Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frNicole Hellé
Acrylique sur toile – 33 x 41 cm Collection particulière |
« Je suis persuadé que les chefs d’œuvre sont objectifs….mais pour des raisons qui n’ont rien de démontrable », affirme Hector Obalk.
Or, si le critique ne démontre rien, il peut, en revanche, convaincre le contemplateur de la qualité des œuvres qu’il a choisi de commenter. Ainsi de «La Rue Mercière» de Nicole Hellé. En l’occurrence, pour affiner notre jugement esthétique, il convient de tenir compte de l’analyse des causes et de celle des effets.
Pour ce qui concerne les causes, laissons la parole à l’artiste elle-même.
« La rue Mercière m’a toujours fascinée. La cathédrale vous saute aux yeux, on ne s’en lasse pas. Des maisons médiévales se blottissent les unes contre les autres comme pour braver les siècles.
A l’époque de l’Avent, parée de lumières, elle incite à entrer au marché de Noël, comme pour une invitation à retrouver, l’espace d’un moment, le monde insouciant de l’enfance, peuplé de petits bonheurs.
Cette artère symbolise l’alchimie subtile qui règne à Strasbourg entre un patrimoine amoureusement protégé et la vie moderne.
Avant Noël, la fébrilité des préparatifs de fêtes, le froid, la foule bigarrée des touristes et les cris des enfants font vibrer la rue Mercière… L’heure est à la trêve et c’est particulièrement appréciable en ces temps difficiles…»
Pour ce qui est des effets, j’ai choisi de privilégier les domaines d’excellence qui sont la couleur, la lumière, l’espace, la texture, le mouvement et la narration. C'est-à-dire ce que je regarde précisément quand je regarde un tableau, «avant de goûter le tout»
En contemplant cette scène de rue, l’amateur d’art est, avant tout, sensible à sa puissance spatiale. L’art de la peinture, le talent du peintre, est de la suggérer. Il faut se rappeler qu’un tableau est essentiellement une surface plane, recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées, pour reprendre la citation connue de Maurice Denis (1880). Or, cette perspective, «impérative», centrée sur le portail principal de la cathédrale, donne une impression de profondeur magique, d’autant plus prégnante que le spectateur est de plain-pied avec les acteurs qui bougent et semblent ne jamais être à la même place, invité en quelque sorte à partager avec eux le plaisir d’être là…
L’équilibre que suggère la composition est dû autant à la répartition des volumes, qu’à la distribution de la lumière et des couleurs. La lumière du ciel se reflète délicatement dans la neige; la tonalité de la cathédrale faisant parfaitement le lien entre les deux. Le contraste savamment établi entre la nuée bleu-noir d’une profondeur insondable, et la haute façade des maisons à colombages fortement éclairée met celle-ci en valeur.
Les immeubles, fidèlement reproduits, même ceux de la rive gauche qui manquent de cachet, attestent le souci d’authenticité qui caractérise la touche de l’artiste, sa texture, seul domaine d’excellence qui la distingue de ses pairs Chez la plupart des peintres, on distingue une texture littérale qu’on ne peut voir que le nez collé au tableau et une texture figurée qui se révèle à la distance nécessaire à la contemplation. Chez Nicole Hellé, cette texture est unique, universelle. Quelle que soit la distance qu’il adopte, le spectateur y décèle l’essentiel de ce que l’œuvre a à dire en termes de significations et d’émotions. Texture fine, donnant forcément la priorité au trait, indispensable aux colombages et aux lignes gothiques de la cathédrale.
Pour cette dernière, qui donne au tableau son identité, Nicole Hellé a trouvé un subtil compromis entre le flou impressionniste et la réalité photographique. Challenge réussi! D’ailleurs, elle avoue avoir mis longtemps à passer à l’acte, sur l’invitation de son éditeur, car elle craignait ne pas être fidèle à l’image de la cathédrale. Son admirable coup de pinceau, (notons tout de même qu’elle utilise la référence 000), a là aussi, fait merveille.
Comme pour chacun de ses tableaux, Nicole Hellé propose un message clair: on saisit facilement l’atmosphère du moment. Il s’agit d’une œuvre séduisante, tout ce qui est laid a été banni. Il est tout de même permis de dire que Nicole Hellé met son réalisme au service du rêve. Et avec quel talent!faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.