Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Alfred Giess 

(1901-1973)



De Morschwiller-le-Bas

à la Villa Médicis


Alfred GiessAutoportrait, 1925 – Huile sur toile
© Musée des Beaux Arts de Mulhouse


    
    Alfred Giess a su cultiver une vocation précoce. Au prix d’un travail patient et acharné, il a acquis la possession complète de la technique picturale pour devenir cet immense artiste qui reçut tous les honneurs et accéda à la consécration suprême: le 1er Grand Prix de Rome.
 
    Né à Morschwiller-le Bas, en 1901, Alfred Giess manifeste très tôt sa prédilection pour le dessin. Ses camarades d’école sont les premiers modèles de ses crayonnages. La nécessité de décrocher un métier solide, conduit Alfred à faire son apprentissage dans plusieurs ateliers de dessin textile bien représentés dans la cité industrielle de Mulhouse. Mais, frustré de créativité, il suit parallèlement les cours de dessin de la SIM. Le dessinateur textile qu’il devient est hanté par la perfection, le travail de la forme, les recherches techniques, partageant ainsi l’adage de Th. Gautier: «L’œuvre sera d’autant plus belle qu’elle naîtra de difficultés vaincues».

    Cependant, dans ces ateliers, il est employé comme «finisseur», c'est-à-dire qu’il est condamné à mettre au net les nouveaux motifs inventés par les «compositeurs»: le métier impose sa hiérarchie!...D’autre part, il comprend vite que le professionnalisme de l’école de la SIM constitue pour lui une menace d’instrumentalisation à laquelle il doit échapper s’il veut assouvir la grande ambition  que son talent affirmé est en train d’éveiller. Il veut acquérir une véritable formation artistique que seul Paris peut lui apporter. Or, en 1921, le service militaire lui en offre l’occasion. Après une période passée en Syrie, entre Alep et Damas, au sein du 3ème Génie, il est affecté à Versailles et obtient l’autorisation de suivre les cours du soir de l’Ecole nationale des Arts décoratifs.


La reconnaissance

    En 1924, il s’installe à Paris grâce à l’appui financier du Conseil Général et de la SIM. Il s’inscrit à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts où il fréquente l’atelier de Jean-Pierre Laurens, fidèle aux grands thèmes d’Histoire, qui va l’initier à la peinture dite officielle. Il y rencontre son talentueux compatriote masopolitain, Charles Ringenbach. Il est fortement impressionné par l’effervescence  artistique qui agitait la capitale dans les années 1920 Mais, il est, avant tout, obnubilé par le concours de Rome: «Je sentis naître en moi la volonté et la certitude d’aller un jour à Rome…. Quatre mois plus tard, j’avais un premier prix pour le paysage», mais, c’est en 1929 qu’il obtient la récompense suprême: le premier Grand Prix de Rome pour «L’Adieu» qui lui ouvre les portes de la Villa Médicis.
    En 1927, il épouse Marie Huguet, native de Champlitte en Haute-Saône. Elle sera sa muse, son modèle préféré et la mère de ses trois enfants. Elle est belle, s’habille avec élégance, assure la promotion des expositions, s’accommode aisément aux mondanités exécrées par son mari. Ses beaux-parents sont très présents. Ils accueillent dans leur maison de la rue des Tanneries, le jeune couple aux maigres ressources.


 Alfred Giess© Collection privée
Madame Giess, Madrid, 1933-34 – Huile sur toile


    De par sa formation et sa vénération irrépressible du talent, il se plie aux exigences de l’académisme, au respect des genres et à celui de la critique de ses aînés. Ne le compare-t-on pas à Puvis de Chavannes et à Ingres qui semble être, pour lui, l’aboutissement de l’histoire de l’art…Tout en restant lié aux institutions (il entre à l’Académie des Beaux Arts en 1955) et malgré les «frénésies artistiques» du moment, il affirme son originalité. Il la proclame lui-même, le jour de sa réception sous la coupole du quai Conti: «L’œuvre d’art ne doit s’imposer que par la personnalité, sa nouveauté n’est qu’une question passagère».
    A Rome, il découvre la pureté des primitifs, la grâce de Botticelli et la maîtrise du génial novateur que fut Piero della Francesca, à Madrid, le séjour à la villa Vélasquez lui apporte la leçon de sobriété et de respect profond du réel de Zurbaran. A Champlitte (Franche-Comté), son art se transforme. Au contact de la nature, il découvre le paysage réel, justement… Après un séjour à Paris où il installe sa famille rue de Vanves, dans le 14ème, le déclenchement de la deuxième Guerre Mondiale le force à revenir à Champlitte. Cet exode vaut comme un retour à la terre, dans toute l’acception du terme Ce sera «l’occasion de ces méditations solitaires où l’homme retrouve le contact de la vraie nature : période de vérité où l’air entre à pleine brosse en ses toiles, où, de découverte en découverte, il se crée un monde à lui, fait de silence, de force et d’harmonie.» (Georges Cheyssial)


Alfred Giess© Commune de Morschwiller-le-Bas
Contre jour, le matin, 1958 – Huile sur toile

   

