Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frJoseph Asal
Projet N°1
©
F. Walgenwitz
Projet N°2 © F. Walgenwitz Version définitive © C. Schuller |
Dans les
années 1920,
la congrégation des Frères de Matzenheim fait
appel à Joseph Asal pour la
décoration du chœur de la chapelle du
collège. Il s’agissait de réaliser une
fresque en trois tableaux offerts à l’observation
et à la méditation du jeune
public des collégiens, pensionnaires de
l’établissement privé. Par
conséquent,
elle se devait d’être didactique et
édifiante.
Joseph Asal propose aux Frères un
premier projet, une gouache sur carton de 40x23 cm, aux teintes pastel,
très
faiblement contrastées, harmonieusement
distribuées. Le paysage à
l’arrière-plan,
délibérément exotique,
peuplé de palmiers, pourrait
évoquer la Palestine où se déroula
la vie du Christ.
Le panneau central, d’une composition élégante, présente le Christ en gloire, arborant son cœur. Joseph Asal fait ainsi référence au fait que la chapelle est dédiée au Cœur Sacré de Jésus, ce que corrobore le texte du phylactère porté par les anges chers à notre artiste.
Sacré Cœur de Jésus
Source de toutes les grâces
Qui contient tous les trésors
De la sagesse et de la Science
Bénissez les études et la
vocation
Des enfants de parents croyants
Confiés à la direction de cette maison
Au premier plan, la
fontaine, symbole
de purification, de régénération, peut
s’identifier à la fontaine de jouvence
qui, au jardin d’Eden, jaillissait au pied de
l’arbre de la connaissance. Elle
est source de vertus miraculeuses, «Source de Vie»
Sur les panneaux adjacents, figurent,
dans des positions souvent aléatoires, plusieurs personnages
appartenant au
clergé ou au monde laïc. Ils sont difficilement
identifiables Ce
«flou» artistique est sans doute à
l’origine du refus de ce premier projet.
Nous constatons que le projet N°2
apporte de notables modifications. Le paysage se rapporte à
celui de
Matzenheim, familier aux élèves du
collège. Le panneau central présente le
Christ entouré de Séraphins,
réputés venir à notre secours. Il est
couronné
d’épines et porte les stigmates pour rappeler aux
enfants sa Passion Autre
variante, le Christ en Majesté est
assis, comme le sont les Bienheureux du tympan de Sainte Foy de
Conques, signe
de repos et de félicité…Les anges
étant remontés au ciel, emportant avec eux le
phylactère directif, trop directif(?), Joseph Asal a
été amené à les remplacer
par deux personnages auréolés
qui
surprennent par leur habillement. Ce sont deux jeunes saints
très populaires à
cette époque, donnés en exemples aux
collégiens. A la droite du Christ, il faut
reconnaître Saint
Aloysius (notre Saint Louis
de Gonzague, 1568-1591) qui est habillé comme on
l’était dans son XVIème
siècle
originel. Il est le patron de la jeunesse catholique. Il porte le lys
dont la
blancheur symbolise l’innocence mais aussi
l’abandon à la volonté de Dieu. A sa
gauche, se tient Saint Tharcisius, patronyme d’une grande
famille romaine,
originaire de Tharcis en Andalousie. Par-dessus la tunique, une toge
couvre ses
épaules. Dans ses bras, il serre une palme, signe de son
appartenance au
cortège.des martyrs. Et pour cause. Enfant volontaire pour
porter l’eucharistie
à un malade, il est assailli par des païens.
Refusant de leur révéler le sens
de sa mission et cachant soigneusement la custode qui contient
l’hostie, il est
assassiné. Il est donc présenté ici
comme le martyr de l’eucharistie. Il est le
saint patron des enfants de chœur.
Si cette deuxième étude est
à son tour
rejetée, c’est encore à cause du choix
des personnages proposés par Joseph
Asal. Si leur nombre reste identique, leur identité et leur
fonction sont différentes,
notamment sur le panneau qui est à notre droite. Quatre
enfants sont placés
sous la protection de deux religieux, un frère enseignant,
en génuflexion et,
debout, un prêtre d’âge mûr.
C’est le portrait d’Eugène Mertian,
(1823-1890) père
fondateur de la Congrégation des Frères
de la Doctrine Chrétienne du diocèse de
Strasbourg, c’est-à-dire les frères de
Matzenheim. Il a développé et donné
son orientation au collège, installé en
1862. Il y ouvre un juvénat et y crée une
école libre «Début
d’une grande aventure»…
Quant au panneau qui est à notre
gauche, il reprend, dans la même attitude, un
prêtre qui brandit un livre et
une religieuse en prière. Saint Pierre Canisius (1521-1597),
un des premiers
membres de la Compagnie de Jésus, est l’auteur
d’un très populaire catéchisme
destiné aux enfants. L’objectif étant
d’enrayer la progression du
protestantisme et d’œuvrer pour le renouvellement
de l’Eglise. Il use
abondamment de l’imprimerie: «Le
progrès
doit être mis au service
de Dieu».
Devant lui, à genoux, les mains tendues vers le Christ,
c’est Sainte
Marguerite-Marie Alacoque, (1647-1690). Elle entre, à 24
ans, au couvent de la
Visitation de Paray le Monial. Elle est l’inspiratrice du
culte du Sacré Cœur.
Elle est donc parfaitement à sa place dans cette chapelle.
Dans cette même composition, deux
substitutions provoquent l’étonnement.
D’une part, l’adolescent qui, une main
méditative
touchant le menton, semble ne pas partager la conviction
spontanée des autres
jeunes protagonistes. Est-il le symbole de l’adolescence qui
se cherche?
D’autre part, on
s’interroge sur l’attitude de la jeune fille
à la robe rouge, qui, assise sur
ses talons, paraît totalement étrangère
à la scène à laquelle elle est
censée
participer. Le regard insistant qu’elle porte sur le public
constitué de jeunes
collégiens n’est-il pas susceptible
de
les entraîner à la distraction, de les
perturber?…Telle n’était
assurément pas
l’opinion
de Joseph Asal. Selon lui, cette enfant les invite à entrer
dans
le tableau et
à en capter les précieux messages.
En fait, il s’agirait du portrait
d’une jeune sainte, décédée aux
alentours de 1900, dont le nom s’est malheureusement
effacé de la mémoire des
Frères…
Ce que la version définitive perd, par
rapport au premier projet, en poésie, en
délicatesse des couleurs, en
spontanéité, elle le gagne
en densité,
en intensité, c’est-à-dire en puissance
d’évocation et en cohérence. Dans cette
œuvre aux proportions imposantes, Joseph Asal se
révèle, encore plus
qu’ailleurs, un portraitiste accompli.
Eugène Mertian, père fondateur de la congrégation L'adolescent qui s'interroge La jeune Sainte Aloysius et Tharcisius |
|
archiviste de la Congrégation des Frères de Matzenheim
pour l’aide précieuse qu’il a bien voulu m’apporter.
Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être
faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.