Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frFrançois Cacheux
François Cacheux En train de modeler «Femme se lissant les cheveux» |
Allant interviewer
François Cacheux au sujet de l’EADS,
qu’il dirige depuis deux ans, Marc
Lenossos surprend le sculpteur «en
flagrant délit de labeur. Le modèle venait de le
quitter. Il polissait les
rugosités de son modelage: une statue de jeune-fille,
presque grandeur nature,
une adorable académie […] Tandis que je le
félicitais, après m’avoir
concédé
quelques instants de contemplation, poursuit Marc Lenossos, François Cacheux s’empressa
d’envelopper
son œuvre de linges humides. Les demoiselles nues, en terre
glaise, exigent des
soins attentifs. Le moindre abandon les dessècherait.
François Cacheux y prend
bien garde. François Cacheux, docile et fervent serviteur de
son art,
admirateur idolâtre de la
beauté…»
Marc Lenossos lui découvre une
physionomie de faune, non point l’expression d’une
divinité sylvestre à demi
sauvage, «mais d’un faune
distingué qui
soignerait sa barbe, qui fréquenterait les salons et qui, en
connaisseur
averti, se délecterait aux
modulations de la flûte
de Debussy…» L’ayant
rencontré dès sa première exposition
strasbourgeoise, en 1959, il a reconnu en
lui un tempérament débordant de
vitalité, un inextinguible besoin de se
dépenser; d’autre part, une grande
subtilité de pensée et, en toutes choses, un
goût instinctif du raffinement.
Or,
ses œuvres sont le reflet de sa personnalité.
Elles résultent, selon Marc
Lenossos, d’un harmonieux compromis entre la vigueur
d’un Maillol ou d’un Charles
Despiau dont il fut l’élève, et la
grâce fragile des nymphes et des danseuses
d’Alexandre Falguière. Sa technique artisanale,
toujours impeccable, ne le
trahit jamais, apprécie le critique d’art.
«La Matinée» et ses
sœurs qui
symbolisent «le Rêve», «la
Loire pensive», «Aphrodite dansant», ou
qui
représentent «une Jeune-Fille se lissant les
cheveux», idéalisent avec
tendresse et volupté le corps féminin.
«La Matinée», une toute jeune-fille,
surprise dans l’intimité intégrale du
réveil, jaillit de l’engourdissement de
la nuit dans une position, un élan qui appellent
impérieusement
l’assouvissement du désir d’une nouvelle
journée. Le corps est cambré vers de
nouvelles envies. Les jambes ouvertes, offrande innocente et tellement
naturelle, donnent libre cours au bonheur de vivre. Elle
n’est pas de
marbre!...
Ses yeux sont encore clos. Elle
savoure les belles images d’un rêve qui peu
à peu s’évanouit…Mais,
déjà, le
geste gracieux des mains qui lissent les cheveux, anticipe sur les
plaisirs à
venir. Les promesses de l’aube…
Au polissage, François Cacheux lui a
laissé une certaine rugosité qui lui donne un
côté sauvage, version féminine de
l’homme originel, naturellement bon, selon Rousseau? Elle
n’a pas l’esthétique
du lisse de «la Sirène» de Jean
Henninger qui appelle une calme caresse…Elle
est d’autant plus vivante. Elle jouit manifestement du
bonheur d’exister.
Elle est libre, sinon libérée.
Peut-être, pour nous en persuader, nous dirait-elle,
à l’instar de Lou
Andréas-Salomé, citée par
Françoise Giroud: «Je
ne puis vivre selon un idéal, mais je puis très
certainement vivre ma propre
vie, et je le ferai quoi qu’il advienne. En agissant ainsi,
je ne représente
aucun principe, mais quelque chose de beaucoup plus merveilleux,
quelque chose
qui est en moi, quelque chose qui est tout chaud de vie, plein
d’allégresse et
qui cherche à
s’échapper.[…]C’est
l’amour qui vient sans défi, ni sentiment de
culpabilité, un peu comme l’on découvre
quelque chose de béni par lequel le
monde devient parfait.»
Amoureux de la vie et de la liberté, celle de créer notamment, François Cacheux est en phase avec cette «Matinée» triomphante…
Collection particulière François Cacheux La joie de vivre |
faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.