Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr
                      

 

L'âme de l'Alsace révélée par nos artistes-peintres  

  

 
Ame Alsace 01c.jpgTomi Ungerer

© Mon Alsace – Editions La Nuée bleue, 1997

 

 

          L’Alsace a-t-elle « une âme qui s’attache à notre âme par la force d’aimer ? » Oui, assurément ! Encore faut-il que la nôtre la reconnaisse, la comprenne, l’affectionne…Car elle vit en nous. C’est nous qui la portons. Or, combien sommes-nous encore?

          Les Vosges, l’Ill et le Rhin qui accompagnent l’Alsace du Sud au Nord, lui donnent un sens, une identité géographique remarquable, ordonnée, évidente, corroborée par la « poussée immobile qu’exerce le pays vers la frontière de l’Est » (6) : ballons tonsurés bordés de hautes futaies, collines couvertes de vignobles, « plaine comblée de tous les dons de la terre ».

          Le grès, « pierre d’Alsace par excellence » (1), présente de Lucelle à Wissembourg, en passant par Murbach, Colmar, Strasbourg, confère à la petite province un autre facteur d’unité, non seulement géographique, mais également culturel. « Rose ou rouge, jaune ou ocre, il raconte une histoire qui est celle du pays d’ici. Il nourrit la vigne, il sculpte les légendes. » (1)

          Ce corps, si harmonieusement bâti, possède bien une âme, mais ce n’est pas là son seul talent, son unique vertu, la seule justification de ce noble attribut.

          L’âme alsacienne, ce Heimatsgefühl, mot qui désigne avant tout le sentiment d’attachement au pays natal, a une signification réelle bien plus étendue. Le mot allemand «Heimat» contient l’évocation tout ensemble du foyer, de la maison natale, du terroir et de l’intimité familiale. Le Heimatsgefühl n’est pourtant pas uniquement le sentiment instinctif qui rattache l’Alsacien aux signes extérieurs qui évoquent le pays natal, mais il exprime pour lui également tout le complexe des acquisitions morales, spirituelles, culturelles et matérielles accumulées à travers les âges

          Les aléas de son Histoire ont condamné l’Alsace à rester fidèle à elle-même. Laissée exsangue après la guerre de 30 ans (1618-1648), longtemps inscrite de façon vivante dans les mémoires paysannes, notamment sous la figure des Suédois et autres bandes de lansquenets. Puis, ayant changé 5 fois de nationalité en un siècle et demi, elle a su tirer d’évidents bénéfices d’une situation complexe et, ô combien douloureuse, notamment entre 1939 et 1945, avec le drame de l’incorporation de force.

La position géographique de l’Alsace, son destin national et l’identité incertaine de ses habitants ont eu pour effet de susciter en eux un impérieux besoin de retrouver leurs racines et de valoriser la culture et l’histoire locales. De nombreuses sociétés d’histoire locale fleurirent partout en Alsace après 1870. De ce fait, « l’Alsace semble bien être la seule région de France à bénéficier d’une dénomination spécifique pour les ouvrages littéraires ou scientifiques qui la concernent : l’alsatique. Cette originalité a contribué à enraciner le sentiment commun selon lequel il y aurait en Alsace une production et une consommation d’histoire régionale supérieure à celle des autres régions du pays. Au milieu du XIXème siècle déjà, les Alsaciens instruits et les bibliophiles s’efforçaient de réunir la collection la plus complète possible d’alsatiques. » (2)

 

Léo Schnug

(1878-1933)

 

 

Ame Alsace 02c.jpgLansquenets sur la route, 1907

Aquarelle sur papier (67x36,5 cm), Musées de Strasbourg

Collection: Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg

 

          

            Par son penchant pour le passé germanique et sa nostalgie du Moyen-Age, Léo Schnug est le continuateur des romantiques littéraires allemands. « Guillaume II raffolait de sa manière néogothique et appréciait sa vision de l’Alsace revue par les soldats en armures et les lansquenets, au gré des légendes germaniques de toujours. » (1)

          Ce tableau est un dévoilement. Dévoilement de la condition de lansquenet (Landsknecht), telle qu’elle s’impose réellement, en dehors des faits d’armes, en dehors des brèves exaltations épiques. Tout concourt à un sentiment de renoncement à cette vie d’aventures faite de pillages et d’exactions qui était probablement la leur. Ils n’ont en commun que le chemin boueux qu’ils suivent, mais, chacun pour soi, perdus dans leurs sombres méditations.



