Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frRené Allenbach
(1889-1958)
L'arbre dans
les champs - Gravure
à l'eau forte
Sans titre – Gravure sur Linoleum |
« L’Arbre dans les champs » est une gravure à l’eau forte, « Sans titre » est une linogravure.
Ce sont là d’ « Excellents moyens de s’exprimer, de discipliner sa virtuosité, de limiter les valeurs, d’apprendre à colorier sans couleur et de réduire les moyens pour intensifier les effets. » (Dany Maes)
La taille douce directe, à l’aide d’un outil: burin, pointe sèche, ou indirecte par morsure d’un acide: eau forte, aquatinte, est une gravure en creux. Elle s’oppose à la taille d’épargne telle que la linogravure.
La technique de l’eau forte consiste à recouvrir une plaque de métal d’un vernis à graver sur laquelle l’artiste dessine son motif à la pointe sèche. La plaque est ensuite placée dans un bain d’acide (perchlorure de fer) qui mord les zones à découvert. Après nettoyage du vernis, la plaque est encrée.
La linogravure est un type de gravure en taille d’épargne (technique qui consiste à enlever les blancs ou réserves du résultat final; l’encre se posant sur les parties non retirées, donc en relief.) Elle se rapproche de la gravure sur bois. Les outils de la gravure sur bois conviennent parfaitement à la linogravure: des gouges à têtes en V ou en U. Il est possible de recourir à des outils plus précis: le matoir (pour les grisés) le canif, etc…La linogravure présente l’avantage de la rapidité d’exécution.
Pour la gravure sur bois que René Allenbach pratiquait beaucoup, on utilise généralement du buis que l’on peut travailler de deux manières: dans le sens des fibres (bois de fil) ou dans le sens perpendiculaire (bois de bout). Les outils pour creuser le grain du bois sont le burin et la gouge.
Alors que l’effet de l’eau forte se rapproche du dessin, celui de la linogravure est spécifique. René Allenbach choisit la technique la plus appropriée à ce qu’il veut exprimer, au type de message qu’il veut faire passer: beauté d’un paysage, état d’âme…
Dans ces deux œuvres, on est avant tout sensible à leur architecture. On y retrouve cette «monumentalité» évoquée par les critiques. Elles sont d’ailleurs construites de façon identique: le sujet principal à droite et des lignes de fuite qui s’étirent vers la gauche. Par contre, l’effet ressenti est totalement différent. L’eau forte, de par la souplesse d’utilisation de la pointe sèche, reproduit les mouvements les plus divers et permet de subtiles nuances de gris qui semblent se teinter de bleu; ce qui corrobore l’assertion de Dany Maes, l’aptitude de l’eau forte de colorier sans couleurs…
Quant à la linogravure, la linéarité des horizontales que compense d’une part la surface uniformément noire de la zone sud-est et, d’autre part, la verticalité et l’impérieuse présence des saules têtards, ainsi que la singulière silhouette humaine du calvaire constituent un ingénieux agencement et créent à la fois le mouvement et l’atmosphère. Le violent contraste entre les blancs et les noirs génère une lumière éclatante car le blanc triomphe toujours sur le noir…L’extrême schématisation des éléments du paysage n’est pas sans rappeler les bois gravés de Félix Vallotton dans sa série des «Intimes» de 1897. Quelle force, quelle adresse dans l’art de jouer des noirs et des blancs, quelle stupéfiante économie de moyens, de réduction à l’essentiel où «rien n’est perdu» pour reprendre l’expression de Léon-Paul Fargue cité par Claire Frèches-Thory.faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.