Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr
                      


Emmanuel-dit Many Benner 

(1873-1965) 



Etre soi-même, voilà son ambition.
L'art est l'écriture de la vie.

Manny Benner 6cMany Benner (1873-1965)


 

    L’histoire de la musique a été marquée par la prestigieuse dynastie de Jean-Sébastien Bach, amorcée par son père et son oncle et qui fut brillamment étoffée par quatre de ses fils, dont Carl-Philipp-Emmanuel et son demi-frère Johann-Christian. L’histoire de la peinture alsacienne, quant à elle, s’honore de la dynastie Benner. Dans la lignée de Jean (1796-1849), dont le beau-père, Emmanuel Fries, était, comme lui, peintre de fleurs, nous comptons ses deux fils jumeaux, Jean (1836-1906) et Emmanuel (1836-1896), tous deux grands artistes. Enfin, vint, Emmanuel, dit Many, fils de Jean.


Many Benner 7c.jpegGénéalogie Benner - Lignée de Jean


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Margherita, mère de Many

par Jean Benner (1836-1906)

Huile sur toile
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Jean, le père de Many

par Many Benner

Huile sur toile



     

    Le grand-père de Many a épousé la fille d’Emmanuel Fries, Elisabeth, elle-même peintre. Ils résidaient alors en Alsace et, à certaines périodes de leur existence, en Suisse. Leur fils Jean a été dessinateur industriel à Mulhouse, le «Manchester alsacien du textile», une activité alimentaire; puis il a collaboré comme son jumeau Emmanuel avec Théodore Deck sur des décors d’assiettes, visibles dans le beau musée du Florival à Guebwiller. Sa formation à Paris où il fut élève d’Ernest Hebert, proche du symbolisme  et de Léon Bonnat, portraitiste des milieux officiels de la IIIème République, lui permit, par la suite, de vivre de sa peinture. Durant cette période, il était domicilié dans la capitale. En 1866, après le décès, vers l’âge de 25 ans, de sa première épouse, Emma Schoen, lors d’un de ses voyages en Italie, il découvre Capri. Son incomparable beauté le séduit. L’île deviendra sa principale source d’inspiration. Il s’installe dans l’unique auberge de Capri, tenue par Monsieur Pagano, dont il épouse la fille, Marguerite, qui participait à l’activité hôtelière familiale. Activité florissante, puisque les générations suivantes ont ouvert plusieurs hôtels sur l’île. La maison natale de Many était située au niveau de l’Hôtel La Palma, au centre de la ville de Capri. Détruit, il a été reconstruit et c’est aujourd’hui, un hôtel 5 étoiles destiné à la Jet set.




Many Benner 10c.jpegLa maison natale de Many, Jean Benner (1836-1906)
Huile sur toile

    

   

    Lorsque Jean décida de se réinstaller à Paris, au 25 Bd de Montparnasse, puis au 71 Bd de Clichy, Marguerite accepta sans trop de regrets, de quitter son île bien aimée et de cesser toute activité. Jean est décédé à Paris le 28 octobre 1906 et son épouse y a vécu jusqu’à sa mort, en 1926.

    Jean et Marguerite ont eu quatre enfants: Elise, décédée à quelques mois à Capri, puis, successivement Emmanuel qui se fera appeler «Many», Marguerite et Jeanne qui ont tous peint. Marguerite a épousé Edmond Suau, artiste peintre également; quant à Jeanne, elle est restée célibataire et n’a pas eu une très longue vie

    Many est né le 17 juillet 1873. Il vécut une enfance heureuse, dans un milieu familial imprégné d’art et de culture. Son avenir d’artiste peintre était tout tracé. Autour de lui, tout concourait à éveiller sa vocation. Et d’abord l’île de rêve dans laquelle il a vu le jour. Pas de doute que les gênes de ses ascendants l’aient rendu sensible aux tableaux paradisiaques qui s’offraient à lui: ces falaises aux formes fantastiques, dressées à pic au-dessus de la mer au bleu intense et à la transparence cristalline, ces sites plus langoureux des ports-plages de Marina Grande et Piccola avec leur myriade de maisons blanches  nichées dans une végétation quasi tropicale: les lentisques, les myrtes, les acanthes, les asphodèles, ces pittoresques et imposantes ruines romaines, telle la villa Jovis, l’ancien palais de l’empereur Tibère.


Many Benner 11c.jpeg Capri
Huile sur toile



    Bien évidemment, dès son plus jeune âge, il bénéficia de l’exemple de son père et de son oncle et suivit tout naturellement leur trace. Par ailleurs, sa vocation a été stimulée par l’entourage d’artistes prestigieux qui fréquentaient la famille Benner, parmi lesquels il faut citer Jean-Jacques Henner, le célèbre peintre sundgauvien de Bernwiller dont le jeune Many devint l’un des plus fervents disciples.