 

Louis-Philippe Kamm

(1882-1959)

 

 

Ame Alsace 03c.jpgExode, septembre 1940, Ober-Seebach)

Plume, aquarelle


          Louis-Philippe Kamm, peintre réaliste, observateur sensible, régionaliste convaincu, sentait profondément la vie paysanne. Il a saisi la chance de voir vivre l’âme alsacienne qui se manifestait non seulement par ses coutumes, ses pratiques religieuses et le port du costume traditionnel, mais aussi dans les épreuves qu’elle eut à traverser

          En septembre 1939 on évacue vers le Sud-ouest environ 300 000 Alsaciens habitant le long de la frontière. Pour certains l’absence durera six mois, pour d’autres elle durera plus de cinq ans…

          C’est le sort que connut Camille Claus. Evacué avec sa famille, il part en exil vers la Vendée. En chemin, son père décide de s’installer pour quelque temps dans un village vosgien du col du Bonhomme. Ces mois passés sur les sentiers de montagne, à s’émerveiller devant les beautés de la nature, suggèrent au jeune réfugié d’acheter une boîte d’aquarelles et un bloc à dessin. « Et je n’ai plus jamais pu m’en passer. » Sans doute a-t-il ressenti le besoin impérieux de fixer, d’immortaliser les ultimes images de sa petite patrie dont il était chassé et qu’il ne reverrait peut-être plus.

 

 

Alfred Doll

(1911-1981)

 

Ame Alsace 04c.jpgWihr-au-Val, Juin 1940

Aquarelle

 

          Alfred Doll a consacré sa vie professionnelle à l‘administration. Il a été notamment employé au ministère de la Construction après 1945. En tant que tel, il fut le témoin attentif et bouleversé des villages martyrs de la Seconde Guerre Mondiale. Pour mémoire, le 18 juin 1940, un bombardement aérien allemand de représailles détruisit 107 maisons, 70 granges, ainsi que le clocher de l’église et la mairie de Wihr-au-Val dont les archives partirent en fumée…

 

 

Robert Heitz

 

 

Ame Alsace 05c.jpgAutoportrait, 1943

Encre aquarellée

 

          En 1940, sous l’impulsion de Joseph Rey, futur député et maire de Colmar, Robert Heitz se lança dans la Résistance. Il travailla avec le « colonel Rémy ». Cela fonctionnait bien jusqu’en 1942 quand, coup sur coup, Joseph Rey, Robert Heitz et les autres membres du groupe, dénoncés, passèrent devant le tribunal de guerre du Reich, après un douloureux stage au camp de Schirmeck.

          Quand Robert Heitz évoque cet épisode de sa vie politique, il tient à préciser que « Par un phénomène curieux, partiellement inavoué, et qui peut se comparer à l’état d’esprit de l’Alsace en 1914, nous nous repliions sur des réalités alsaciennes. C’est pour elles que nous nous battions, plutôt que pour la France que nous ne pouvions nous empêcher de mépriser ». Et, plus loin : « C’est en souvenir du caractère avant tout alsacien de notre résistance que j’ai usé jusqu’à l’extrême limite, de mon crédit de déporté, pour freiner l’épuration – parfois contre mon sentiment intime. » Après 34 mois de déportation, il est rentré à Strasbourg le 23 avril 1945.

          Après la Libération, il fallut 8 ans de « méandres courtelinesques » pour que le cas de Robert Heitz, dans le cadre de la « liquidation de la résistance » si curieusement nommé, c’est-à-dire la reconnaissance de ses activités de résistance soient définitivement établis par une invraisemblable attestation certifiant « la relation de cause à effet » entre sa condamnation à mort et son activité de résistance. 

 

 

 

 

Camille Hirtz

(1917-1987)

 

Ame Alsace 06c.jpgTambov

Huile sur toile

Collection Musée historique de Strasbourg

 

          Alors que, démobilisé en 1940, il réintègre l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg, et entame un épisode prometteur sous la conduite de L.-P. Kamm, il est, en 1943, incorporé de force dans la Wehrmacht. Comme la plupart des Alsaciens, il est envoyé sur le front russe, la pire des affectations. En 1944, il s’évade et se rend aux Russes qui, ne comprenant pas la différence entre un « Malgré-Nous alsacien » et un Allemand, l’internent successivement dans le camp de Karaganda, au Kazakhstan, puis dans le tristement célèbre camp de Tambov, jusqu’en novembre 1945, d’où il revient en piteux état.


