Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Luc Hueber 

(1888 - 1974)



Le plus alsacien de nos peintres


  © Klaus Stöber
Autoportrait, 1912
 Huile sur toile (42x33 cm) – Collection particulière



    

    Luc Hueber est devenu artiste peintre parce qu’il le voulait bien; parce qu’il le voulait à tout prix…Et il lui en a fallu de l’obstination, de la ténacité, de l’entêtement pour imposer son choix impérieux à son père. Dès lors, maître de son destin, Luc Hueber a vécu en artiste heureux.

     Luc Hueber est né à Sainte-Croix-en-Plaine le 27 septembre 1888. Très tôt, ses parents vont habiter Strasbourg, rue de l’Ail. «J’ai passé à peu près toute ma vie dans le vieux quartier que domine le coq de Saint-Nicolas: rue de l’Ail, rue Saint-Nicolas, rue des Bouchers.»

    Les premières manifestations de sa vocation n’étant pas du goût de son père, haut fonctionnaire aux hôpitaux de Strasbourg; celui-ci propose à son fils d’exploiter son second penchant: l’art culinaire! Après deux tentatives malheureuses dans ce domaine et un engagement avorté dans la Légion  Etrangère, son père cède enfin et inscrit Luc, alors âgé de dix-neuf ans, à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg où il devient l’élève de Cammissar, avec pour camarades, Allenbach, Soween et Frantz. Après deux ans de formation comme peintre sur verre, il effectue un court passage dans l’entreprise Ott Frères à Strasbourg (1), avant de partir pour Metz où il copie des vitraux du 16ème siècle. Comme beaucoup d’artistes alsaciens de sa génération, il tient à suivre l’enseignement d’une académie allemande. Il choisit celle, prestigieuse, de Munich où il admire l’art figé de la Pinacothèque, mais aussi et surtout «l’art vivant» des galeries. Il y réalise un autoportrait marqué par l’influence du fauvisme: «brossé de coups de pinceaux vigoureux, dans des coloris vifs et lumineux juxtaposés à des zones sombres.» (Pia Wendling). En 1914, en tant que dessinateur, il participe aux travaux de restauration de la cathédrale, tout en se consacrant à ses propres créations auprès d’Allenbach et de Gachot qui lui ouvrent leur atelier.

"Depuis je peins, et la vie est belle..."

 
   Après la sombre parenthèse de 14/18, il acquiert un atelier, rue Saint-Nicolas et se voue entièrement à la peinture. «Depuis, je peins et la vie est belle». Il se perfectionne auprès de Charles Guérin et fréquente la Grande Chaumière à Paris. En 1919, il adhère au Groupe de Mai (qui expose une fois l’an, au mois de mai, à Paris, jusqu’en 1934), groupe homogène de dix artistes appartenant à la même génération et sortant d’une formation semblable dont l’influence sur la peinture alsacienne sera la plus durable. Au contact de Simon Lévy, un des animateurs du groupe avec Hans Haug (Balthasar), il découvre l’œuvre de  Cézanne. «La quinzaine d’années de l’adhésion au Groupe de mai correspond chez Luc Hueber à une période particulièrement féconde et riche en expériences et enseignements» (Pia Wendling)


© Klaus Stöber

L’atelier de Luc Hueber, 1942
Huile sur toile (54x65,5 cm) – Collection particulière


En 1923, il fait le voyage – obligé pour tout peintre…à Florence.

En 1924, il loue l’ancien corps de garde de la Petite-Pierre, dans les Vosges du Nord où il aimera séjourner et qui restera intimement lié à sa peinture.

En 1928, il bénéficie d’un contrat passé avec un syndicat de mécènes strasbourgeois, ce qui le libère des soucis matériels et lui confère la sérénité nécessaire à un artiste créateur.

En 1930, il connaît la consécration: son exposition à la galerie Armand Drouant à Paris est un succès considérable: les critiques comparent sa peinture à celle de Chardin, de Manet…

De 1940 à 45, l’occupation nazie le contraint à restreindre son activité. La Petite-Pierre lui sera alors un précieux refuge

La paix revenue, il entre dans une période faste; en 1946, son exposition d’une centaine d’œuvres à la Maison d’Art Alsacien, est un triomphe.

En 1947, les DNA, sous la signature de Robert Heitz, lui consacrent une biographie illustrée de trente-deux reproductions.

Par la suite, il participe à de nombreuses expositions de groupe et expose individuellement à la galerie Aktuaryus.

En 1968, pour célébrer son 80ème anniversaire, la ville de Strasbourg organise une grande exposition.