Many Benner 12c.jpgLa maison natale de Jean-Jacques Henner
Huile sur toile

    Elève de Jean-Jacques Henner, portraitiste recherché, de Benjamin Constant, orientaliste qui a évolué vers le portrait et la décoration monumentale,  de Jules Lefebvre, connu pour ses nus féminins,  de Tony Robert-Fleury, réputé pour ses compositions d’histoire il étudie aux Beaux-Arts à Paris dès l’âge de 16 ans. Or, voici «Les Hellebores», qu’il a peints en 1887, alors qu’il avait 14 ans…Ce petit chef-d’œuvre a certainement fait sensation auprès de ses futurs professeurs qui voyaient en Many un jeune prodige qui force le respect. Le choix du thème s’explique aisément étant donné que Many, dès son plus jeune âge voyait son père et son oncle peindre des fleurs. On constate qu’il sut admirablement profiter de leurs conseils. On retrouve déjà, dans cette œuvre de jeunesse, le réalisme, la fermeté d’exécution, la sûreté du dessin que Jean lui a transmis.

    



Many Benner 13c.jpegEveil de la vocation, à 7 ans.



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Les Hellébores, 1887
Huile sur toile




    Il obtient deux fois le Second Grand Prix de Rome, en 1894 - il a alors 21 ans - et en 1898, de même que plusieurs prix de l’Institut. Le tableau primé en 1898 a été acheté par l’Etat et envoyé, en 1901, en dépôt au musée de Belfort. Plusieurs salons l’honorent de leur médaille, notamment en 1902 et 1905. Son talent ainsi affirmé, il bénéficie, en 1903, d’une bourse de voyage octroyée par le Conseil Supérieur des Beaux-Arts, ce qui lui permit d’effectuer de nombreux séjours qui lui inspirèrent des œuvres marquantes. En Bretagne, en 1896 – voyage pendant lequel son oncle, le peintre Emmanuel décéda à Nantes.-, en Hollande, en Grèce, à Grenade. Très souvent en Italie et en Alsace. Son attachement à l’Alsace, terre de ses ancêtres, le fait revenir souvent à Bitschwiller-lès-Thann où il avait conservé la propriété familiale de l’Alenborn, acquise après sa  donation par un oncle Fries, dans les années 1850. Transmise, à l’origine, à Jean, Emmanuel et à Elisabeth, les jumeaux ont ensuite racheté la part de leur sœur.

    En 1908, il épouse Marthe Maunier-Dollfus, fille du directeur de l’usine de produits chimiques de Thann. En 1910, naîtra son fils unique, Jean-Charles, devenu architecte de renom.



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Jean-Charles adolescent
Capri, 1928
Huile sur toile



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Many Benner au 54ème de ligne, en 1895




    «La guerre de 1914 avec la grande espérance du retour à la France de l’Alsace captive, devait être acceptée avec enthousiasme par le jeune Many» (1) qui, mobilisé dès le début des hostilités, fit son devoir en «ardent patriote», d’abord dans les tranchées, puis dans les services de camouflage. Sans doute, qu’en tant qu’artiste-peintre, on lui reconnut, dans ce domaine, des compétences techniques… Sa ferveur patriotique s’est exprimée dans des œuvres remarquées telle «L’Alsace n’oublie pas» qui est exposée à la préfecture de Colmar et «Souvenir de l’Alsace», exposée à la préfecture d’Agen.
    Après le décès de Jean-Jacques Henner, en 1905, sa nièce par alliance, Marie, et son époux Jules Henner, entourés d’artistes amis comme Many Benner, décident de fonder un musée qui lui serait exclusivement dédié. Dès 1908, Many aide les fondateurs à rassembler sa collection. Il fallut attendre 1923 pour que le projet se réalise par la donation à l’Etat d’un bâtiment situé au 43, avenue de Villiers à Paris, dans le XVIIème arrondissement. Léon Bérard, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, l’inaugura le 7 mars 1924. Dès lors, Many Benner, l’ami intime et disciple du maître, est nommé conservateur à vie. Il supervise de ses conseils les transformations nécessaires et les décors destinés à mettre en valeur la peinture de Henner. Il est, selon les statuts de l’établissement «spécialement chargé de toute la partie artistique, c’est-à-dire du classement, de l’aménagement et de la surveillance des collections et généralement de tous les objets mobiliers garnissant l’hôtel.»