 

Camille Claus

 

 

Ame Alsace 07c.jpgGravure in « Solstices », 1947

 

          Lui aussi est intégré dans le camp de Tambov où il arrive en juin 1945. Dès le 1er jour, il est convoqué par le chef de camp qui, sachant qu’il est artiste-peintre, le dirige vers la baraque des « intellectuels ». Il profitera indéniablement de cette discrimination. Il accepte de dessiner, du matin au soir, des portraits de Staline, de Tito et d’autres « bonzes de l’église marxiste ». S’étant laissé prendre au jeu, il rate le convoi qui devait le libérer. « J’étais persuadé que mon existence ne dépendait ni des Russes, ni d’un retour plus ou moins proche, ni de quelque autre facteur que l’exercice de la peinture ».

          Rentré, enfin, le 3 décembre 1945, il lui a fallu de longs mois pour se réadapter à ce monde civilisé. « Je me mis tout de suite à peindre des tableaux dramatiques, violemment contrastés, expressionnistes. C’est dans ces toiles que j’exprime tout ce que j’avais vécu et que je vivais encore ». Simone Morgenthaler, son amie, témoigne : « Vous n’avez, à votre libération plus pu parler tant le traumatisme était profond. Vous vous êtes enfermé et vous avez peint : j’ai vu les tableaux nés alors, terrifiants qui montrent l’horreur et le désert affectif qui vous habitaient. »

 

 

Robert Gall

(1904-1974)

 

 

Ame Alsace 08c.jpgAmmerschwihr, 1945

Lithographie, crayon

 

          Robert Gall était avant tout un peintre décorateur d’églises. Dès avant 1939, ses fresques lui avaient valu une solide réputation. Cette activité fut considérablement favorisée par les nombreuses reconstructions d’édifices religieux détruits pendant la bataille de la poche de Colmar en 1944-45. Telle cette chapelle d’Ammerschwihr qu’il représente dans une composition particulièrement saisissante de réalisme, une ultime blessure faite à l’âme alsacienne. (Elle a également inspiré une aquarelle à François Fleckinger)

 

          « Après l’annexion à l’Allemagne, en 1871, une grande partie de l’élite intellectuelle et sociale, ayant opté pour la France, avait dû quitter l’Alsace où régnait ce que politiquement on a appelé « La paix des cimetières ». La vie culturelle était morte. » (3) Une nouvelle génération a grandi qui ne pouvait pas se contenter d’une protestation vaine, décidée à revendiquer « sa place au soleil ». Elle fera l’identité culturelle de la petite province. Charles Spindler occupe une place prépondérante dans ce formidable essor, non seulement comme artiste-peintre et marqueteur, mais surtout comme animateur.

 

Charles Spindler

(1865-1938)

 

Ame Alsace 09c.jpgL’Alsacienne nostalgique

Aquarelle rehaussée de gouache et de crayon, 1900

 

 

Ame Alsace 10c.jpgVignette de la Revue alsacienne illustrée

 

          Cela a commencé, nous raconte Robert Heitz (3) comme un conte de fées. « Au pied du Mont Sainte-Odile, sur un idyllique coteau placé sous le vocable de Saint-Léonard, habitait un homme cultivé aux dons variés, qui s’appelait Anselme Laugel. Tout comme son voisin, l’artiste peintre Charles Spindler, il se passionnait pour les paysages, les coutumes, les costumes du pays. Ensemble, les deux amis parcouraient la campagne, accumulant notes et croquis, rassemblant ce qu’il subsistait d’art populaire. Bientôt, le petit groupe de maisons devint un lieu d’attraction pour les jeunes artistes, écrivains et savants ». Le Groupe de Saint-Léonard était né.

 

Ame Alsace 11c.jpgSaint-Léonard

Cour de la maison de Charles Spindler

Aquarelle, 1913

 

          De leurs travaux est issue, notamment, la Revue alsacienne illustrée, revue de très haut niveau qui s’inscrit dans la mouvance de l’Art Nouveau (Jugenstil), qui s’intitule en allemand : Illustrierte Elsässische Rundschau. La revue veut rassembler les détails familiers de notre vie passée, parler des moments illustres, signaler à l’attention publique nos artistes, nos savants et nos écrivains, donner un tableau complet de l’activité intellectuelle de l’Alsace. Elle doit permettre à ses lecteurs alsaciens de prendre conscience de leur appartenance à la nation alsacienne considérée comme « peuple », ce qui, à l’époque, était loin d’aller de soi. C’est bel et bien une idée neuve !...

