Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Simon Lévy 

(1886 - 1973)



Le Prophète de Cézanne en Alsace

    Artiste aujourd’hui méconnu, il convient de  donner à Simon Lévy la place qu’il mérite car il fut incontestablement « un des peintres les plus purs que l’Alsace aitconnus au XXème siècle.

    C’est la qualité du «métier» conjuguée au talent et à la pensée de l’artiste qui font l’extrême originalité et le niveau très élevé de la peinture de Simon Lévy»

(Jean-Luc KAHN – Simon Lévy, l’impressionniste alsacien – Editions Coprur – 2011)




Simon Lévy et le Groupe de Mai

   

    Au lendemain de la 1ère Guerre Mondiale, Simon Lévy entraîne un groupement d’artistes alsaciens à se tourner vers Paris, à s’ouvrir aux tendances artistiques françaises et, par là, à s’émanciper du carcan régional. De cette convergence naît, en 1919, le Groupe de Mai, ainsi nommé parce que de 1920 à 1934, il organise, chaque année une exposition au mois de mai. A l’origine, il affiche des vocations multiples. En fait, seule la section peinture perdurera. Composé exclusivement d’artistes peintres alsaciens de la même génération et de même formation, il se révèle homogène et, sans prétendre à l’exclusivité de la vie artistique alsacienne, il en sera l’élément le plus dynamique, à l’influence la plus durable.

    Le Groupe de Mai se stabilise au nombre de dix membres. A savoir: Jacques Gachot (1885-1954), Balthasar-Haug (1890-1965), Edouard Hirth (1885-1980), Martin Hubrecht (1892-1965), Luc Hueber (1888-1974), Louis-Philippe Kamm (1882-1959), Lisa Krugell (1893-1977), Charles Schenkbecher (1887-1942), Paul Welsch (1889-1954) et Simon Lévy qui en fut l’un des deux animateurs avec Balthasar-Haug.

    S’il faut distinguer un style «Groupe de Mai», il s’apparenterait, selon Robert Heitz, au réalisme, un réalisme cézannien, transmis et apuré par Simon Lévy.

    «La leçon essentielle que ces peintres ont tirée de l’aventure profitera à l’ensemble des artistes alsaciens. Ils ont appris à décrasser leur palette; ils ont pris conscience des lois propres à la construction d’un tableau; ils ont appris à interpréter plus librement les éléments du monde extérieur».

© Editions COPRUR
Simon Lévy Edouard Hirth, jouant de la flûte, Huile sur carton - (41.5 x 31cm) – vers 1923 - Collection privée



Simon Lévy, une vie au service d'une oeuvre rare

  

    Simon Lévy est né à Strasbourg, le 29 mai 1886, fils d’Isaac Lévy, banquier. Avant de s’installer à Paris en 1919, il réside au 140 Grand - Rue à Strasbourg. Il restera célibataire et sans enfant. En 1904-05, avec l’assentiment de ses parents, aisés et cultivés, il effectue des voyages d’études notamment en Belgique et en Hollande où il est marqué par les écoles flamande et hollandaise. Il en résulte des productions où la lumière est prépondérante.

    En 1907, à son insu, se produit une rupture dans sa conception de la peinture: «De l’objet, porteur de lumière, je fis le support de constructions colorées et de valeurs rapprochées (….), Ce n’était plus la lumière mais l’harmonie qui me sollicitait et je renonçai à l’utilisation représentative de l’aspect de la nature en faveur d’une conception abstraite». L’objet n’est plus le point de départ, mais le résultat d’une création plastique. Il se construit sans forcément une idée préconçue, mais en se laissant guider par la sensibilité. Ce changement se produit un an avant sa rencontre avec l’œuvre de Paul Cézanne dont il deviendra l’héritier spirituel.

© Editions COPRUR
Simon LévyNature morte aux fruits, huile sur toile (40 x 60 cm) - vers 1930
Collection privée
 

    De 1909 à 1915, une amitié indéfectible le lie à l’expressionniste brabançon, Rick Wouters qui partage sa dévotion à Cézanne. De 1915 à 1917, il suit, à Munich, une formation théorique et technique, ce qui lui confère, comme aux autres artistes alsaciens de sa génération, cette double culture si enrichissante. Après 1919, installé définitivement à Montparnasse, il côtoie Foujita, Man Ray, Picabia, Eric Satie…. C’est l’époque aussi où il entre en contact avec les critiques les plus en vue; notamment André Salmon. De 1920 à 1934, il participe aux expositions du Groupe de Mai. Ce seront ses seuls contacts avec l’Alsace. De ses compagnons du groupe, Edouard Hirth, qui l’accompagne dans de fréquents séjours à Villeneuve-lès-Avignon, subira le plus fortement son influence. Par ailleurs, il participe à de nombreuses expositions avec Marquet, Utrillo, des peintres alsaciens…; d’abord à Paris, puis, après 1926, il s’ouvre à l’Europe (Londres, Bruxelles, la Scandinavie…) et aux Etats-Unis (San Francisco)

    De 1940 à 43, se sachant menacé par les mesures antisémites de Vichy, il quitte Paris pour Villeneuve, puis il se réfugie à Bâle, mettant ainsi sa vie à l’abri de la barbarie nazie. Après la guerre, redevenu montparnassien, il fait la connaissance de Louise de Vilmorin  et du collectionneur Pierre Lévy. Il continue de peindre et d’exposer, «mais, rares furent ceux qui comprirent sa peinture.» (Pierre Lévy)

