Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frLothar von Seebach
A la fenêtre (vers 1905) Huile sur toile (80 x 60 cm) Collection Particulière
© Arno Strasbourg |
Une jeune femme, prenant appui sur le rebord d’une fenêtre fermée, plonge son regard dans une cour enneigée que traverse un convoi funèbre.
De la fenêtre de son atelier perché dans la vieille tour, Lothar von Seebach avait une vue privilégiée sur l’hôpital et sa chapelle dans laquelle se déroulaient les cérémonies funèbres. L’image de la mort lui était donc familière.
Le regard mélancolique de la jeune femme et sa tenue sombre laissent supposer qu’elle assiste, incognito, à l’enterrement d’un proche. Le thème de l’affliction (Théma der trauernden Frau) a été repris, en 1908, par Lothar von Seebach, dans Résignation, œuvre malheureusement disparue. D’autres de ses tableaux sont imprégnés de mélancolie comme, par exemple, Effets de pluie de 1895, où l’impression de vague tristesse émane d’un ciel chargé de pluie et d’une charrette tirée par un âne.
Cette mise en scène (Fensterblick als geistiges Motiv), renvoie à la période romantique et fait penser à Gaspard David Friedrich, (1774-1840) Comme lui, Lothar von Seebach porte au premier plan l’état d’âme , «mis à nu» du modèle qui devient acteur, interprète d’un sentiment profond que le talent et la sensibilité de l’artiste expriment de façon tangible.
Cependant, plutôt que par l’émotion, le sujet est inspiré par l’attention que Lothar von Seebach porte à la vie strasbourgeoise dont il est devenu, à l’instar de Henri Loux, le témoin réaliste, d’un réalisme à la manière de Courbet, c’est à dire, une réaction personnelle alliant lucidité, objectivité et sensibilité. Au cœur du réel, Lothar von Seebach s’est senti proche des humbles, proche du petit peuple des rues.
Quant à la manière, en quoi, dans ce tableau, retrouve-t-on l’ambassadeur de l’impressionnisme parisien que fut Lothar von Seebach auprès de la jeune génération de peintres alsaciens? Moins soucieux des détails que de l’effet de l’ensemble, il va à l’essentiel. Sa palette est fraîche et sobre. Elle ne compte que huit valeurs, suffisantes selon Marc Lenossos, pour exprimer toute la gamme des nuances. L’expression de la couleur s’affirme par des touches légères, prestes qui accrochent la lumière. Si son métier s’est diversifié par l’adoption de la touche fragmentée, comme le constate Robert Heitz, il ne reste pas moins scrupuleux de la forme et du dessin «serré et impeccable». Ne disait-il pas à ses élèves: «Le dessin est à la base de tout… Si on ne sait pas dessiner, si on se perd et se noie en appliquant sa pâte, c’est inutile d’essayer de peindre! Je n’apprends pas autre chose à mes élèves, d’abord, dessiner correctement, connaître à fond la perspective linéaire et aérienne…».
En cela, Lothar von Seebach, est, toutes proportions gardées, comparable à Edgard Degas plutôt qu’à Claude Monet qui se contenta de n’être qu’un œil…. Cependant, comme eux, il a cherché à saisir le moment fugace et à en retenir l’impression…
|
|
Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être
faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.