          L’esprit du projet, du point de vue politique, est clairement indiqué dans la vignette frontispice que comporte chaque livraison de la Revue. Elle représente, par exemple, dans un premier temps, une Alsacienne accoudée à sa fenêtre, le visage reposant sur son poing dans une attitude très mélancolique. De l’autre main, elle écarte un rideau découvrant un paysage d’Alsace. Elle a très nettement et incontestablement le regard tourné vers l’ouest, vers la France, la patrie perdue

          La Revue va jouer un rôle décisif dans la constitution de l’Alsace comme entité politique. Elle devait nourrir aussi bien une « alsacianité » française sous l’annexion qu’une « alsacianité » autonome après le retour de l’Alsace à la France. En tout cas, une « alsacianité » soucieuse de maintenir la paix !... Charles Spindler n’avait-il pas dit à Paul Deschanel , peu avant la Grande Guerre, « Français nous sommes et le resterons. Quand on le fut on le demeure. Mais s’il fallait le redevenir légalement au prix d’une tuerie, non, ça…jamais. »

 

Ame Alsace 12c.jpgAffiche pour le théâtre alsacien, vers 1898

Collection, musées de Strasbourg

 

 

          Dans le cadre de l’essor de la vie associative, outre la remarquable vitalité des sociétés d’histoire ou la création du Club Vosgien par les Allemands en 1872, est fondé, en 1898, le « Théâtre alsacien » par plusieurs jeunes alsaciens dont Gustave Stoskopf, Ferdinand Bastian, ou l’Allemand Julius Greber. La première pièce est une adaptation de l’Ami Fritz d’Erckmann-Chatrian suivie de D’r Herr Maire de Stoskopf. Leur succès entraîne la naissance de théâtres alsaciens dans la plupart des villes grandes et moyennes. Le théâtre alsacien devient un des promoteurs de la culture alsacienne.

          Cet engouement pour le mouvement associatif n’existe ni en France ni en Allemagne. Il s’agit donc d’une spécificité alsacienne. « Dans le dispositif culturel, le théâtre occupait une place privilégiée. Il était un élément indispensable à la réussite des soirées récréatives et permettait à l’association organisatrice de réunir les finances nécessaires à son fonctionnement. On jouait un répertoire en dialecte ou en allemand. » (2)

          En collaboration avec Anselme Laugel, Charles Spindler fait paraître, en 1902, un livre très recherché par la suite, consacré aux Costumes et Coutumes d’Alsace. Cet ouvrage exceptionnel contribue à une meilleure compréhension du patrimoine culturel alsacien et surtout à une meilleure connaissance du costume alsacien. Il s’agit d’une sauvegarde hautement nécessaire. Laugel se rendait compte que non seulement les costumes et les coutumes étaient en voie de disparition mais que tout un mode de vie et toute une ambiance traditionnelle de l’Alsace allaient changer et, cela, assez rapidement. C’était la toute dernière limite pour fixer l’aspect du costume traditionnel tel qu’il était encore porté au début du siècle

          Les gouaches de Spindler s’avèrent très vivantes, l’artiste ayant saisi sur le vif la physionomie des modèles ainsi que les détails des costumes. Ce sont de véritables portraits.

 

Ame Alsace 13c.jpgPortrait d’une paysanne des environs d’Obernai

Aquarelle, vers1920



Ame Alsace 14c.jpg

Ame Alsace 15c.jpg

 

 

 

 

Henri Loux

(1873-1907)

 

          L’œuvre d’Henri Loux constitue un témoignage essentiel, unique, de ce qu’il a découvert autour de lui ; un travail minutieux, respectueux des particularismes de l’Alsace qu’il n’a cessé de parcourir pour mettre en lumière ce qui subsiste de l’âme alsacienne de son époque. Son amour de l’Alsace, son profond attachement à Sessenheim, son village familial, et l’intime conviction d’avoir une mission à accomplir envers sa province natale : magnifier, immortaliser l’Alsace de 1900, défendre les signes tangibles de son identité, suspendre le vol du temps…sont les sources de sa motivation.

          Dans ses mises en scène, costumes et environnement rural se mettent mutuellement en valeur. Ils sont en quelque sorte consubstantiels. C’est là, un des aspects de l’art de Loux les plus appréciés. Pour Henri Loux, le costume n’a de sens que porté dans le cadre de vie ou de labeur quotidien. Il est lié à l’art de vivre.