     Il s’adonne aussi à sa passion de chineur et s’avère être un collectionneur avisé, aux goûts éclectiques. En janvier 1973, âgé de 87 ans, il meurt des suites d’une grippe qu’il avait négligée. «Il laisse son fond d’atelier, ses collections et son appartement. Il laisse surtout une œuvre rare, d’une qualité exceptionnelle, témoin de plus de 60 ans d’un labeur incessant et acharné, en quête de perfection». (J.-L. KAHN)

© Editions COPRUR
Simon Lévy – Vue sur le mont Ventoux - Huile sur toile (38x55cm) - 1941
Collection privée

Une compréhension tout à fait exceptionnelle de Cézanne

    Sachant que l’art commence là où s’arrête l’imitation, Simon Lévy se garde bien de copier son mentor. «Admirons le grand peintre autant que possible, mais sans devenir ses prisonniers». D’une part, la manière de Cézanne comporte trop d’éléments intransmissibles, d’autre part le changement définitif de celle de Simon Lévy en faveur de la prééminence de la couleur sur la forme s’est produit avant sa rencontre avec le maître d’Aix

    Il ne demeure pas moins que les similitudes entre la conception de la peinture, pour ne pas dire la philosophie de l’un et de l’autre sont patentes.

    Quand Cézanne dit: «L’art est une harmonie parallèle à la nature, c'est-à-dire une logique d’organisation selon une loi d’harmonie», Simon Lévy dit: «Ce n’était plus la lumière, mais l’harmonie qui me sollicitait.»

    Quand Cézanne dit: «Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude.», ou encore: «La couleur sera le seul artifice possible permettant de rendre compte de l’espace sur une surface plane.» Waldemar George dit en substance que Simon Lévy ne greffe pas la couleur sur une forme préalable; la couleur devient l’essence du tableau, une manière d’éliminer la ligne, le trait. ou encore que ses plans colorés dispensent le peintre de la perspective linéaire.

    Selon Cézanne: «Peindre d’après nature, ce n’est pas copier l’objectif, mais réaliser des sensations». Ce qui lui importe, c’est de concrétiser ses sensations au seul moyen de la couleur. De même, d’après André Salmon, Simon Lévy s’efforce de traduire l’émotion que lui apporte la nature avec de la couleur. Il a un constant souci de poésie. Il s’agit, pour lui, de reconstruire un monde intelligiblement. Sa sensualité est filtrée par un intellect qui n’abandonnera jamais.

    Autre parenté: celle de la texture. Quand Cézanne adopte le procédé des petites touches courtes, des hachures précipitées, autonomes, pour l’herbe et les collines vertes et bleues, et qu’il cherche toujours à trouver son rythme, chez Simon Lévy, selon J.-L. Kahn, «…les touches en facettes  demeurent  assez fines(…), ce sont les touches colorées qui construisent le sujet de l’intérieur (….). Chaque touche de peinture, chaque «facette» a sa raison d’être et est indispensable à l’équilibre architectural du tableau.»

    Enfin, pour Cézanne, l’objectif est: «Architecturer les formes selon des structures géométriques strictes, pour arriver, enfin, à faire la synthèse de la perception et de l’abstraction (…) Retrouver la simplicité originale.». On connaît la phrase mille fois répétée: dans la nature, tout se ramène à la sphère, au cylindre, au cube…Eh bien, dans ce domaine, même si Simon Lévy  dit: «C’est parce qu’il s’écarte si délibérément du sentiment de la nature que je ne fus pas sollicité par le cubisme.», J.-L. Kahn ajoute que «Malgré cela, à plusieurs reprises, certains aspects cubistes transformés se retrouvent dans les natures mortes de Simon Lévy». En tout cas, ce dernier reconnaît et approuve la simplification de Cézanne: «Cézanne simplifie les formes, sans doute, mais ses formes restent vivantes, grâce à son chromatisme»


    En fin de compte, la communauté de pensée s’avère évidente et nous ne serons pas surpris de lire sous la plume de Lévy:«Sachez que durant de nombreuses années, le saint de la peinture, fut pour moi un excitateur et que son exemple me contraignit à être impitoyable avec moi-même dans le choix de mes moyens d’expression. Ce n’est pas ce que l’artiste fait qui compte, mais ce qu’il est.»

   Ce qui nous intéresse justement, c’est «l’inquiétude de Cézanne» et que «la patience fût la vertu de Simon Lévy.»
© Editions: Les Petites Vagues
Nature morte à la cruche multicolore - Huile sur toile (36x48cm) - Vers 1935
Collection privée

© Editions COPRUR
Simon Lévy - Villeneuve-lès-Avignon, Huile sur toile (54x65cm) - 1935


Bibliographie:

 - Jean-Luc KAHN – Simon Lévy, l’impressionniste alsacien – Informations et visuels.

Avec l’aimable autorisation des Editions COPRUR - 2011

- Robert HEITZ – Etapes de l’art alsacien – Saisons d’Alsace N° 47

- Me François LOTZ – Artistes peintres alsaciens de jadis et de naguère – Editions:PRINTEK

- Pascal JUNG et Jean-Claude WEY - Couleurs et lumières d’Alsace – Editions: Les Petites Vagues



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