Many Benner 17c
Musée Henner, le Salon aux Colonnes (détail)
©
Harti-Meyer


    Many Benner a résidé à Paris, Boulevard de Clichy, mais également, du moins en 1904, au 23, Rue Victor Massé, non loin de la Place Pigalle. En 1936, lui a été aménagé un appartement de fonction en duplex aux deux derniers étages de l’immeuble où fut installé le Musée National J.-J. Henner. Il y est décédé le 12 novembre 1965. Dans les dernières années de sa vie il souffrait de ne plus pouvoir peindre en raison d’une vision déficiente.



Many Benner 18c.jpegLa tombe de Many Benner
Cimetière du Père-Lachaise


    

    Many Benner était en relation étroite avec cette génération de peintres qui ont fait de la Plaine Monceau le quartier le plus artistique de Paris. Une vogue qui atteignit son apogée vers les années 1890 – 1900. C’étaient, nous dit un témoin passionné: Jean-Louis Vaudoyer, des peintres mondains ou du moins appréciés, prônés par les «gens du monde». Nullement novateurs, sans cependant être académiques, ils se souciaient de plaire à une clientèle élégante, cosmopolite et fortunée. Presque tous médaillés, passés maîtres dans un genre où ils se confinaient, ils couraient après le Prix de Rome qui ouvrait la voie aux commandes de l’Etat. Parmi les plus connus, citons Puvis de Chavannes, Edouard Vuillard, Odilon Redon, Guillaume Dubufe établi au 43, avenue de Villiers, justement, Georges Clairin, portraitiste de la divine Sarah Bernhardt qui habitait aussi ce haut-lieu de l’émulation mondaine et artistique et, bien entendu J.-J. Henner.

    On imagine aisément Many Benner imprégné du style et des préceptes  de son maître, faire régner le clair-obscur issu du sfumato des Vénitiens de la Renaissance, où les chairs résolument livides et nacrées se détachent sur des fonds sombres touchant au monochrome.  Une facture si proche que des spéculateurs lui ont demandé de faire des tableaux dans le genre de Henner. «Il aurait suffi de gratter le B et le tour eût été joué. En fait, on ne vit pas sur le marché des nymphes de Benner avec un H aspiré ou non.» (2)

    Par «La résurrection de la fille de Jaïre, 1902», tableau qui constitue la quatrième tentative pour remporter le Grand Prix de Rome, «Benner veut démontrer son savoir-faire de peintre d’histoire, capable de traduire l’expression de sentiments différents et de maîtriser les techniques de l’empâtement et du glacis.» (3)

    Les œuvres des années 1897-98, notamment «Saint Jérôme» prouvent que Many Benner suit les brisées de son mentor. Sobres et concises, elles vont à l’essentiel; elles attestent la maîtrise de l’anatomie au traitement réaliste et la perfection technique de leur auteur; elles gardent beaucoup du «ténébrisme» qui triomphait au XIXème siècle. Cependant, on constate que le sujet gagne en importance. La manière de peindre n’est plus l’idéal exclusif; des détails anecdotiques apparaissent, le décor cesse d’être allusif. Les thèmes religieux, «St Jérôme» en particulier, rompent avec la douceur mélancolique des nymphes de Henner. C’est qu’ils ont une mission: transmettre un message, un enseignement…


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La résurrection de la fille de Jaïr - Huile sur toile
Collection Musée National J.-J. Henner
© RMN - GP



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Saint Jérôme - 1898
Huile sur toile


 

   

    Les portraits eux-mêmes sortent de l’ombre. Dans cet exercice difficile, l’émancipation de Many Benner est donc également en marche. Et c’est à tort que J.-J. Rousseau affecte de ne compter pour rien la difficulté vaincue, car elle compte pour beaucoup dans le portrait. Many Benner a compris que c’est en observant que le peintre devient habile. Il ne s’agit pas d’imiter, mais de traduire la personnalité du modèle. Il doit faire œuvre de psychologue, être capable de saisir l’expression dominante et personnelle du modèle qui peut se manifester par la bouche, le nez, les rides, le regard. Le regard, pour être vivace, pétillant, exubérant d’intelligence, exige la sagacité de l’artiste. Encore faut-il qu’il acquière la maîtrise du dessin «ce par quoi l’œuvre atteint à une rigueur de composition et à un équilibre interne» dit Claude Levi-Strauss qui rejoint Ingres pour qui le dessin est «la probité de l’art».     A cela s’ajoute la difficulté  de saisir le fond, car « du rapport de sa valeur et de sa couleur avec la masse du personnage dépend la réussite du portrait». (4) Rembrandt l’a bien compris qui disait « c’est parfois un de mes élèves qui peint la tête, mais c’est toujours moi qui exécute le fond.» Many Benner excelle dans ce délicat domaine. Par un emploi judicieux de la combinaison des ombres et des lumières, il sait créer l’atmosphère qui convient.