          Conscient de toucher un large public, de pénétrer dans l’intimité de son peuple, il va prouver que l’art est fait pour tout le monde et il va le mettre à la portée de tout le monde. « Le but, ô combien noble étant de relever l’idéal du peuple. Il était sans doute fréquent que les convives commentant les images du service Obernai se prennent à témoigner de tel ou tel souvenir commun, avant de rendre à l’assiette sa vocation gastronomique » (8)

          Pas moins de 15 villages sont représentés dans les assiettes du service Obernai qui compte 56 motifs. Ils sont situés essentiellement dans l’Outre Forêt, la Pays de Hanau et le Kochersberg. Ce sont les plus typiques parmi les milliers de localités nichées au creux des vallons de « ce beau jardin ». Ils permettent à Henri Loux d’illustrer les activités, les scènes les plus vivantes, les plus caractéristiques de la vie à la campagne.

 

 

Ame Alsace 16c.jpgSessenheim, clocher à bulbe d’avant 1805

 

 

 

Ame Alsace 17c.jpgChevaux s’abreuvant



Ame Alsace 18c.jpgLe Berger


 

Ame Alsace 19c.jpgLe Colporteur de poteries

 

 

Ame Alsace 20c.jpgDimanche matin

 

 

Ame Alsace 21c.jpgL’oratoire

 

 

Ame Alsace 22c.jpgJeunes-filles catholiques

 

          Le costume traditionnel était un label culturel, un signifiant social, un identifiant parfaitement reconnaissable. Les critères religieux étaient les plus influents. Henri Loux le prouve avec, pour les femmes catholiques, la coiffe rouge, portée encore aujourd’hui à la Fête-Dieu de Geispolsheim, ailleurs, leur coiffe est blanche ou colorée de fleurs à bouquets tissés, aux rubans de couleurs. Leur jupe ou leur tablier est rouge, couleur populaire obtenue à partir de la culture de la garance. Notons qu’après le mariage, la coiffe catholique devient noire… tandis que le costume de la jeune femme protestante se distingue par une coiffe noire dont les rubans, noirs également, contrastent avec la blancheur de la collerette. Leurs jupes sont noires, vertes, violettes ou brunes. Elles portent volontiers des tabliers de lin fin ou de soie, plus courts que ceux des catholiques. Elles affectionnent le bleu, signe d’opulence, issu du pastel plus difficile à produire que la garance. La femme protestante mariée se reconnaît dans sa tenue quelque peu sévère : bonnet noir surmontant une jupe noire…Côté hommes, le majestueux tricorne, porté par les protestants âgés de Hunspach et d’Oberseebach, est un autre signe distinctif.

          « En Alsace, la religion est toujours demeurée une affaire publique, donc aussi juridique, politique. C’est le statut confessionnel qui a longtemps fondé l’identité la plus précise et la plus intime de l’Alsacien. » (4) Les événements de 1970-71 provoquèrent un repli des Alsaciens sur eux-mêmes. Privés de leur nationalité déjà ancienne, ils étaient à la recherche d’une identité, ce fut la communauté confessionnelle.

          Pour les protestants alsaciens, et notamment les luthériens, l’allemand est demeuré la langue religieuse. Or le luthérianisme est né en Allemagne. La bible de Luther, le véritable créateur de l’Allemand littéraire, est un chef-d’œuvre que les protestants d’Alsace considèrent comme un bien inaliénable. Alors que les catholiques alsaciens étaient plutôt tournés vers la France, pays d’obédience romaine, tout en assurant leur indépendance par rapport au clergé français.

          Nous touchons là, à deux dualités alsaciennes explicitées par Frédéric Hoffet dans sa précieuse « Psychanalyse de l’Alsace », celle de la langue et celle de la religion. Cette dernière étant considérablement atténuée par la pratique du simultaneum proposé par Louis XIV, c’est-à-dire, le partage fraternel de la même église, garantissant la paix confessionnelle, à l’image d’un village où les deux presbytères se dressent à gauche et à droite de l’église, dans le même enclos.


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Edouard Hirth

(1885-1980)

Ame Alsace 23c.jpgVue générale de Ribeauwillé

Son temple et son église catholique

(Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg)


 

 

Jean-Jacques Helwig

Photographe plasticien

Ame Alsace 24c.jpgComposition

Temple de Khülendorf, unique édifice religieux à colombages


 

 

Guy Untereiner

 

Ame Alsace 25c.jpgLe rabbin

 

