Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frCharles Walch
(1896-1948)
© Ed. Ides et
Calendes
Fleurs et Fruits – 1940 – Huile sur toile (81x65 cm) – Collection particulière |
«
En juin, juillet,
août
1940, il est
obligé de partir en exode en Creuse. Il en rapportera une
magnifique série de
dessins d’arbres et de sous-bois.
Sensible,
patriote et Alsacien, Walch ressentit douloureusement la
défaite. En réaction,
et comme pour proclamer son optimisme et sa confiance en
l’avenir, l’éclat de
ses toiles se fait plus vif et ses bouquets, de plus en plus grands, en
viennent à occuper la majeure partie du tableau
» (Biographie par J.-J. Lévêque)
Ici, ce sont les fruits autant que
les fleurs qui, grâce à une audacieuse rupture
d’échelle sont mis en exergue.
Leur proportion inhabituelle en fait des symboles forts d’une
ruralité
immuable, dissimulée, préservée,
à l’abri, on l’espère, de la
barbarie qui
tente de submerger le monde. C’est l’expression
d’une forme de résistance, de
l’affirmation d’un bonheur malgré tout.
Cependant, une angoisse à peine
perceptible est présente dans les gestes de protection de la
mère envers
l’enfant…
Ce tableau est représentatif
de
l’œuvre de Charles Walch pour plusieurs raisons.
D’abord par la rupture
d’échelle qui hiérarchise les
éléments de la scène. Celle-ci se
retrouve
d’ailleurs, à la même époque
chez De Chirico et Magritte, mais aussi, bien
avant, dans la sculpture romane chez Saint Philibert de Tournus et
Sainte Foy
de Conques ou encore dans la peinture renaissante rhénane du
16ème
siècle. Voyez le corps démesuré du
Christ de Grünewald…
Autre trait spécifique de
l’art de
Charles Walch: la composition qui démultiplie le tableau
à l’intérieur de
lui-même. On distingue, au premier coup
d’œil, trois compartiments: une nature
morte aux fruits et aux fleurs, véritablement, un tableau
dans le tableau, au
second plan, une scène de genre à quatre
personnages et, à l’arrière plan, un
paysage campagnard.
On est frappé aussi par le
contraste, la différence de style entre la nature morte
résolument fauve où
c’est Matisse qui a posé la nappe…et
où Walch se soucie peu de la perspective
géométrique. Alors que le paysage, lui,
traité selon une facture réaliste
quoique naïve, suggère une troisième
dimension, trace en filigrane des lignes
de fuites qui convergent vers le clocher pointu placé sur
l’horizon.
Enfin, une impression de paix nous
envahit. Elle vient de la répartition parfaitement
équilibrée des blancs et des
jaunes qui diffusent la lumière et de celle non moins
savante des teintes
chaudes et froides.
Les cernes noirs qui enserrent les
fruits et le vase participent de l’ambiance du moment mais on
peut aussi y voir
l’annonce d’une évolution de
l’art de Walch vers une écriture plus
aigüe faite
de « longues
lignes (qui) partagent
et zèbrent la toile, construisent l’espace,
balisent une
histoire ». (J.-J Lévêque)
«
Bien qu’on soit en
1940, à l’écoute des misères
du monde
et que la presse d’actualité n’offre que
des images
de villes bombardées, de
foules en transhumance et de visages effrayés, Charles
Walch,
dans le silence
de son atelier, poursuit ses investigations rêveuses dans
l’espace qu’il s’est
créé, qu’il a doté de toutes
les
séductions du rêve, voire d’une
idéalisation.
Comme s’il voulait échapper à la
contrainte du
temps qui fait l’Histoire, pour
n’obéir qu’à celle de la
pérennité des gestes des hommes.
Fidèle en cela
à ce
qui structure son oeuvre depuis les années trente.
» (J.-J.
Lévêque)
faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.