Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr
                      

 

Armand Ingenbleek 

(1896-1971)


Armand Ingenbleek 32c.jpgAutoportrait au chapeau

   
"Une harmonie de l'âme et de l'esprit qui soit un plaisir des yeux "

 

 

          

    Dans la série d’articles des DNA «La plume est aux peintres», Armand Ingenbleek expose sa conception de l’art, en partant du postulat que notre époque se reflète dans toutes les tendances de l’art contemporain, aussi bien abstrait que figuratif, pourvu que l’artiste arrive à traduire l’émotion que le spectacle de la nature et le drame et le lyrisme de la vie ont provoqués en lui, et, à condition qu’il s’exprime selon son tempérament, tout en apportant quelque chose de nouveau! «Figurative ou abstraite, affirme-t-il, la peinture contemporaine est le chaînon de notre époque dans la chaîne des écoles de l’histoire. Méditons l’enseignement des anciens qui nous incite à former une grande famille d’artistes travaillant avec désintéressement dans le même but: rechercher par la forme et la couleur une harmonie de l’âme et de l’esprit qui soit un plaisir des yeux.»

    Exprimé en 1950, à une époque où l’amateur se trouve dérouté par les tendances variées de l’art contemporain et ses «ismes» versatiles, cet acte de foi nous laisse entrevoir un artiste animé d’une éthique remarquable, respectueux de ses pairs et qui place son art au cœur de la vie. Cet homme nous intéresse, allons à sa rencontre…

 

 

Armand Ingenbleek 33c.jpgLa Mère de l’artiste

Huile sur toile



Armand Ingenbleek 34c.jpgLa Sœur de l’artiste

Huile sur toile

 

 

Armand Ingenbleek 35c.jpgMarthe, l’épouse de l’artiste

Huile sur toile

 

Armand Ingenbleek 36c.jpgMarthe cousant

Huile sur toile

 

 

Armand Ingenbleek 37c.jpgLa famille Ingenbleek en 1901

Les enfants: Jeanine (Mimi), Armand et Alfred



Armand Ingenbleek 38c.jpgLes deux frères: Alfred et Armand (de gauche à droite)

 

 

    Armand Ingenbleek, dont le patronyme serait d’origine néerlandaise ou flamande, est né à Mulhouse, le 3 octobre 1896. Son père, Jacob, né en Allemagne, à Weeze, en 1850, était douanier, sa mère, Joséphine Schneiderlein est née à Oberentzen en 1870.

La famille habite Mulhouse jusqu’à l’achèvement des études secondaires d’Armand. C’est à l’université de Strasbourg qu’il poursuit son cursus, ses parents s’y étant installés au 17, rue Beethoven. A son terme, il s’engage dans une carrière administrative au sein de «l’Institut d’Assurances Sociales». Une carrière confortable de 40 années en tant que directeur de la Caisse Primaire d’Assurance Vieillesse de Strasbourg, s’ouvre à lui, avec, à la clé, une savante thèse de doctorat  portant sur les bases financières des Assurances Sociales. C’est là qu’il côtoie Robert Heitz qui lui a consacré un portrait-souvenir. «C’était un tout jeune homme rose et blond, portant lunettes d’écaille..»

    Très jeune, il est attiré par le dessin et la peinture. «Les pages de cette époque témoignent déjà de qualités d’observation et d’exécution qui ne se démentiront jamais tout au long de sa carrière.» (2) Mobilisé pendant la 1ère Guerre Mondiale, il fut, en tant que militaire, élève de l’Ecole des Arts Décoratifs de Brunswick, de 1915 à 1918. Durant ces années de travail intense, son professeur, Mr. Herse, l’initie à toutes les subtilités de l’aquarelle. C’est à l’apprentissage de l’aquarelle qu’Ingenbleek doit, probablement ce «coloris clair et frais auquel il fut presque toujours fidèle et qui est un des charmes de sa peinture.» (2a)

 

 