          Le judaïsme est une composante de la richesse multiculturelle alsacienne. La présence juive a marqué l’histoire de l’Alsace depuis un millénaire de façon ininterrompue. Il s’agissait d’un judaïsme essentiellement rural avec une forte implication dans la vie locale. A tel point qu’il en résulta une interpénétration linguistique étonnamment féconde avec le judéo-alsacien aux hébraïsmes « si pittoresques, si parfumés, […] malheureusement condamnés à disparaître à plus ou moins longue échéance » (1) Et, c’est dommage, car le judaïsme est une part inaliénable de l’âme alsacienne. « Le judaïsme appartient au passé de l’Alsace, à son patrimoine, à son avenir aussi. » (1)

          La cohésion de la famille juive est mise en évidence dans tous les récits consacrés au judaïsme. C’est elle qui fait perdurer la religion juive et qui explique le respect assez scrupuleux des préceptes religieux, notamment par la paysannerie juive.

           D’une façon générale, les valeurs classiques héritées du passé sont marquées par la religion : famille, droiture, fidélité à la parole donnée, sobriété, piété et, ardeur au travail.

          C’est le cas des masses paysannes qui constituent le gros de la population alsacienne jusque vers 1945. Le dialecte est leur langue et le français n’y a progressé que lentement, voire péniblement.  «  Rien n’est plus différent d’un paysan qu’un paysan alsacien. […] Lent et réfléchi, il organise son travail de façon remarquable, selon Frédéric Hoffet. Cependant, « le manque d’argent et surtout l’abondance de la main-d’œuvre, rendent superflue la mécanisation ; la campagne en faveur du remembrement n’eut guère plus de succès. Paradoxalement, les exploitants ne pensaient nullement être en retard sur le plan économique. Au contraire, parce qu’ils passaient pour particulièrement laborieux, ils étaient persuadés d’être parmi les meilleurs et les plus aisés. Cette conviction ne les incitait pas à innover. » (2)


 

Lucien Blumer

(1871-1947)

 

Ame Alsace 26c.jpgLes faucheurs

Huile sur toile

 

 

 

Louis Philippe Kamm

(1882-1959)

 

Ame Alsace 27c.jpgLes moissonneurs

Huile sur toile, 1921

Musées de Strasbourg


 

 

Frédéric Fiebig

 

Ame Alsace 28c.jpgFenaison

Huile sur carton



 

René Kuder

(1882-1962)

 

Ame Alsace 29c.jpgFaucheurs

Aquarelle, 1929


 

 

Jean-Paul Ehrismann

 Ame Alsace 30c.jpg

          Le savoir-faire alsacien, autre dimension essentielle de son âme, s’est exprimé dans tous les domaines, agricole, artisanal, industriel. Et, c’est parce que l’Alsace a su fournir régulièrement aux entreprises une main d’œuvre qualifiée dont elles avaient besoin, que l’Alsace a réussi à poursuivre sa croissance. C’est particulièrement vrai pour l’impression sur tissu. L’avance de l’Alsace en matière de scolarisation, puis dans le domaine de l’enseignement professionnel, notamment par l’apprentissage, ainsi que les bienfaits d’un important système de protection sociale ont fait des Alsaciens des privilégiés par rapport aux Français des autres départements.

          Plusieurs de nos artistes ont témoigné de cette heureuse situation, chacun à sa manière et selon son tempérament.

 

Hansi

(1873-1951)


 Ame Alsace 31c.jpg© La Nuée bleue – Une vie pour l’Alsace, 2006

Dessins industriels par Hansi en apprentissage à Lyon

« Au sortir du lycée, comme mes parents n’approuvaient pas mon désir de faire de la peinture, j’ai dû comme tant d’autres, faire le détour par l’art appliqué, le dessin industriel. »

 

 

Maurice Ehlinger

(1896-1981)

 

Ame Alsace 32c.jpgForge

Gouache



 

Lothar von Seebach

(1853-1930)

 

Ame Alsace 33c.jpgLes sculpteurs de la Viermännerbrücke

Huile sur toile

 

 

 

 

Eugène Noack

(1908-1985)

 

Ame Alsace 34c.jpgLa fabrication du papier frictionné

Aquarelle

 

          L’Alsace a montré au cours des siècles une faculté créatrice prodigieuse. « Travaillant aux confins de deux nations ayant apporté des valeurs essentielles à la civilisation européenne, l’Alsace a toujours su tirer des grands courants internationaux les leçons profitables à son propre génie et a vu naître ainsi sur son sol quelques-uns des chefs d’œuvres les plus précieux du patrimoine commun. » (5)

          Le patrimoine artistique et monumental que le génie alsacien a construit au cours des siècles et qui, du nord au sud, sans discontinuité territoriale, déploie des trésors prodigieux, constitue un des thèmes favoris de nos artistes-peintres : châteaux féodaux, églises et chapelles, romanes ou gothiques, villages pittoresques de l’Outre-Forêt, du Pays de Hanau, du Kochersberg, du Vignoble, du Ried et du Sundgau. Sites enchanteurs, terres de légendes d’un romantisme toujours séduisant. Sans oublier les villes, notamment celles qui formèrent la Décapole, témoins de l’âge d’or d’avant la Révolution où elles jouissaient d’une véritable indépendance garante de prospérité et d’embellissement.

