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Culturel

« Les neiges de Muslin sont un enchantement sans cesse renouvelé. Cette peinture sobre et dépouillée est pourtant puissante et chaleureuse, tant sont forts les sentiments du créateur qui a le don de l’animer; et nous retrouvons dans ses toiles sa présence créatrice toujours à la recherche d’une ambiance faite de lumière, d’espace et de paix.» (F. Schieb, in Plaquette, 1981)

© Photo Tim Vallotton Champs en Hiver, 1984 - (89x116cm) Huile sur toile

    Il va sans dire que le commentaire de F. Schieb concorde magistralement avec le tableau sélectionné tant pour ce qui concerne la technique du peintre que pour l’esprit qui émane de sa création.

    Tout d’abord, quelle maîtrise de l’espace. Or, l’art de la peinture est de le suggérer, car il n’est pas réel. Souvenons-nous de la citation de Maurice Denis, manifeste de la modernité: «Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.» Or il y a quelque chose de prodigieux à percevoir l’infinie profondeur de ce paysage tout simplement en promenant notre regard du premier plan jusqu’à l’horizon.

    Cette puissance spatiale s’explique par l’agencement savant des différents plans qui se rétrécissent au fur et à mesure et qui sont délimités par des courbes harmonieuses reliées entre elles par les frontières des champs et les clôtures des pâturages que la neige laisse émerger. L’essentiel de la surface du tableau est dépouillée, désolée. Le regard doit monter vers l’horizon pour que le tableau prenne un tour narratif. Après la double rangée de pieux ce sont des segments de forêt galerie qui suivent un pli sinueux du terrain. Ensuite, seulement le paysage prend vie et couleur: à une sombre bande forestière succède un ruban de terrain animé de délicates teintes pastel, de rose, de bleu, de blanc matérialisées par d’épais à-plats horizontaux. Enfin, sous un ciel plombé, parfaitement uniforme, d’un gris indéfinissable, Muslin réussit l’évocation, saisissante de vérité, d’un horizon fuyant jusqu’au bord de l’infini et que l’on devine composite. Quelle économie de moyens!

    De cette remarquable organisation se dégage une ambiance sereine propice à la contemplation. Le tableau fait revivre au spectateur captivé, l’attirance, la communion que le peintre a vécue devant le paysage. Il ressent le même apaisement, la même émotion devant tant de calme beauté. Il se laisse gagner par ses propres réminiscences, projette sur la scène ses propres états d’âme. Car, contempler, ce n’est pas seulement porter un long regard sur les choses, c’est faire le geste du promeneur qui s’arrête et se pénètre de leur beauté.

 
    Devant «Champs en hiver», nous sommes bien dans ces dispositions d’esprit, et nous apprécions les valeurs esthétiques de ce tableau que le discours peine à nommer: l’originalité de l’espace figuré, la virtuosité avec laquelle la texture de la neige est rendue, l’influence de la lumière sur la qualité de l’ambiance, la sensation du mouvement par delà la fixité de l’image, enfin, la narration et le pouvoir évocateur que le tableau ajoute au sujet choisi. Autant de domaines d’excellence que Joseph-A. Muslin maîtrise parfaitement.