de cet artiste dont le succès a été et
est encore si grand partout en France et à
l’étranger. Armand Ingenbleek avait
pris date en 1971 chez Mr. Gangloff (galeriste) qui, en
réunissant aujourd’hui
une quarantaine de ses toiles, lui rend enfin cet hommage
nécessaire.»
Selon le vœu d’Armand
Ingenbleek, sa
veuve a fait don au Musée
des Beaux-Arts
de Mulhouse d’une trentaine d’œuvres:
huiles, gouaches, dessins, aquarelles. La
cérémonie de remise officielle, le samedi 4
octobre 1975, était présidée par M.
Fortmann, adjoint au maire. Après avoir exprimé
la gratitude de la ville et ses
remerciements, il remit la médaille de la ville de Mulhouse
à Madame Ingenbleek. Huile
sur toile Musée des Beaux-Arts de Mulhouse © Fred Hurst Huile
sur toile Musée des Beaux-Arts de Mulhouse ©
Fred Hurst Huile
sur toile Musée des Beaux-Arts de Mulhouse ©
Fred Hurst
En 1975, à la fin de
l’année, Madame
Marthe Ingenbleek a, de même, fait don au Musée de
Saverne, d’une trentaine
d’œuvres de son mari: gouaches, huiles dont
plusieurs vues de Saverne et
quelques carnets de dessins. Cette collection a donné lieu
à une exposition
inaugurée le dimanche 27 juin 1976 .Après avoir
reçu des mains du Dr. Wolff,
maire, en signe de reconnaissance, la médaille
d’honneur de sa ville, Madame
Ingenbleek a précisé que cette donation a
été voulue par son mari: «Nous
avons fait une première donation au
Musée de Mulhouse, ville dont mon mari était
originaire. La seconde est pour
Saverne. C’est une ville où nous venions tous les
étés depuis dix ans. Lorsque
mon mari mourut, il y a cinq ans, nous étions sur le point
d’y emménager
définitivement. Il avait prévu la
place pour son atelier.» Madame Ingenbleek
s’est installée à Saverne en
1973. Huile sur bois Photo:
Musée de Saverne Huile sur toile Photo:
Musée de Saverne
L’œuvre d’Armand
Ingenbleek, digne
d’être considéré parmi les
meilleurs d’Alsace, a, tout au long d’un parcours
de
cinquante ans, fait l’objet de nombreuses expositions.
A Strasbourg, dans le cadre de la grande
exposition régionale «L’Art en
Alsace» de 1922, il expose à l’Orangerie.
De 1921 à 1928, il expose au
Musée Historique
avec ses trois camarades du «Groupe des Quatre»
En 1929-30, notamment, il participe
aux expositions de l’AIDA
En 1930, il est à l’Aubette
avec le
«Groupe de la Barque» et la même
année, à la librairie de la Mésange en
compagnie d’Alfred Pauli et de Robert Heitz.
En 1935-36, il est, avec divers
artistes alsaciens, à la Galerie Aktuaryus
En 1936, il figure à
l’exposition de
peinture contemporaine de la Société des Amis des
Arts.
Il expose à la Maison d’Art
Alsacienne
en avril-mai 1933, en octobre-novembre 1937, en septembre-octobre 1946,
puis
six fois entre 1950 et 1969.
Il est au Salon d’Automne en 1926,
1929, 1935, 1947, chez Bernheim-Jeune et à la Galerie Duncan
en 1930, 1957 et
1960
Il expose à Lyon en 1946,
à Nice en
1949, à Genève en 1969, à Anvers lors
d’une exposition de peinture alsacienne
en 1938, dans plusieurs villes allemandes, à New-York en
1959, 1969 et 1971
En 1969, à New-York, il obtient le 2ème
Prix avec Médaille d’Argent à
l’exposition de peinture contemporaine.
En 1970, à Nice, ses nus lui valent le
1er Prix et deux Médailles
d’Or
En 1964, il est élevé au grade
de
Chevalier de la Légion d’Honneur. Son
attitude admirable durant l’Occupation lui vaut
l’attribution de la Médaille de
la Résistance.
Il est nommé Officier
d’Académie et
officier du Mérite Culturel et Artistique
Ce que dit de lui Paul Ahnne en 1951
peut être étendu à l’ensemble
de l’œuvre d’Armand Ingenbleek: «La splendeur de la nature
ensoleillée, la
poésie charnelle qui émane de jeunes baigneuses
enveloppées de lumière, les
fleurs et les fruits éclatants, gorgés de parfums
et de sucs, les riches
étoffes, les intérieurs calmes et
choyés, lui ont fourni ses sujets de
prédilection. Et même quand il se fait
portraitiste, pour élaborer des toiles
expressives et solidement construites, c’est avant tout une
image de tendresse ou de
fête qu’il donne à ses
modèles.» (2a) Portfolio Huile
sur toile Huile
sur toile Huile
sur toile Huile
sur toile Huile
sur toile Huile
sur toile Fusain Huile
sur toile Gouache
Bibliographie -
Robert Heitz (1)
– Portrait-souvenir
– Istra – 1971. -
Paul Ahnne (2)
– Le peintre Armand Ingenbleek.
Lyrisme
et Couleur – Istra – 1971
-
Paul Ahnne (2a)
– Le Peintre Ingenbleek – Ed. DNA, 1951
-
Marc Lenossos (3)
– Armand Ingenbleek à la
Maison d’Art
alsacienne à Strasbourg –
Revue Ringier,
1958
-
Marc Lenossos – Armand
Ingenbleek - Les expositions
Strasbourgeoises – Revue Ringier, 1962
-
Camille-Schneider (4)
– Armand Ingenbleek -
Cœurs et têtes
d’Alsace – Revue Ringier, 1946
-
Armand Ingenbleek (5)– Débat
sur la peinture moderne
– DNA,
11nov. 1950
-
Me. François Lotz – Artistes alsaciens de jadis et naguère,
1880-1982 – Ed. Printek – Kaysersberg
-
Robert Heitz – Etapes
de l’Art Alsacien XIXème et XXème
siècles- Saisons
d’Alsace N° 47,
1973
-
Hélène Braeuner – Les peintres et l’Alsace, autour de
l’impressionnisme – La
Renaissance du Livre, 2003
-
Pascal Jung – Jean-Philippe
Wey – Couleurs et
Lumières d’Alsace –
Les Petites Vagues, 2009
-
Charles Wentink – Histoire
de la Peinture européenne –
Marabout Université, 1961
- René Wetzig – Dictionnaire
des signatures des peintres,
dessinateurs, lithographes et
graveurs alsaciens. –Ed. J. Do Bentzinger, 2015
- Fabienne Sturm – Rétrospective Armand Joseph Ingenbleek – L’Alsace, 31 mars 1973 - Gabriel Andrès - Rétrospective Armand Ingenbleek - Le Nouvel Alsacien du 14 12 1971 Crédit
photographique Monsieur Jean-Michel LANOIX, sauf mention spéciale
Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur. |
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