Armand Ingenbleek 39c.jpgL’Eglise de Niederentzen, 1913

Huile sur toile

 

 

Armand Ingenbleek 40c.jpgScène de guerre, 1914

Crayon sur carnet

 

 

    A partir de1919, il fréquente, en compagnie de Robert Heitz, l’atelier de Marguerite Forrer-Jaggi, - ex Ecole Gross - situé avenue de la Marseillaise, puis, transféré rue du Maréchal Joffre. «Plusieurs soirées par semaine, nous dessinions d’après nature…et, ce n’est pas sans émotion que les quelques survivants évoquent parfois ces soirées où l’ardeur des recherches, l’enthousiasme communicatif, les généreuses illusions, les discussions souvent vives pour ou contre l’art qu’on considérait comme «moderne», nous aura profondément marqués», se souvient Robert Heitz

    Marguerite Forrer-Jaggi, d’origine lettonne, après une formation à Moscou, puis à l’Académie de Munich et, à Paris, à l’Académie Ranson, fréquenta les ateliers des nabis: Sérusier et Maurice Denis. Elle confia l’élève Ingenbleek à Emile Schneider qui maîtrisait toutes les techniques, ses sujets de prédilection étant, outre le portrait, les scènes de genre, les fêtes, puis les paysages. Son style se rattachait à l’impressionnisme. Robert Heitz était persuadé que, comme lui, Armand Ingenbleek, a apprécié ce travail sérieux d’après nature qui s’est poursuivi durant des années et qui les a mis à l’abri des «théories et des doctrines éphémères» (1) et les a aidés à rester sincères envers eux-mêmes.

    Cependant, ils furent inévitablement interpellés par l’émergence de l’art abstrait, à partir de Wassily Kandinsky et de son «Blaue Reiter», qui s’engageaient résolument sur le chemin de l’autonomie complète de la forme et de la couleur. Peut-être ont-ils lu «Du spirituel dans l’art»? Par ailleurs, la proximité culturelle aidant, ils se préoccupèrent également de l’épanouissement de l’Expressionnisme allemand qui allait faire éclater formes et couleurs au nom du sentiment et dépassait en véhémence tout ce qu’on avait connu jusque-là…

    Bien que très vite indépendants l’un de l’autre, chacun s’orientant vers ses préférences, ils reprennent, un temps, le travail en commun à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg, dans l’atelier d’Alfred Pauli.

 

Armand Ingenbleek 41c.jpgAutoportrait, 1922

Huile sur toile (110x75 cm)

Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg

 

 

    Paul Ahnne distingue trois périodes dans la carrière artistique d’Armand Ingenbleek qui se déroule sur une cinquantaine d’années. La première qui va de 1920 à 1940, se justifie par plusieurs séjours prolongés à Paris entre 1920 et 1925, car c’est principalement la découverte des maîtres de la peinture française qui l’influencera. Parmi ceux-ci, Paul Ahnne compte Cézanne, dont les touches en facettes construisent le sujet de l’intérieur, Bonnard, «dont les œuvres racontent la vie simple et heureuse de tous les jours» (5) Matisse, Vlamink, Van Dongen et, très tangentiellement, Ensor et Kokoschka…Par ailleurs, Robert Heitz a remarqué une certaine affinité entre l’Alsacien Georges-Daniel Krebs et Armand Ingenbleek, du moins dans les moyens d’expression. Mais, très vite, celui-ci affirme sa personnalité: «il sait profiter de l’expérience des autres, (mais il) a la sagesse de ne pas contrarier sa propre nature.» (2)

 

 

Armand Ingenbleek 42c.jpgVieux toits à Villefranche

Huile sur toile

Photo: Istra, 1971

 

Armand Ingenbleek 43c.jpgLe port de Villefranche

Huile sur toile

 

 