 

 

Alfred Selig

(1907-1974)

Ame Alsace 35c.jpgGiersberg

Mine de plomb

 

 

Henri Loux

 

Ame Alsace 36c.jpgWelferding

 

 

Kazem Rezvanian

 

Ame Alsace 37c.jpgLe Haut Koenigsbourg

Huile sur toile


 

Emile Stahl

(1847-1938)

 

Ame Alsace 38c.jpgHangenbieten

Aquarelle

 

 

Robert Kuven

(1901-1983)

 

Ame Alsace 39c.jpgMurbach

Aquarelle



 

Henri Bacher

(1890-1934)

Ame Alsace 40c.jpgRiquewihr

Gravure sur bois

 

 

Lucien Blumer

(1871-1947)

Ame Alsace 41c.jpgLe Marché de Barr

Huile sur toile

 

 

François Fleckinger

(1907-1993)

Ame Alsace 42c.jpgVillage d’Alsace

Huile sur toile


 

Kazem Rezvanian

 

Ame Alsace 43c.jpgMaison des tanneurs

Huile sur toile


 

Jean-Jacques Helwig

Ame Alsace 44c.jpgPromeneurs

Composition photographique

 

          L’Alsace a toujours, et malgré tout, eu le sens de la fête, favorisé par son goût pour les associations et la pratique de la promenade dominicale et de la gymnastique. « Ces caractéristiques semblent originales par rapport au reste de la France et rapprochent l’Alsace du monde germanique sans l’y assimiler totalement. » (2) Soirées théâtrales en hiver, Kilbes et Messti, Gartenfest et Waldfest en été. Il n’était pas de dimanche sans fête ici ou là, surtout après 1871…

          Et, ce n’est pas fini. Aujourd’hui, si on consulte les Estivales des DNA et la Ronde des fêtes, de l’Alsace, on constate, avec Gilles Pudlowski, « qu’il y a plus de jours de fête que de jours dans l’année ». Elles sont innombrables et dédiées à tout ce que le patrimoine de l’Alsace peut nous offrir. Cela va de la Foire aux Vins de Colmar à la fête de la Bière à Schiltigheim, de la fête des ménétriers de Ribeauvillé au Mariage de l’Ami Fritz de Marlenheim, de la Streisselhochzeit de Seebach à le Fête-Dieu de Geisbolsheim. Et beaucoup plus, car il y a affinité !...


 

Arthur Schachenmann

(1893-1978)

 

 

Ame Alsace 45c.jpg© Association « Art de Haute Alsace »

Kilbi

Huile sur toile


Ame Alsace 46c.jpgCarnaval

Huile sur toile

© Association « Art de Haute Alsace »

 

 

          Authentiques, autant que folkloriques, les fêtes sont l’occasion de se rencontrer, de se costumer, de chanter et surtout de s’asseoir pour manger et boire ensemble. Car l’Alsacien est gourmand. « Il n’est pas d’écrivain ou de peintre alsacien qui ne se vante de tenir sa fourchette aussi bien que son stylo ou sa palette, son verre de quetsche que son couteau à découper le kougelhopf. Parmi les peintres les plus contemporains […] nombreux sont les motifs d’illustrations gourmandes, les natures mortes… » (1)

 

 

Christiane Ancel

 

Ame Alsace 47c.jpgNature morte au tonnelet

Huile sur toile

 

 

Luc Hueber

(1888-1974)

Ame Alsace 48c.jpgGibier

Huile sur toile

 

 

Michel Charvet

Ame Alsace 49c.jpgLa choucroute présentée par Huguette Dreikost

Huile sur toile

 

       La fête alsacienne, c’est le rire et la bonne humeur, un particularisme qui est un atout dans la vie ! Nous sommes convaincus que la joie d’un individu fait le plaisir d’un autre. « La table est un peu la scène d’un théâtre où chacun tient son rôle. La nappe tient lieu de rideau. Il faut de l’animation »