    

Many Benner 21c.jpegPortrait
Huile sur toile




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Portrait
Huile sur toile





    Sa méthode de travail pour la préparation des portraits, ainsi que des nus d’ailleurs, est manifestement inspirée de celle de J.-J. Henner. Ses dessins sont réalisés sur des papiers qui peuvent être de couleur, d’épaisseur variable offrant des grains plus ou moins rugueux, pour retenir la poudre du fusain naturel, celui qui convient le mieux au dessin préliminaire; il peut être frotté sur le papier avec les doigts ou une estompe (en papier ou en tortillon). Les rehauts sont exécutés à la craie blanche. Le crayon de sanguine, c’est-à-dire la couleur terracotta brun-rouge, est choisie pour sa douceur et la chaleur qu’elle communique au dessin. Pour le report sur la toile, il utilise, comme Henner, des calques qui peuvent être incisés pour servir de poncifs.



Many Benner 23c.jpegPortrait de Marie-Thérèse
Fusain sur papier cartonné



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Dessin préparatoire
Fusain naturel protégé


Exemple de genèse d'un portrait
Many Benner 25c.jpegLe dessin préparatoire



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Le calque



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L'oeuvre
Charles Meunier-Dollfus, 1915
Huile sur toile



    Le nu, un des thèmes majeurs de l’art, et ce depuis la Préhistoire… a toujours été au cœur des motivations des artistes peintres car «il est l’incarnation de la beauté, du mystère, du désir, de l’interdit.» (5) Or ces deux derniers points ont été longtemps sujets à controverse. Si, comme le dit le critique Georges Normandy, la nudité d’une femme belle ou d’un homme parfait n’est pas plus répréhensible qu’un beau lac ou une belle fleur, la foule et même l’élite ne sont pas forcément familiarisées avec la seule nudité humaine digne d’être contemplée, c’est-à-dire la nudité artistique aussi parfaite que possible. D’ailleurs, l’histoire de l’Art prouve que les canons de la beauté ont évolué en fonction des exigences esthétiques et morales de l’époque. Encore à celle de Many Benner, notamment avant 1914, pour qu’un nu soit admis dans les salons officiels et ne scandalise pas le public, le peintre devait le «désexualiser en lui donnant les contours idéalisés d’une statue antique et l’identité reconnaissable d’un personnage biblique ou mythologique.» (5)

    Many Benner «vieille connaissance» du Salon du Nu, est assurément resté attaché aux exigences morales du moment. Le tableau qu’il expose au salon de 1930, intitulé «La Candeur» l’atteste: respect du goût naturaliste, de la précision photographique du second académisme qui se développe à la fin du XIXème siècle. Le critique salue, par ailleurs, le soin et le «métier» grâce auxquels l’artiste a dessiné et modelé cette «Candeur».



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    Le nu, par la difficulté de représenter l’anatomie et la carnation, a permis à Many Benner de démontrer son talent. Mais les règles, les impératifs du Salon ne franchissent pas forcément la porte de l’atelier du peintre. De fait, Many Benner s’en affranchit résolument.

    Henner, déjà, a débarrassé ses nus du carcan historique et mythologique, tout en les montrant «convenables». Ses naïades, aux dires de Jules Claretie, sont des nus «non déshabillés». En revanche, ceux de son disciple, sont des nudités offertes, l’artiste jouant sur la palette des sensations et des sentiments et la «valeur ajoutée du désir» (8) Mais, où seule compte la forme pure.



Many Benner 29c.jpegNu adossé
Huile sur toile




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Esquisse
Fusain et sanguine





Many Benner 31c.jpegL'oeuvre
Huile sur toile


    Dès la fin du XIXème siècle, les artistes peintres ont noué des relations étroites avec la photographie: l’image fixée chimiquement par Niepce, Talbot et Daguerre. Apparue de prime abord comme une rivale parce que considérée comme plus objective, plus moderne et meilleur marché par la bourgeoisie, certains artistes en ont vite fait une complice. (D’ailleurs les premiers photographes étaient souvent des peintres reconvertis, rompus à l’art du portrait). Elle devint rapidement pour eux un moyen d’études préliminaires, un outil technique. Elle simplifia la tâche du modèle vivant en s’y substituant parfois, le délivrant des contraintes de la pose.