    Il applique les techniques apprises à Brunswick: l’aquarelle et, surtout, la gouache, domaine dans lequel il accèdera à l’excellence. Ainsi, en 1927, à Villefranche-sur-Mer et à Nice, il peignit des toiles traitées au couteau et des gouaches aux tons acidulés qui marquent ses véritables débuts de peintre et restent parmi ses œuvres les plus séduisantes, affirme son ami Heitz. Les tons qu’il aimait: vert Véronèse, roses «bonbon fondant» (3), cadmium citron, bleu cobalt, il les cernait, d’abord d’un trait sombre, analogue aux plombs d’un vitrail. Puis, sa sensibilité s’affina, constate Marc Lenossos: «ses touches se firent de plus en plus franches, frappées dans un ton juste, mais sans aucune brutalité. Le trait perdit de son importance. La lumière de la Côte d’Azur lui révéla les secrets de l’atmosphère.»

 

 

Armand Ingenbleek 44c.jpgSaint-Tropez, 1960

Huile sur toile

 

 

    Pour définir son style, les critiques parlent, alors, d’impressionnisme, voire d’impressionnisme «constructif» (3).Cependant, il est, avant tout, «un coloriste audacieux» (4), mais un coloriste réfractaire à la violence, les tons étant posés avec une grande liberté de touche.

    Il retournera souvent à Villefranche, la plus belle rade de la Méditerranée, sa vieille ville aux rues étroites, voûtées qui descendent en escalier vers un charmant port de pêche, un site enchanteur qui a séduit bien d’autres artistes tel Frédéric Fiebig et, bien sûr, Jean Cocteau. Sorti des brumes de la vallée du Rhin, tressée de légendes  et de romantisme, comme dit en substance Paul Ahnne, Armand Ingenbleek fut aisément subjugué par la luminosité des ciels et des paysages du Sud. D’autres séjours se succèderont, en Corse, à Venise, à Naples. Il vouera une fidélité indéfectible à la Provence, à l’Italie, à la Grèce et surtout à l’Espagne.

 

 

Armand Ingenbleek 45c.jpgCanal Grande à Venise

Huile sur toile

Photo: Istra, 1971

 

 

    Sa première exposition à Strasbourg s’est tenue  en 1921, en compagnie de Pierre Heidmann, Alfred Pauli et Robert Heitz «sous le vocable quelque peu prétentieux de - Groupe des Quatre - » (1) qui attira à lui d’autres artistes pour former, en 1930, le «Groupe de la Barque» C’est Albert Thomas qui prit l’initiative de ce groupe et de son nom de baptême. La Barque a été grée avec la volonté de se différencier du «Groupe de Mai» qui, à l’époque occupait encore le devant de la scène, mais, qui du fait de son choix par cooptation, pouvait être considéré comme insuffisamment représentatif de l’art alsacien contemporain. Il s’agissait de s’éloigner de son réalisme un peu «terre à terre» (1), confiné dans l’étroit cadre régional. Les membres de l’équipage de la «Barque» prétendaient opposer à leurs concurrents et néanmoins amis, le droit à l’imagination, loin de toute position doctrinale. La «Barque», après quelques changements de timoniers, se composa d’une dizaine de membres dont: Daniel Schoen, Paul Iské, Georges-Daniel Krebs, Armand Ingenbleek, Richard-Brunck de Freundeck, Robert Heitz.

 

Armand Ingenbleek 46c.jpgInvitation à l’exposition de 1922

 

 

Armand Ingenbleek 47c.jpg

Armand Ingenbleek 48c.jpg

Invitation à l’exposition de 1923

Agrémentée d’un dessin d’Armand Ingenbleek

 

Armand Ingenbleek 49c.jpgInvitation à l’exposition du Groupe de la Barque en 1930

 

 

Armand Ingenbleek 50c.jpgBouquet, roses avec  fruits

Huile sur toile

Photo: Istra, 1971

 

 

    Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale allait bouleverser le magnifique équilibre dans lequel Armand Ingenbleek s’était installé. Période heureuse qui fut marquée par son mariage, en 1932, avec Marthe Nussbicker. La «drôle de guerre» l’obligea, avec son administration, à se replier sur Saales. Si cet exil bénin lui permit de s’adonner à sa passion de la peinture et de produire d’excellentes choses telle cette nature morte intitulée «le Poulet», à la manière de Soutine, il en alla tout autrement sous l’occupation nazie.