    Par ailleurs, il est également sensible à la lumière de Vermeer et aux natures mortes de Chardin, vibrantes de vie intérieure. Mais, Giess est avant tout un Sundgauvien attaché à sa terre, une terre «généreuse, presque noble qui a un langage à elle, celui d’une richesse féconde»(*)…Morschwiller est présent dans son œuvre autant que Champlitte. La «Visitation» peinte en 1926 est révélatrice à ce titre. Les personnages sont deux femmes du village de même, d’ailleurs, que la chèvre…alors que les collines alentour sont de Haute-Saône. Dans cet environnement rustique, bucolique, l’artiste «transcende toutes les influences reçues et affirme avec fierté sa personnalité originale. Ce qui le caractérise le mieux, c’est le qualificatif d’indépendant. Il n’a cependant jamais coupé ses contacts avec les institutions».(*)
   
    En plus de son élection à l’Académie des Beaux Arts, où il est préféré à Braque et Léger au grand dam de certains immortels…il succède à Manny Benner à la tête du musée Henner, en 1957. L’année suivante il entre à l’Académie d’Alsace. La rosette de la Légion d’Honneur et les palmes académiques avec le grade de commandeur à la boutonnière, il fait partie des jurys de nombreux prix. En 1963, il est président de l’Académie des Beaux Arts. Récompense suprême: il obtient la Médaille d’honneur du Salon des artistes français.
   
    Sa réputation internationale est attestée par l’universalité de ses expositions: à la galerie Wildenstein à New-York en 1962, à Munich, en 1963, dans le cadre de «La peinture française contemporaine», à Zurich, en 1968 et jusqu’au Japon. Entre 1926 et 1971, en dehors du Salon des artistes français où il est présent notamment à l’expo de 1965, inaugurée par Malraux, il participe à de nombreuses expositions à Paris, à la galerie Charpentier, en 1937, au salon des artistes alsaciens, en 1957, au musée Galiera, en 1966. Mais, bien sûr, aussi à Mulhouse, dès 1926 – 28, à la galerie Gangloff et au musée des Beaux Arts. Entre 1961 et 1971, six expositions personnelles sont organisées à la SIM
    En 1961, Marie est victime d’un grave accident vasculaire, dans la salle d’exposition à Mulhouse. Elle s’éteint en août 1968, à Champlitte. En 1970, Alfred se remarie avec Fernande Gallois, personne de confiance, dévouée au couple durant la maladie de Marie. Alfred Giess décède le 26 septembre 1973 à l’âge de 72 ans, à l’hôpital de Gray.

    Que ce soit ses nombreuses natures mortes qui transcendent les fruits et les objets dans d’harmonieuses compositions, ses paysages majestueux et vibrant de lumière, ses femmes qu’il présente sous les aspects les plus variés de la vie, ou encore ses fresques, les œuvres de Giess sont patiemment réfléchies et travaillées comme le ferait un artisan accompli.
 
    Peut-être a-t-il, mieux que tout autre, exaucé le vœu de Gide: «Faisons de nos vies des œuvres d’art.»


Sources:
- Textes d’Anne-Marie Catherine Lemaire, petite-fille du peintre dans «Modèles et atelier, Alfred Giess (1901-1973)» Exposition à Flagey, 2011
- B. Bruant: Itinéraire d’un Grand prix de Rome, Alfred Giess. Edité par la commune de Morschwiller-le-Bas en 2003 (*)
- Georges Mathieu: Notice sur la vie et l’œuvre d’Alfred Giess. Lue à l’occasion de son installation comme membre de l’Institut, en 1976
- Articles de presse signés B. Leroux, historien et critique d’Art, J. Scneider, conservateur du musée du Florival, R. Charmet, critique d’Art
- Entretiens avec Monsieur Jean-Pierre Schlienger, neveu du peintre
 
Crédit photographique:
- «Itinéraire d’un Grand Prix de Rome» Avec l’aimable autorisation de la municipalité de Morschwiller-le-Bas
- Pierre Guénat, dans «Modèles et ateliers»



Portfolio

Alfred Giess© Itinéraire d'un Grand Prix de Rome
Jour de Novembre à Mulhouse, 1919 – Huile sur toile - Collection privée


Alfred Giess© F. Walgenwitz
Paysage de Syrie, 1921 - Huile sur toile - Collections privée


Alfred Giess© Itinéraire d'un Grand Prix de Rome
Lumière d'été - Huile sur toile - 1949 - Collection privée


Alfred Giess© Itinéraire d'un Grand Prix de Rome
Montfort Lamory - Huile sur toile - 1967 - Collection privée



Alfred Giess© Itinéraire d'un Grand Prix de Rome
Fruit et pot de grès - Huile sur toile - 1961 - Collection privée


Alfred Giess© Itinéraire d'un Grand Prix de Rome
Nature morte - poires, pêches et soupière blanche - Huile sur toile - 1964 - Collection privée


Alfred Giess© Pierre Guénat
Nu assis - Huile sur toile - 1941 - Collection privée


Alfred Giess© Pierre Guénat
Nu de dos au héron - Huile sur bois - 1944 - Collection privée


Alfred Giess© Pierre Guénat
La leçon de Piano - Huile sur toile - 1943 - Collection privée



Alfred Giess© Itinéraire d'un Grand Prix de Rome
Céline, la soeur cadette - Pastel sur papier - Collection privée


Alfred Giess© Pierre Guénat
Marie - Huile sur toile (140.5 x 89 cm) - Vers 1936 - Collection privée


Alfred Giess
© Itinéraire d'un Grand Prix de Rome
Bouquet, 1961 - Huile sur toile - Collection privée



Alfred Giess



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