    Courbet fit un usage abondant de photos de nus, et, après lui, les nabis tels Vuillard et Bonnard. Apparurent alors des analogies entre les canons de la photographie et ceux de la peinture. C’était devenu, à cette époque, une façon de se libérer de la contrainte académique, du bel idéal, pour une femme plus proche du réel.

    Certains peintres préférèrent garder secrète cette étape du cliché photographique préalable à l’élaboration de leur toile, gardant ainsi une part de mystère au procédé créatif.

    Nous avons la preuve que Many Benner n’a pas dérogé à cette pratique. Il a laissé dans ses archives toute une série de plaques sèches au gélatino-bromure d’argent, une invention  qui date du début des années 1870. Il s’agit d’un procédé sec, très sensible à la lumière (4 asa); sa pellicule, nommée «étiquette bleue», inventée par les frères Lumière, permet de réaliser des prises de vue exigeant des poses relativement courtes (1/60ème de seconde).




Many Benner 32c.jpegPlaque sèche au gélatino-bromure d'argent




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L'étiquette bleue
© Photo: F. Walgenwitz




    A l’exemple de J.-J. Henner et de la plupart des artistes contemporains tels Thony Robert-Fleury, Jules Lefebvre et William Bouguereau, Many Benner a pratiqué une activité de professeur. On lui connaît notamment des élèves femmes identifiées grâce aux programmes annuels des ateliers et aux catalogues de salons.

    Les ateliers privés connaissaient un succès grandissant vers la fin du XIXème siècle car l’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts n’est ouverte aux femmes qu’en 1897. Jusqu’à cette date, elles avaient accès aux académies Colarossi et Julian, dans laquelle officiait Many Benner, au 55, rue du Cherche-Midi, à Montparnasse. Il y dispensait des cours de nu (modèles vivants femmes et hommes «calçonnés»…), de portrait, de composition et de nature-morte.





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Many Benner à l'académie Julian






    De leur côté, Henner et Carolus-Duran, portraitiste et coloriste extrêmement brillant, avaient ouvert «L’atelier des dames» en 1874.

Il est difficile de préciser quelle était la pédagogie de Many Benner. D’une façon générale, selon l’élève américaine, Marie Bashkirtseff, l’enseignement des ateliers parisiens n’a rien de didactique.« C’est à chaque élève de faire ses preuves en tenant compte des remarques proférées par le professeur lors de ses passages hebdomadaires ou bihebdomadaires. Les corrections sont très brèves notamment après 1880 où les classes sont surchargées.»

    Nous savons tout de même, grâce au document ci-dessous que le professeur Benner  pouvait se montrer directif.



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Exemple de directives du professeur Benner




Many Benner 37c.jpegLes élèves de l'atelier, rue du Cherche-Midi, en 1932
On reconnaît à l'extrême droite, Many Benner au côté de son collègue, Henri Zo.


 

    Son arrière-grand-père maternel, son grand-père paternel, son père et son oncle s’étaient fait un renom comme peintres de fleurs; du moins au début de leur carrière artistique, avant de s’élever à «la grande peinture de composition». Aussi, Many Benner suivit-il leur brillant exemple. Son premier tableau connu  n’est-il pas un bouquet d’hellébores? Cependant, dans ce domaine comme dans celui du portrait et du nu, il a su dégager sa personnalité. Clarté, charme et poésie ont succédé au clair-obscur du décor. Les fonds vivent leur propre vie mais leurs nuances chantent harmonieusement au diapason du sujet, en l’occurrence, ce vase de pétunias. La juxtaposition des tons purs, leur palette fraîche, éclatante, glorifient la lumière. Ailleurs, il expose ses zinnias au soleil, leur donne de l’air, les intègre dans la nature. Ils sont en communion avec le paysage familier de l’Alenborn.


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Vase de pétunias
Huile sur toile



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Vase de pétunias, détail



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Bouquet de zinnias à l'Alenborn
Huile sur toile



    Lors de ses voyages d’études et de découvertes, il aimait poser son chevalet et s’adonner à l’observation directe de la nature et de la vie. Il a laissé de nombreux paysages de Capri, de Grèce, et du berceau de sa famille, l’Alsace.

    Sa façon d’aborder franchement le motif, tonifiée par un tempérament qui, devant le paysage, n’a rien à voir avec celui du décorateur, sa spontanéité donc, incite à apparenter Many Benner aux impressionnistes, dans l’esprit: «n’être qu’un œil», sensible à la beauté des choses, où le monde extérieur seul existe; mais aussi de par la technique: sa liberté de pinceau, sa simplification des tons, leur juxtaposition, son gris, auxiliaire des couleurs qui génèrent elles-mêmes les ombres, cette manière de représenter le monde comme «une gerbe de fleurs vives» (6) qui vibrent sous la lumière.