 

 

Armand Ingenbleek 51c.jpgLe Poulet

Huile sur Toile

Photo: Istra, 1971

 

 

    La peinture d’Ingenbleek fut rejetée dans les géhennes de l’art  dégénéré: «Entartete Kunst», par l’effet de la doctrine nazie  «imbécile et, de surcroît sans discernement.» (2) qui interdit l’art moderne: impressionnisme, expressionnisme, fauvisme, etc... en faveur d’un art officiel, «l’art héroïque», symbolisant l’art racial pur… «On se demande pourquoi, s’offusque Paul Ahnne, lui, le peintre de la joie, de la vie,  des beaux corps féminins éblouissants de santé et d’allégresse amoureuse.»

    C’est l’heure du repliement sur soi-même, seul moyen d’exister face  au conformisme idéologique. Les paysages, les vues d’atelier, les portraits  qu’il réalise alors, témoignent, cependant, de sa capacité de résilience, puisant dans sa richesse intérieure l’art de rebondir.

 

Armand Ingenbleek 52c.jpgPortrait d’une jeune fille

Huile sur Toile



Armand Ingenbleek 53c.jpgBouquet au vase bleu

Gouache

 

 

Armand Ingenbleek 54c.jpgBuste devant la glace, 1954

Huile sur toile

Photo: Istra, 1971

 

Armand Ingenbleek 55c.jpgNature morte au buste

Huile sur toile

 

 

Armand Ingenbleek 56c.jpgMoisson à Urmatt

Huile sur toile

 

 

    La paix revenue, débute, dans la sérénité retrouvée, la seconde période de son parcours d’artiste. Dès septembre-octobre 1946, il expose à la Maison d’Art alsacienne, et le Salon d’Automne accueille à nouveau ses œuvres. Un autre séjour à Villefranche inaugure une «nouvelle tendance coloristique et une propension expressionniste qui laisseront des traces durables dans la production de l’artiste. La joie des sens exaltée par la possession d’une technique sûre d’elle-même, s’exprime avec bonheur dans des évocations de fleurs, de fruits, et dans de somptueuses baigneuses, comme ivres de la contemplation de leur propre chair pétrie de lumière, irradiant la jeunesse et la voluptueuse plénitude des formes.» (2)

    Il sait découvrir, laisse entendre Robert Heitz, de très beaux modèles et les peindre avec tant de soin, une telle délicatesse de touche, que certains prétendaient que sa passion pour les corps de femmes fait qu’il se complaît à faire durer le plaisir que lui procure la vue d’une belle fille dans le plus simple appareil…

 

 

Armand Ingenbleek 57c.jpgJeune fille nue, 1968

Huile sur toile

Photo: Istra, 1971

 

 

Armand Ingenbleek 58c.jpgJeune femme au sein nu

Huile sur toile

 

 

Armand Ingenbleek 59c.jpgNu au foulard rouge

Huile sur toile

 

 

    La troisième séquence de son itinéraire va de 1950 à 1971. Elle débute précisément en 1950. Cette année-là, le Théâtre municipal de Strasbourg présente, dans une mise en scène de Roger Lalande une Carmen qui fera date. Elle agit sur Ingenbleek comme un catalyseur en lui révélant l’Espagne. Il s’y rendit en 1951 et 1952 et bien souvent encore. C’était avant le tourisme de masse. Il put donc visiter tranquillement le Prado, se délecter de Velasquez, de Zurbaran et de Goya. Puis, ce fut Cordoue, Tolède qui lui offrit le Gréco, Saragosse, Grenade, Barcelone, Cadix.

