Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frS'Gaenseliesel
© Cotad. com S’Gaenseliesel, parc de l’Orangerie à Strasbourg |
S’Gaenseliesel
d’Albert Schultz, réalisée en 1899, que
les promeneurs de l’Orangerie ne
manquent pas de remarquer, dresse son élégante
silhouette au milieu d’un
parterre de fleurs soigneusement entretenu. Majestueuse, plus grande
que
nature, au centre d’un vaste espace
aménagé à la française, on
ne voit qu’elle…
Œuvre, sans doute la plus connue
d’Albert Schultz, elle est devenue si populaire
qu’elle est, aujourd’hui
encore, un des emblèmes de Strasbourg au même
titre que l’Homme de fer. Image
forte de la tradition alsacienne, elle représente les
villages alsaciens qui,
autrefois, et notamment dans le Kochersberg, possédaient un
troupeau d’oies
confié à une gardienne. Personnage familier et
proche, elle faisait partie
intégrante du paysage rural.
Il n’est donc pas étonnant qu’un grand nombre d’artistes s’en soient inspirés, des peintres, tel l’alsacien Henri Loux (1873-1907) ou le prussien Adolf Hering (1865-1932), des marqueteurs, tel Charles Spindler (1865-1938), des illustrateurs de livres ou de cartes postales, des brodeuses…Et, nous n’en avons pas l’exclusivité puisqu’on la retrouve aussi bien à Göttingen qu’à Monheim, à Berlin Wilmersdorf, à Lohne ….
Photo: F. Walgenwitz S’Gaenseliesel Henri Loux |
© CC Some rights reserved s’Gaenseliesel Adolf Hering |
© ADAGP 2005 Goersdorf, 1920 Charles Spindler |
© J.-J. Helwig S’Gaenseliesel brodée |
© CC Some rights reserved S’Gaenseliesel de Göttingen Paul Nisse, bronze, 1901 |
© J.-J. Helwig S’Gaenseliesel de l’Orangerie |
Son
originalité?
Contrairement à toutes les autres et notamment ses petites
sœurs allemandes, qui
vivent en bonne entente avec leurs volailles et sont sagement
posées sur leur
socle, celle d’Albert Schultz est en conflit avec
l’oie, probablement un jar,
réputé pour son agressivité.
L’impertinence de l’oie qui
s’attaque
au contenu du panier provoque un brusque geste de défense de
la Gaenseliesel ce
qui met toute la statue en mouvement, lui donne vie. Dans son
agacement, la
jeune fille pivote sur elle-même pour sauvegarder ses
provisions de légumes,
son visage exprime la colère, sa main se crispe,
l’assaut de l’imposante bête
aux ailes qui se déploient dérange les plis de sa
robe, son pied droit levé
annonce la fuite, mais l’attaquante, en plein
élan, ne lâche rien C’est
l’épreuve de force… Quel que soit le
sort de la carotte convoitée, la Gaenseliesel
affirme sa personnalité. Elle a du caractère.
Elle est vivante, assurément !...
Albert Schultz a-t-il voulu ériger
cette vitalité en symbole? Strasbourgeoise, certes
chaussée de sabots, revenant
du marché, plutôt que paysanne gardienne
d’oie, Gaenseliesel est une Alsacienne
qui sait se défendre elle-même, plus encore que
ses carottes ou ses navets.
Nous sommes en 1899!...
De fait, pour Robert Werner, elle est «le symbole d’une Alsace si souvent tourmentée et bien plus que cela encore». (*) Elle est, en effet, plus qu’un objet de décoration. «Je sais bien, déplore Jean-Paul Ehrismann,(*) qu’en ces temps de mondialisation galopante son image risque de devenir évanescente, d’être rangée au rayon des curiosités d’un autre temps, mais dans l’imagerie populaire d’où elle est sortie, elle gardera une place de choix aux côtés des personnages de contes et de légendes dont notre Alsace est abondamment dotée.»
Photo: F. Walgenwitz S’Gaenseliesel de Jean-Paul Ehrismann (*) Strasbourg, l’esprit d’une ville, aquarelles de Jean-Paul Ehrismann, texte de Robert Werner – La Nuée Bleue, 2004 |
© J.-J. Helwig S’Gaenseliesel se défend… |
© J.-J. Helwig …de l’attaque de l’oie |
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faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.