    Many Benner qui s’est libéré de l’académisme ne risquait pas, en flirtant avec l’impressionnisme de s’enferrer dans un autre carcan car il n’y a jamais eu de programme ou de théorie impressionniste à proprement parler. Peut-on confondre un Monet avec un Caillebotte? Mais, c’était bien une peinture qui a contrarié toute l’éducation routinière donnée à l’œil depuis la Renaissance!...

    C’est donc en homme libre que Many Benner s’aventurait sur les sentiers inondés de soleil qui escaladaient les rochers d’Anacapri, à la recherche de l’endroit précis où le spectacle de la mer et du golfe de Naples est le plus saisissant, c’est en homme libre qu’il allait  à la rencontre des vestiges grecs et romains, des témoins de la Capri byzantine et médiévale, qu’il visitait les mystérieuses grottes marines, scintillantes de lumières colorées d’azur, d’émeraude, de topaze, de porphyre pour les immortaliser sur sa toile.



Many Benner 41c.jpgLe spectacle de la mer


Many Benner 42c.jpgMaisons capriotes
Huile sur bois


Many Benner 43c.jpegJean-Charles dans la grotte bleue





    Dans ses notes sur l’art, Many Benner pousse ce cri du cœur: «Comment se passer de l’architecture?» Il lui est manifestement inspiré par les monuments qu’il lui est donné de voir dans son Italie natale. A Pise, il a été subjugué par la beauté et la majesté de ses monuments restés intacts, comme le Dôme et le Baptistère. Devant Venise, il a été sensible à l’atmosphère romantique de la lagune qu’il a peinte avec la plus délicate touche impressionniste. Ailleurs, en Basilicate ou en Campanie, impressionné par la majestueuse rencontre d’édifices Renaissance et de vestiges antiques, il a exalté la joie de sa découverte dans un coloris inédit, jouant sur les contrastes de couleurs pures. Les coups de pinceau chargés, fiévreux, sont dictés par l’intuition, par l’émotion. La forme est soumise à l’expression. Ce qui n’est pas sans rappeler l’assertion d’Edvard Munch: «Dans un état d’âme puissant, le paysage exerce un effet bien particulier sur l’homme.» Il devient une image de son propre sentiment intérieur. Et, c’est là, l’essentiel; la nature n’étant qu’un moyen.




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Pise
Huile sur toile


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L'atmosphère romantique de la lagune
Huile sur toile



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En Basillicate ? Coloris inédit
Huile sur toile


    «La Grèce est un pays aussi beau que pauvre. Le mythe et la légende, les lignes de ses montagnes et de ses côtes, la mer bleue qui l’enveloppe et la lumière dorée qui la beigne constituent les principaux «capitaux» de sa richesse.» Cet éloge que fit, en 1953, R. Agathoclès, président de l’office national du tourisme, aurait pu être prononcé par Many Benner qui plaçait l’art hellénique au plus haut. «C’est la patrie du beau. C’est là que le génie humain a atteint la plus grande pureté en cherchant le vrai…» A l’appui de cette assertion, il convoque Platon: «Le beau, c’est la splendeur du vrai.»

    Many Benner n’a pas seulement planté son chevalet sur les sites les plus illustres. Féru d’art grec, il a également donné des conférences sur l’Acropole, Delphes, le Péloponnèse, la Thessalie, sur l’Attique et l’Arcadie, au charme si particulier…Il a rendu hommage à la pureté des formes des statuaires. «Comment, dit-il, en Grèce, sous cette lumière si limpide, si légère, ne pas faire des images pures, grandes par la perfection des proportions?»

    Ses notes sur l’Art stipulent «qu’une des premières nécessité (pour l’artiste) est de voir, mais ce n’est pas la seule, et puis, il faut savoir voir et cela ne vient parfois qu’après bien des études.» Or, Many Benner s’est manifestement forgé ce don. Il le prouve  avec son Acropole émergeant de la poussière d’or qui auréole immuablement la cité. Il a rendu fidèlement la lumière du ciel de l’Attique qui se caractérise à la fois par sa douceur et la netteté qu’elle donne aux objets. «Elle confère aux choses une sorte d’éclat intérieur.» (7)




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Le Parthénon
Huile sur toile


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Le site de Delphes
Huile sur toile



