Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frCamille Hirtz
Huile, 81x68cm 1984 © Studio A Neuf-Brisach |
La perception globale de cette œuvre, celle par laquelle commence naturellement toute contemplation, révèle une cohérence absolue de l’abstrait jusque dans la texture qui ne garde pas la moindre trace de pinceau. Tout élément concret est évité, sublimé. Nous sommes dans le Saint des Saints du dépouillement spirituel.
L’architecture de la composition, objectif prioritaire de l’artiste, est remarquable par son parfait équilibre. Point de force centrifuge. L’ensemble est sagement circonscrit. Aucune velléité de franchissement du cadre. Un mouvement cyclique: un monde en soi.
Cependant, on distingue un cheminement de formes qui va de bas en haut, mais qui ne se heurte pas, que rien n’arrête, qui se fond dans la profondeur du tableau. Verticale montante, ascensionnelle.
Les formes dont use Camille Hirtz, plus ou moins réduites, sont purifiées, distillées. S’il «les ramène à une plus stricte essence afin qu’elles n’expriment plus que des relations désincarnées», elles ne sont pas dépourvues de sens, de signification; elles sont porteuses d’un message. Dans ce rôle essentiel que Camille Hirtz leur attribue, elles sont intimement associées aux couleurs qui, comme elles, sont le reflet d’une pensée.
«Il faut pénétrer, nous conseille Joseph-Paul Schneider, l’architecture des masses/couleurs dans son rapport couleur/superficie, pour saisir ensuite les rapports entre couleurs saturées, «désaturées», les rencontres de couleurs aplats, en tenant compte des contrastes simultanés obtenus par la superposition de couleurs transparentes.»
Mais, ce qui dans notre analyse nous frappe à coup sûr, et c’est par là que l’artiste accroche le regard intellectuel du contemplateur, c’est la lumière. Une lumière qui vient de l’intérieur. C’est elle qui donne à la composition sa profondeur, une profondeur insondable, l’inverse du banal relief appelé «3ème dimension…». C’est elle qui donne aux formes leur place définitive que nous n’avons pas perçue au premier abord. Elle les ordonne, les hiérarchise. Elle est l’organisatrice. C’est donc en elle qu’il faut chercher l’intention, l’idée directrice, la source de l’inspiration.
Et, c’est toute la difficulté!...Camille Hirtz est là, dans cette lumière, mais ce sera sans commentaires. Or, des commentaires, des conciliabules se tenaient en famille, une fois la toile terminée. Camille Hirtz échangeait avec les siens impressions, idées, sur les formes et les couleurs pour arriver à donner un titre suggestif. Mais 1984, c’est bien loin!... Gageons cependant qu’ici également le titre constitue l’âme de la composition. Faisons donc le chemin inverse. Prudemment, humblement, essayons d’aller du titre à l’âme…
«Ma Demeure dans le miroir magique». Notre approche globale puis analytique, nous donne à penser que ce titre n’a pas été attribué au hasard, «d’un jeu intellectuel, d’un coup de dé à travers les vocables» (Roger Kiehl). En effet, nous avons déjà croisé certains indices qui nous permettent de déceler des correspondances entre ce que le tableau montre et ce que l’artiste/créateur ressent.
Correspondances entre l’impression de paix, d’équilibre, de quiétude qui retient le regard et l’évocation de la demeure. «Ma» demeure, précisément. Cet adjectif n’est pas un possessif, mais un adjectif affectif. Car la demeure, ici, est le symbole du refuge, de la protection, du sein maternel. Symbole d’un état d’âme heureux, celui d’un homme enraciné dans sa famille.
Or cette demeure n’est pas un enfermement. Elle n’est pas sombre. Il y a de la lumière!...Cette lumière qui nous intrigue tellement. Et pour cause: elle est réfléchie par un miroir magique. Miroir suggéré par la profondeur du tableau, les glacis, les transparences par lesquelles la lumière se manifeste. Un miroir qui ne consent qu’à retenir l’essence des choses. Il ne reproduit pas le visible. Il est symbole de réflexion spirituelle, d’introspection, qui conduit à la transformation intérieure.
Un miroir magique est censé permettre de lire le passé, le présent et l’avenir. Pythagore, selon la légende, avait un miroir magique qu’il présentait à la face de la lune avant d’y voir l’avenir. Il tient de la conviction qu’un reflet peut révéler une vérité invisible, une connaissance supérieure. Camille Hirtz qui, dans sa soif de connaissances a également exploré le domaine des sciences occultes (Rappelons qu’adolescent il découvrit dans un grenier une valise contenant des ouvrages de cette sorte…) considérait-il le miroir magique comme un instrument de divination? Il pouvait aussi le prendre comme symbole de pureté de l’âme. Mais, peut-être, dans l’esprit de Camille Hirtz, a-t-il tout simplement trait au savoir, à la spéculation intellectuelle (en partant du mot grec spéculum = miroir), à la force créatrice qui l’habite.
Pour nous, le miroir magique reflète l’image d’un être stable, en accord avec lui-même ainsi qu’avec le monde qui s’éclaire à la lumière de ses couleurs. Son âme finit par participer de la beauté même à laquelle elle s’ouvre.
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faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.