          Les circonstances de l’Histoire ont appris aux Alsaciens à se forcer à rire. La souffrance les a rendus sereins, les déchirements, philosophes. Si bien qu’ils ont appris à se moquer d’eux-mêmes. Avec humour !.... « L’estime qu’un peuple se porte est proportionnelle à sa capacité d’autodérision » dit Stéphane Kramer. Les Alsaciens le prouvent avec le Hans im Schnogaloch, jamais content. Comme lui, ballotés par l’Histoire, gâtés par la richesse de leur province, mais jamais contents de leur sort. Non seulement l’Histoire a appris aux Alsaciens à rire, mais elle les y a forcés chaque jour, affirme Frédéric Hoffet. « Ainsi l’humour alsacien qui s’exprime si admirablement chez les grands satiristes de la Renaissance et les auteurs de dialecte » constitue un de ses plus remarquables particularismes.


 

Tomi Ungerer

(1931-2019)

 

Ame Alsace 50c.jpgL’Alsace, un pont

Crayon aquarelle

Ame Alsace 51c.jpgAffiche pour les exportateurs de vin d’Alsace en 1987

Aquarelle

 

 

 

Michel Charvet

 

Ame Alsace 52c.jpgLa souricière

Huile sur toile

Ame Alsace 53c.jpgLe sanglier chasseur

Huile sur toile

 

          Au-delà d’une histoire douloureuse, l’Alsace s’est définitivement installée dans sa vocation de trait d’union entre deux nations voisines réconciliées. Aujourd’hui, le Rhin n’est plus une frontière. « C’est l’arête principale d’une Europe charriant richesses et culture » (7)

          Il en résulte une vision hors du temps d’une Alsace heureuse, décidée à perpétuer sa beauté. Nous la retrouvons dans l’œuvre de nos artistes peintres tels Nicole Hellé dont les tableaux allient la réalité au rêve, Bernadette Zeller qui a poussé la porte de la maison sundgauvienne pour nous faire découvrir l’âme même de son Sundgau, Jean-Paul Ehrismann, héritier de l’âme profonde de l’Outre-Forêt qu’il fixe et ressuscite telle qu’elle se manifeste dans des scènes traditionnelles empreintes de force tranquille, Georges Ratkoff qui se délecte d’une Alsace en paix avec elle-même, qui a fait le choix du bonheur, d’une province heureuse dans sa sérénité, son insouciance. Une version enchantés de la vie alsacienne.


 

Nicole Hellé

 

Ame Alsace 54c.jpgMarché de Noël à Colmar

Acrylique sur toile


 

Bernadette Zeller

 

Ame Alsace 55c.jpgLa Verrerie

Aquarelle

 

 

Jean-Paul Ehrismann

 

Ame Alsace 56c.jpg

 

 

Georges Ratkoff

 

Ame Alsace 57c.jpgEguisheim

Aquarelle

 

 

 

Ame Alsace 58c.jpgAprès la veillée

Aquarelle

 

 

Ame Alsace 59c.jpgLe bonheur de créer ….ensemble
Aquarelle

 

 

 

 

 


 

Bibliographie

 

 

-        Gilles Pudlowski – Dictionnaire amoureux de l’Alsace – Plon, 2010 (1)

-        Bernard Vogler – Histoire culturelle de l’Alsace – La Nuée bleue, 1994

-        Alfred Wahl et Jean-Claude Richez – La Vie quotidienne en Alsace 1850-1950 – Hachette, 1993 (2)

-        Laurence Turetti - Quand la France pleurait l’Alsace-Lorraine – la Nuée bleue, 2008

-        Frédéric Hoffet – Psychanalyse de l’Alsace – Flammarion, 1951 (4)

-        René Bazin – Les Oberlé – Calmann-Lévy, 1948

-        Saisons d’Alsace N° 47 de 1973 – (3)

-        Hans Haug – L’Art en Alsace – Arthaud, 1962 (5)

-        Victor Beyer – Images d’Alsace -Arthaud, 1956 (6)

-        Stéphane Kramer - Hopla Geiss !- illustrations de Guy Untereiner – Ed. Pierron, 2008

-        Tomi Ungerer – Mon Alsace – Ed. La Nuée bleue, 1997

-        Tomi Ungerer – L’Alsace côté cœur – La Nuée bleue, 2004 (7)

-        Paul-André Befort et Fernand gastebois – Henri Loux a mis l’Alsace dans nos assiettes – Ed. DNA (8)

-        Hansi – Une vie pour l’Alsace – La Nuée bleue, 2006

 

 

 

 



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