    Many Benner savait qu’à l’époque de la Grèce classique, la musique et la poésie, «indissociables selon le mythe», (7) faisaient partie intégrante de la vie. Il connaissait leur fonction magique (orphique), religieuse, éthique,  thérapeutique…décrites par Platon et Aristote. Il a essayé d’en ressusciter la pratique en peignant cette jeune fille jouant de l’antique aulos, précurseur du hautbois, que Picasso lui-même représentera, en 1946, sur sa monumentale «Joie de vivre»




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Jeune fille jouant de l'antique Aulos
Huile sur toile


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Etude




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Picasso, "La joie de vivre", Antibes - 1946
© Photo: F. Walgenwitz



    Si, comme le relève Me Lotz, Many Benner n’a exposé que peu en Alsace, il y passa de fréquents et longs séjours dans la ferme familiale du «Vordere Alenborn» à Bitschwiller-lès-Thann, dans la montée du col du Hundsrück.

    L’Alsace et les Alsaciens lui ont inspiré bien des sujets, notamment des portraits comme celui de Jules Scheurer, industriel, ou celui Mr Wetterlé, prêtre, journaliste et polémiste.

    Lors de ses excursions vers nos pittoresques villages de Basse Alsace qui l’attiraient fortement, il a fixé sur la toile les scènes de la vie culturelle comme la procession de la Fête-Dieu de Geispolsheim, le village aux nœuds rouges!...

    Bitschwiller et la vallée de la Thur figurent également en bonne place sur les cimaises  de ses expositions, notamment celle de l’été 2017, au musée sundgauvien d’Altkirch. Paysages bucoliques, balcons fleuris, vues sur la vallée et la plaine d’Alsace, sont traités en teintes délicates dans une manière pleine de sensibilité, témoignant du plaisir de Many Benner à traduire son attachement à notre province.

    Son engouement pour l’architecture s’est confirmé dans le choix des autres thèmes: Porte de Thann à Cernay, maison à Riquewihr, où le dessinateur prime sur le coloriste.




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Portrait de l'abbé Wetterlé, 1914

Crayon



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Alsacienne portant la coiffe de Geispolsheim

Huile sur toile




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Alsacienne protestante, à la coiffre noire

Fusain rehaussé de sanguine




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Bitschwiller-les-Thann, vu de l'Alenborn
Huile sur toile




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Vue sur la Plaine d'Alsace, depuis le Freundstein

Huile sur toile




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La Porte de Thann à Cernay

Huile sur toile




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Maison à Riquewihr

Huile sur toile



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La Tour des Sorcières à Thann

Huile sur toile


    Many Benner était certainement heureux d’être né à la suite de cette dynastie aux prestigieux talents, de bénéficier de leurs précieux conseils, de voir fleurir, sur la toile, leurs bouquets aux agencements sans cesse renouvelés. Il a crayonné son père (ou son oncle) vu de dos en train de peindre. N’est-ce pas le signe tangible du désir, de la volonté d’en faire autant, d’égaler le mentor, d’être un jour, digne de lui?


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Jean ou Emmanuel peignant

Crayon



    Mais, Many a compris bientôt que l’art n’est pas la perpétuation d’une tradition. Il a compris que l’art commence là où s’arrête l’imitation. S’il a peint les anémones comme l’aurait fait Jean ou Emmanuel, ce n’est pas par contrainte, mais par adhésion, acceptation, respect de leur savoir-faire, résolu, qu’il était, à accéder à la maîtrise, à s’approprier le «métier».

    Or ce «métier», il le mit délibérément au service de la vie. Contrairement à ses prédécesseurs (Ingres), il se mit naturellement en consonance avec sa sensibilité, au lieu de faire le choix réfléchi de ce qui est dans la nature propre du sujet. Alors, peindre, c’est saisir et transmettre une jouissance esthétique suggérée par la beauté remarquable d’un paysage de Capri, c’est donner libre cours à l’émotion ressentie devant un site fondateur comme Delphes, c’est épancher l’attachement sentimental, la nostalgie pour ses lieux de vie, méditerranéen et alsacien.

    Dès lors, son art devient l’expression de la liberté, le droit à l’imagination. Au-delà du talent, mais forcément après lui, c’est la spontanéité qui prime.

    Certes, il y avait toujours une différence entre les modalités d’une commande, portrait ou fresque et la libre initiative. Mais, c’est bien celle-ci qui est représentative de l’évolution de l’oeuvre de Many Benner qui se définit essentiellement par son caractère de totale liberté         

Quand il eut cessé de peindre «à la manière de», il s’est promené devant l’impressionnisme, le fauvisme, l’expressionnisme….sans s’arrêter, en restant résolument lui-même, jouant avec les couleurs, traquant la lumière, appréciant l’atmosphère, pour aboutir à cet instantané du petit berger assoupi, appuyé sur sa houlette: une prouesse de célérité, d’économie de moyens et de pouvoir d’évocation. L’appréciation que nous lui apportons est la preuve que la spécificité d’une œuvre d’art constitue un mystère dont on ne peut guère rendre compte

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Many Benner 61c.jpegJouer avec les couleurs


Many Benner 62c.jpegTraquer la lumière


Many Benner 63c.jpegApprécier l'atmosphère


Many Benner 64c.jpegL'aboutissement ?