    «Bref, c’est le coup de foudre! Notre Alsacien a trouvé ce qu’il appelle «le pays par excellence des peintres». Partout il travaille, dessinant sur le motif, multipliant les esquisses et les études qui lui permettront, de retour dans son atelier strasbourgeois, de brosser des toiles et de les achever. On y retrouve les couleurs graves, les tons ocre de l’austère Castille tolédane, de l’Aragon, de l’Andalousie; mais aussi dans les marchés, les corridas, les images de la vie quotidienne, toute une symphonie de rouges, d’ors, de noirs, de verts et de bleus de Prusse.» (2)

 

Armand Ingenbleek 60c.jpgMarché aux melons à Tolède

Huile sur toile

Photo: Istra, 1971

 

 

Armand Ingenbleek 61c.jpgVue sur le Tage à Tolède

Huile sur toile

 

 

    L’Espagne l’a fait sortir et lui a permis, plus que jamais, de s’appuyer sur le réel et sur la vie. Elle lui a évité de se complaire dans les scènes d’intérieur, les portraits d’atelier. Car, comme le démontre Marc Lenossos en 1962, deux personnalités contradictoires s’opposent dans «ce peintre au métier éprouvé»: le peintre de plein air et le peintre d’atelier. «Coloriste d’instinct, dessinateur savamment habile, Armand Ingenbleek excelle dans l’exécution de gouaches prestement enlevées.» Ses œuvres accusent un bonheur de touche et une célérité suggestive, remarquable, du tracé. On ne saurait s’exprimer mieux ni plus rapidement! Elles disent la joie de vivre et de peindre. «Et cette joie est contagieuse…»

 

Armand Ingenbleek 62c.jpgQuai à Villefranche

Gouache

 

    A l’atelier, Ingenbleek abandonne sa spontanéité  si séduisante. «Travailleur consciencieux, méthodique» (3), c’est au cours de ses séances d’études, poussées jusqu’à l’extrême limite de l’exécution, qu’il progresse et acquiert la virtuosité qui lui servira dans ses œuvres de plein air. Ses portraits, travaillés avec habileté, plaisent aux critiques par cette économie dans les attitudes, et cet esprit d’actualité qui ne renie pourtant pas les leçons du passé. «Nous retrouvons l’artiste amoureux d’une palette éclatante, plein de dynamisme et d’une fougue que rien ne semble devoir entamer, nous y retrouvons aussi le goût d’un certain cérémonial qui s’exprime clairement dans - Le Contrebandier- »

 

Armand Ingenbleek 63c.jpgLe Contrebandier, 1964

Huile sur toile

 

    Son engouement pour l’Espagne ne l’empêche pas d’ouvrir les yeux sur d’autres horizons, tant est forte sa curiosité, sa soif de culture. Peut-être s’est-il lassé momentanément de son «pittoresque complaisant – ou populisme de conviction» (3).Il visite la Grèce et retourne en Italie pour y découvrir Ravenne, Assise, Mantoue, Florence, Sienne, Urbino, le petit port  de Cesenatico où il séjourne volontiers, et étudier sur place les grands maîtres italiens. Ces voyages, constate Paul Ahnne, clarifient et allègent sa palette.

 

Armand Ingenbleek 64c.jpgAvant la Corrida, 1954

Huile sur toile

Photo: Istra, 1971

 

 

Armand Ingenbleek 65c.jpgProcession espagnole, 1969

Huile sur toile

Photo: Istra, 1971

 

 

    Ses amis apprécient son optimisme à toute épreuve, sa nature heureuse. Son rire sonore est célèbre, «un rire de pirate à l’abordage» (2), «Il sait parler aux dames et a connu des succès féminins flatteurs» se souvient Robert Heitz. Sa joie de peindre est évidente. Il est vrai que ses tableaux donnent une impression d’équilibre et de félicité. Son art, comme il le dit lui-même, «résonne de l’amour émerveillé de la vie» (2)

