Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Joseph Asal 



Fresque du choeur de la chapelle du collège Saint-Joseph de Matzenheim


Projet N°1
Joseph Asal 38© F. Walgenwitz


Projet N°2
Joseph Asal 39
© F. Walgenwitz


Version définitive
Joseph Asal 40
© C. Schuller
 

    

    Dans les années 1920, la congrégation des Frères de Matzenheim fait appel à Joseph Asal pour la décoration du chœur de la chapelle du collège. Il s’agissait de réaliser une fresque en trois tableaux offerts à l’observation et à la méditation du jeune public des collégiens, pensionnaires de l’établissement privé. Par conséquent, elle se devait d’être didactique et édifiante.

    Joseph Asal propose aux Frères un premier projet, une gouache sur carton de 40x23 cm, aux teintes pastel, très faiblement contrastées, harmonieusement distribuées. Le paysage à l’arrière-plan, délibérément exotique, peuplé de palmiers,  pourrait évoquer la Palestine où se déroula la vie du Christ.

    Le panneau central, d’une composition élégante, présente le Christ en gloire, arborant son cœur. Joseph Asal fait ainsi référence au fait que la chapelle est dédiée au Cœur Sacré de Jésus, ce que corrobore le texte du phylactère porté par les anges chers à notre artiste.

Sacré Cœur de Jésus

Source de toutes les grâces

Qui contient tous les trésors

De la sagesse et de la Science

Bénissez les études et la vocation

Des enfants de parents croyants

Confiés à la direction de cette maison

   

    Au premier plan, la fontaine, symbole de purification, de régénération, peut s’identifier à la fontaine de jouvence qui, au jardin d’Eden, jaillissait au pied de l’arbre de la connaissance. Elle est source de vertus miraculeuses, «Source de Vie»

    Sur les panneaux adjacents, figurent, dans des positions souvent aléatoires, plusieurs personnages appartenant au clergé ou au monde laïc. Ils sont difficilement identifiables  Ce «flou» artistique est sans doute à l’origine du refus de ce premier projet.

    Nous constatons que le projet N°2 apporte de notables modifications. Le paysage se rapporte à celui de Matzenheim, familier aux élèves du collège. Le panneau central présente le Christ entouré de Séraphins, réputés venir à notre secours. Il est couronné d’épines et porte les stigmates pour rappeler aux enfants sa Passion  Autre variante, le Christ en Majesté est assis, comme le sont les Bienheureux du tympan de Sainte Foy de Conques, signe de repos et de félicité…Les anges étant remontés au ciel, emportant avec eux le phylactère directif, trop directif(?), Joseph Asal a été amené à les remplacer par deux personnages auréolés  qui surprennent par leur habillement. Ce sont deux jeunes saints très populaires à cette époque, donnés en exemples aux collégiens. A la droite du Christ, il faut reconnaître  Saint Aloysius (notre Saint Louis de Gonzague, 1568-1591) qui est habillé comme on l’était dans son XVIème siècle originel. Il est le patron de la jeunesse catholique. Il porte le lys dont la blancheur symbolise l’innocence mais aussi l’abandon à la volonté de Dieu. A sa gauche, se tient Saint Tharcisius, patronyme d’une grande famille romaine, originaire de Tharcis en Andalousie. Par-dessus la tunique, une toge couvre ses épaules. Dans ses bras, il serre une palme, signe de son appartenance au cortège.des martyrs. Et pour cause. Enfant volontaire pour porter l’eucharistie à un malade, il est assailli par des païens. Refusant de leur révéler le sens de sa mission et cachant soigneusement la custode qui contient l’hostie, il est assassiné. Il est donc présenté ici comme le martyr de l’eucharistie. Il est le saint patron des enfants de chœur.

    Si cette deuxième étude est à son tour rejetée, c’est encore à cause du choix des personnages proposés par Joseph Asal. Si leur nombre reste identique, leur identité et leur fonction sont différentes, notamment sur le panneau qui est à notre droite. Quatre enfants sont placés sous la protection de deux religieux, un frère enseignant, en génuflexion et, debout, un prêtre d’âge mûr. C’est le portrait d’Eugène Mertian, (1823-1890)  père fondateur de la Congrégation des Frères de la Doctrine Chrétienne du diocèse de Strasbourg, c’est-à-dire les frères de Matzenheim. Il a développé et donné son orientation au collège, installé en 1862. Il y ouvre un juvénat et y crée une école libre «Début d’une grande aventure»…

    Quant au panneau qui est à notre gauche, il reprend, dans la même attitude, un prêtre qui brandit un livre et une religieuse en prière. Saint Pierre Canisius (1521-1597), un des premiers membres de la Compagnie de Jésus, est l’auteur d’un très populaire catéchisme destiné aux enfants. L’objectif étant d’enrayer la progression du protestantisme et d’œuvrer pour le renouvellement de l’Eglise. Il use abondamment de l’imprimerie: «Le progrès doit être mis au service de Dieu». Devant lui, à genoux, les mains tendues vers le Christ, c’est Sainte Marguerite-Marie Alacoque, (1647-1690). Elle entre, à 24 ans, au couvent de la Visitation de Paray le Monial. Elle est l’inspiratrice du culte du Sacré Cœur. Elle est donc parfaitement à sa place dans cette chapelle.

    Dans cette même composition, deux substitutions provoquent l’étonnement. D’une part, l’adolescent qui, une main méditative touchant le menton, semble ne pas partager la conviction spontanée des autres jeunes protagonistes. Est-il le symbole de l’adolescence qui se cherche?

D’autre part, on s’interroge sur l’attitude de la jeune fille à la robe rouge, qui, assise sur ses talons, paraît totalement étrangère à la scène à laquelle elle est censée participer. Le regard insistant qu’elle porte sur le public constitué de jeunes collégiens n’est-il pas  susceptible de les entraîner à la distraction, de les perturber?…Telle n’était assurément pas l’opinion de Joseph Asal. Selon lui, cette enfant les invite à entrer dans le tableau et à en capter les précieux messages.

    En fait, il s’agirait du portrait d’une jeune sainte, décédée  aux alentours de 1900, dont le nom s’est malheureusement effacé de la mémoire des Frères…

    Ce que la version définitive perd, par rapport au premier projet, en poésie, en délicatesse des couleurs, en spontanéité, elle le gagne  en densité, en intensité, c’est-à-dire en puissance d’évocation et en cohérence. Dans cette œuvre aux proportions imposantes, Joseph Asal se révèle, encore plus qu’ailleurs, un portraitiste accompli.

 

    «Il est extrêmement intéressant de voir Joseph Asal aux prises avec une commande et de le regarder évoluer de sa pensée à lui au désir de son commanditaire.» Sœur Marie du Christ estime, par ailleurs,  à juste titre, que «le premier projet de Joseph Asal est bien plus riche du point de vue philosophique et théologique. Il montrait que les études et la vocation ont eu en quelque sorte plusieurs lieux d’éclosion: l’Eglise, bien sûr et aussi l’école. Certes, il s’agit d’un collège chrétien, mais bon…l’heure était aussi à la revendication en Alsace du maintien du Concordat contre la laïcité.»



Joseph Asal 41
Eugène Mertian, père fondateur de la congrégation



Joseph Asal 42
L'adolescent qui s'interroge



Joseph Asal 43La jeune Sainte



Joseph Asal 44
Aloysius et Tharcisius



                                                                                           
Joseph Asal 45

 
    Je tiens à remercier Monsieur Claude SCHULLER,
archiviste de la Congrégation des Frères de Matzenheim
pour l’aide précieuse qu’il a bien voulu m’apporter.


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