   Outre les deux Seconds Prix de Rome (1894 et 1998) Many Benner obtient plusieurs mentions et médailles décernées par l’Ecole Nationale des Beaux-Arts, dans les années 1895 -1901, pour des épreuves telles que esquisses, têtes d’expression, grandes figures peintes…Plus tard, il obtiendra plusieurs prix de l’Institut. En 1902 et 1905 notamment il reçoit des médailles dans plusieurs salons.

    Membre de la Société des Artistes Français, il en devient le vice-président. Il est également vice-président de l’Association Taylor, association ayant pour but d’aider les artistes en difficultés.

    Des missions d’expertise lui sont confiées qu’il remplit jusque dans les années 1950

    En 1927, il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur.

    Il expose au Salon des Artistes Français, notamment en 1902 et en 1905 (médailles et hors concours), à la Société Nationale des Beaux-Arts de Paris en 1906, au Musée des Beaux-Arts de Paris en 1912. En Alsace, il expose à Strasbourg, à la Maison d’Art Alsacienne en 1906 et en 1912, puis, avec des artistes vivants de l’Est de la France en 1923 et en 1925 et, à la Galerie Aktuaryus, en 1929. En 1893 ainsi qu’en 1902, il est accueilli par la Société des Arts de Mulhouse. Enfin, il est présent à Thann en 1923.

    En 1924, dans le cadre du «groupe de l’Erable», il organise, au Canada, dans la province du Québec, une exposition à laquelle participent plusieurs artistes français.

    Les musées de Charleville, du Havre et de Mulhouse s’honorent de posséder des œuvres de Many Benner.

    Par donation de Jean-Charles Benner, le Musée national J.-J. Henner a acquis

Jean-Baptiste enfant de 1897, huile sur toile (1,06x1,70)

Souvenir de Bretagne de 1897, huile sur toile (1,22x1,74)

La piscine de Bethsaïda de 1898, huile sur toile (1,47x1,14)

La résurrection de la Fille de Jaïre de 1902, huile sur toile (1,15x1,47), 

quatrième tentative infructueuse pour remporter le Grand Prix de Rome

 Pifferari de 1905, huile sur toile (1,46x1,14)




Bibliographie


- Bulletin municipal N° 27 - Un artiste peintre qui exerçait son art à Bitschwiller: Many Benner (1873-1965)  (1)

- Collectif - Musée national Jean-Jacques HENNER, De la maison d’artiste au musée.- Ed. Somogy – 2016. Textes de Claire Bessède,(3) Cécile Cayol, Benoît Giraud, Emmanuel Bréon, Rodolphe Rapetti,(2) Isabelle de Lannoy, Isabelle Magnan

- Georges Normandy – Le Nu au Salon - 1930

- Hector Obalk – (8) Aimer voir - © Hazan, Paris, 2011

- Charles Wentinck - Histoire de la peinture européenne - Marabout Université - 1961

- Elie Faure – Histoire de l’Art – Le Livre de Poche – 1965 (6)

- René-X. Prinet - Initiation à la peinture – Flammarion – 1948 (4)

- Ray Smith – Le manuel de l’artiste – France-Loisirs - 1989

- Claude Lévi-Strauss – Regarder écouter voir – Le Grand livre du Mois - 1993

- Michel Déon – Pages grecques – Gallimard - 1993

- L’Italie – Editions Odé - 1949

- La Grèce – Editions Odé – 1953 (7)

- Paris – Editions Odé - 1949

- André de Fouquières – Mon Paris et ses Parisiens. Pigalle 1900 -  Ed. Pierre Horay - 1955



   Crédit Photographique
- Jean-François Benner, sauf mention spéciale





Portfolio
 Many Benner 65c.jpgLes Jacinthes
Huile sur toile réalisée à l'âge de 7 ans




Many Benner 66c.jpegLa Toilette
Huile sur toile





Many Benner 67c.jpegPortrait de Jean-Charles, 1912
Huile sur toile




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Capri
Huile sur toile




Many Benner 69c.jpegPaysage Capriote
Huile sur toile




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Venise
Huile sur toile




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Grenade
Huile sur toile




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L'Alenborn
Huile sur toile



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