Comment pourrait-il en être autrement puisqu’il est né sous le signe de la Balance, premier signe de l’automne, cardinal de l’air, gouverné par Vénus. A l’instar de Robert Heitz qui lui a consacré un «portrait-souvenir», nous constatons en la personne d’Armand Ingenbleek que sous ce signe, sont nés les êtres les plus agréables à vivre. La personnalité sociale et charmante de la Balance leur permet de créer des relations harmonieuses. Très accommodants, ils privilégient un environnement serein et fuient les conflits. Optimistes, équilibrés, naturels, gais, heureux de vivre, ils détestent la solitude. Ils ont besoin d’être aimés, regardés. Ils ont le goût du beau, du raffiné. Ce signe est artistique!

    L’étude de l’œuvre d’Armand Ingenbleek révèle à la fois un tempérament et une technique.

    Un tempérament qui est la synthèse de tout ce qui appartient à son signe zodiacal: son optimisme que l’on retrouve dans «ses couleurs qui chantent, dans sa prédilection des pays de lumière, dans sa passion pour les corps de femmes.»(1), son lyrisme poétique; car cet homme a une âme de poète qui transparaît à travers le fait «qu’afin de faire naître une ambiance propre à favoriser son inspiration, il aime, quand il est devant son chevalet, écouter de la musique, plus particulièrement du Mozart.» (2)

    Une technique qui se caractérise par une structure toujours solide, une grande liberté de touche. Coloriste né, toujours épris de couleurs fraîches et claires, il relève d’un impressionnisme fait de taches juxtaposées «qu’il appartient au spectateur de réunir…» (1). Dans ses gouaches, au coloris moins «réfléchi», car l’artiste n’a guère le temps de choisir,  de détailler, d’instinct il jette les couleurs sur le papier, ébauche les formes. Cette facture s’exacerbe en cernant ses touches plates d’un trait noir à la manière des fauves, sans pour autant leur emprunter l’outrance des couleurs. «Sa gamme reste, en effet, toujours soucieuse de l’atmosphère et des demi-tons. Il est plus près de Bonnard que de Matisse.» (1) Par ailleurs, l’expressionnisme qui en résulte, reste étranger à l’inspiration essentiellement tragique de ce dernier. Marc Lenossos constate, en 1966, que dans l’expression sereine de ses natures mortes ou de ses paysages, il se lie à la seule expressivité des choses et des modèles, caractéristique de son bonheur de peindre.

 

Armand Ingenbleek 66c.jpgScène de rue

Gouache

 

 

    En 1969, on remarque que sa facture est devenue plus généreuse. Les touches plus larges, paraissent plus aptes à créer un rythme qui reste nerveux, passionné, mais qui semble amorcer une évolution vers plus de sérénité.

    Il maîtrise toutes les techniques: huile, gouache, aquarelle… «La même exaltation se manifeste avec une identique sûreté de vision et d’exécution dans les dessins, à la plume, au crayon et au lavis à l’encre de Chine.» (3)

 

Victime d’un malaise à Boulouris où il passait ses vacances, Armand Ingenbleek décède le 22 mars 1971, au cours de son transfert dans l’ambulance qui le ramenait à Strasbourg. «Nous étions à mille lieues de penser, en recevant l’ouvrage que Robert Heitz et Paul Ahnne lui avaient consacré il y a quelques jours, que celui-ci prendrait si vite une dimension posthume» écrit Roger Kiehl

    En 1973, du 31 mars au 21 avril, Mulhouse, sa ville natale, organise, sous l’égide de Mr Emile Muller, maire de la ville, une exposition rétrospective. «On peut s’étonner, écrit Fabienne Sturm, dans «l’Alsace», qu’il ait fallu attendre si longtemps de voir à Mulhouse l’œuvre de cet artiste dont le succès a été et est encore si grand partout en France et à l’étranger. Armand Ingenbleek avait pris date en 1971 chez Mr. Gangloff (galeriste) qui, en réunissant aujourd’hui une quarantaine de ses toiles, lui rend enfin cet hommage nécessaire.»

    Selon le vœu d’Armand Ingenbleek, sa veuve a fait don au Musée des Beaux-Arts de Mulhouse d’une trentaine d’œuvres: huiles, gouaches, dessins, aquarelles. La cérémonie de remise officielle, le samedi 4 octobre 1975, était présidée par M. Fortmann, adjoint au maire. Après avoir exprimé la gratitude de la ville et ses remerciements, il remit la médaille de la ville de Mulhouse à Madame Ingenbleek.

 

 

Armand Ingenbleek 67c.jpgAutoportrait à 24 ans, 1920

Huile sur toile

Musée des Beaux-Arts de Mulhouse 

© Fred Hurst

 

 

Armand Ingenbleek 68c.jpgPrintemps à Ottrot, 1957

Huile sur toile

Musée des Beaux-Arts de Mulhouse

© Fred Hurst

 


Armand Ingenbleek 69c.jpgNu à l’Atelier, 1957

Huile sur toile

Musée des Beaux-Arts de Mulhouse

© Fred Hurst

 

 

    En 1975, à la fin de l’année, Madame Marthe Ingenbleek a, de même, fait don au Musée de Saverne, d’une trentaine d’œuvres de son mari: gouaches, huiles dont plusieurs vues de Saverne et quelques carnets de dessins. Cette collection a donné lieu à une exposition inaugurée le dimanche 27 juin 1976 .Après avoir reçu des mains du Dr. Wolff, maire, en signe de reconnaissance, la médaille d’honneur de sa ville, Madame Ingenbleek a précisé que cette donation a été voulue par son mari: «Nous avons fait une première donation au Musée de Mulhouse, ville dont mon mari était originaire. La seconde est pour Saverne. C’est une ville où nous venions tous les étés depuis dix ans. Lorsque mon mari mourut, il y a cinq ans, nous étions sur le point d’y emménager définitivement. Il avait prévu la place pour son atelier.» Madame Ingenbleek s’est installée à Saverne en 1973.

 

 

Armand Ingenbleek 70c.jpgSapins à Saales, hiver

Huile sur bois

Photo: Musée de Saverne

 

 

Armand Ingenbleek 71c.jpgJardin à Mulhouse, 1971

Huile sur toile

Photo: Musée de Saverne

 

 

    L’œuvre d’Armand Ingenbleek, digne d’être considéré parmi les meilleurs d’Alsace, a, tout au long d’un parcours de cinquante ans, fait l’objet de nombreuses expositions.

          A Strasbourg, dans le cadre de la grande exposition régionale «L’Art en Alsace» de 1922, il expose à l’Orangerie.

          De 1921 à 1928, il expose au Musée Historique avec ses trois camarades du «Groupe des Quatre»

          En 1929-30, notamment, il participe aux expositions de l’AIDA

          En 1930, il est à l’Aubette avec le «Groupe de la Barque» et la même année, à la librairie de la Mésange en compagnie d’Alfred Pauli et de Robert Heitz.

          En 1935-36, il est, avec divers artistes alsaciens, à la Galerie Aktuaryus

          En 1936, il figure à l’exposition de peinture contemporaine de la Société des Amis des Arts.

          Il expose à la Maison d’Art Alsacienne en avril-mai 1933, en octobre-novembre 1937, en septembre-octobre 1946, puis six fois entre 1950 et 1969.

          Il est au Salon d’Automne en 1926, 1929, 1935, 1947, chez Bernheim-Jeune et à la Galerie Duncan en 1930, 1957 et 1960

       Il expose à Lyon en 1946, à Nice en 1949, à Genève en 1969, à Anvers lors d’une exposition de peinture alsacienne en 1938, dans plusieurs villes allemandes, à New-York en 1959, 1969 et 1971

          En 1969, à New-York, il obtient le 2ème Prix avec Médaille d’Argent à l’exposition de peinture contemporaine.

          En 1970, à Nice, ses nus lui valent le 1er Prix et deux Médailles d’Or

          En 1964, il est élevé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur.

Son attitude admirable durant l’Occupation lui vaut l’attribution de la Médaille de la Résistance.

          Il est nommé Officier d’Académie et officier du Mérite Culturel et Artistique

 

    Ce que dit de lui Paul Ahnne en 1951 peut être étendu à l’ensemble de l’œuvre d’Armand Ingenbleek: «La splendeur de la nature ensoleillée, la poésie charnelle qui émane de jeunes baigneuses enveloppées de lumière, les fleurs et les fruits éclatants, gorgés de parfums et de sucs, les riches étoffes, les intérieurs calmes et choyés, lui ont fourni ses sujets de prédilection. Et même quand il se fait portraitiste, pour élaborer des toiles expressives et solidement construites, c’est avant tout une image de tendresse ou de fête qu’il donne à ses modèles.» (2a)

 

 

 

 

Portfolio

 

 

Armand Ingenbleek 72c.jpgVillefranche

Huile sur toile

 

Armand Ingenbleek 73c.jpgVillefranche, rue en escalier

Huile sur toile

 

Armand Ingenbleek 74c.jpgBouquet sur tapis

Huile sur toile

 

 

Armand Ingenbleek 75c.jpgNature morte à la cruche

Huile sur toile

 


Armand Ingenbleek 76c.jpgNature morte aux pommes

Huile sur toile

 

 

Armand Ingenbleek 77c.jpgHomme nu

Huile sur toile

 

 

 

Armand Ingenbleek 78c.jpgPortrait de Mimi, la sœur de l’artiste

Fusain

 

 

Armand Ingenbleek 79c.jpgIntimité avec Coquette

Huile sur toile

 

 

Armand Ingenbleek 80c.jpgPortrait, le petit garçon à la pomme

Gouache

 



Bibliographie
   

-       Robert Heitz (1) – Portrait-souvenir – Istra – 1971.

-       Paul Ahnne (2) – Le peintre Armand Ingenbleek. Lyrisme et Couleur – Istra – 1971        

-       Paul Ahnne (2a) – Le Peintre Ingenbleek – Ed. DNA, 1951        

-       Marc Lenossos (3) – Armand Ingenbleek à la Maison d’Art alsacienne à Strasbourg  Revue Ringier, 1958        

-       Marc Lenossos – Armand Ingenbleek - Les expositions Strasbourgeoises – Revue Ringier, 1962        

-       Camille-Schneider (4) – Armand Ingenbleek - Cœurs et têtes d’Alsace – Revue Ringier, 1946        

-       Armand Ingenbleek (5)– Débat sur la peinture moderne – DNA, 11nov. 1950        

-       Me. François Lotz – Artistes alsaciens de jadis et naguère, 1880-1982 – Ed. Printek – Kaysersberg        

-       Robert Heitz – Etapes de l’Art Alsacien XIXème et XXème siècles-  Saisons d’Alsace N° 47, 1973        

-       Hélène Braeuner – Les peintres et l’Alsace, autour de l’impressionnisme – La Renaissance du Livre, 2003        

-       Pascal Jung – Jean-Philippe Wey – Couleurs et Lumières d’Alsace – Les Petites Vagues, 2009        

-       Charles Wentink – Histoire de la Peinture européenne – Marabout Université, 1961        

-     René Wetzig – Dictionnaire des signatures des peintres, dessinateurs, lithographes et graveurs alsaciens. –Ed. J. Do Bentzinger, 2015        

-       Fabienne Sturm – Rétrospective Armand Joseph Ingenbleek – L’Alsace, 31 mars 1973 

-    Roger Kiehl  - Maison d’Art Alsacienne - A. Ingenbleek, 1954,1966, 1969. DNA

-    Gabriel Andrès - Rétrospective Armand Ingenbleek - Le Nouvel Alsacien du 14 12 1971

 

 

Crédit photographique

 

Monsieur Jean-Michel LANOIX, sauf mention spéciale





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