 Luc Hueber décède à Strasbourg, le 20 avril 1974



© Klaus Stöber

La Maison des Païens à La Petite Pierre, 1940
Huile sur toile (46x55cm) – Collection particulière

    


Ses productions sont d’abord marquées par l’influence fauve acquise dans le milieu très ouvert de l’académie de Munich. (En témoigne son autoportrait). «Dans toutes ses œuvres le l’immédiate après-guerre, il travaille sa peinture de larges coups de brosse, avec une pâte généreuse qui lui permet de traduire en quelques traits, frisant presque l’abstraction,  les détails de ses compositions.» (Pia Wendling)

    Puis, après une courte expérience pointilliste, au sein du Groupe de Mai, il adhère au réalisme cézannien. De l’esprit cézannien, il retient la rigueur de la composition, la simplification des volumes  et la discipline de la couleur. En fait, il ne s’enferme dans aucun système, dans aucun de ces «ismes», terminaison des mots «qui sont l’outillage de la critique d’art moderne…Il cherche inlassablement à serrer de plus près la réalité des choses» (Robert Heitz). Aussi, les tendances qui se manifestent autour de lui ne l’intéressent guère car «Elles ne correspondent qu’à l’impérieux besoin des snobs à voir du nouveau à chaque saison et à faire le l’art une section de la haute couture.

    Il s’adonne à d’incessantes expériences en vue du chef-d’œuvre. Il les place au-dessus de ce que l’expérience des grands artistes a pu lui apprendre» (Robert Heitz)

"Ce gourmand a le goût des choses succulentes "

    

    Sa thématique est, dans toute cette période constituée de natures mortes, de nus, de scènes d’intérieur, avec de rares portraits (Sauf durant la 2ème guerre mondiale pour subsister en se cantonnant dans les genres tolérés…). Ses natures mortes sont peuplées d’objets-symboles, témoins d’un art de vivre et d’un évident épicurisme. «Ce gourmand a le goût des choses succulentes» (Robert Heitz) Il manifeste aussi par là son attachement à ses racines, à l’âme de l’Alsace.

    En 1928, il découvre l’Ecole de Paris. Du coup, «sa palette privilégie les coloris frais et acidulés, les bleus pastels et les roses tendres rehaussés d’une pointe de noir sous la forme d’un détail qui fait vibrer les couleurs». (Pia Wendling). Mais les paysages et les natures mortes qui en résultent ne le satisfont pas…Et, après 1930, rentré à Strasbourg, redevenu lui-même, il produit des paysages aux coloris puissants affranchis de la forme. C’est à cette époque qu’est né le paysagiste Hueber!... «Un paysage de Luc Hueber est toujours robustement charpenté, solide, gras de matière, fortement contrasté» (Robert Heitz).

    C’est en peignant le vieux Strasbourg qu’il est le plus à l’aise. Non pas les banales cartes postales, mais les quartiers les plus humbles, le quai des Bateliers, le Finkwiller et surtout sa chère Krütenaü «qui disparaît un peu plus chaque jour sous la pioche des démolisseurs» (Robert heitz)

  

    «Ivre de couleur, (il) nous fait partager son ivresse» (R. Heitz) La couleur qu’il affectionne plus que tout marque son œuvre d’une grande et indéfectible cohérence. Bien dans sa province, il nous communique sa joie de vivre. Il nous enchante de sa vision heureuse de l’Alsace. Et, comme dit si bien le critique Marc Lenossos: «Il est agréable de constater qu’il a toujours été et qu’il demeure un des meilleurs, sinon le meilleur de nos peintres alsaciens.»

 

(1) Très belles réalisations en l’église de Sewen.

 

 

 Bibliographie:

- Robert HEITZ – Luc Hueber, 1947 – Editions: DNA

- Robert HEITZ – Etapes de l’art alsacien. – Saisons d’Alsace, N° 47 – Editions ISTRA, Strasbourg, 1973

- Pia WENDLING – Luc Hueber (1888–1974) – Musée Historique de Haguenau, 17juin-28septembre 2003 – Commissaire de l’exposition: Pia Wendling

Mes remerciements à Madame Pia Wendling, Conservatrice du Musée Historique de Haguenau pour l’aimable autorisation à publier les visuels, pages 1 à 9.

- Me François LOTZ – Luc Hueber– Artistes peintres alsaciens de jadis et naguère. (1880-1982) – Editions Printek, Kaysersberg, 1987

 - Hélène BRAEUNER avec la collaboration de Catherine HUEBER-FONNE – Les peintres et l’Alsace, autour de l’impressionnisme – Ed. La Renaissance du Livre – 2003.

- Interview de Madame Catherine HUEBER-FONNE

- JACQUET-BANQUET (Mireille) - Luc Hueber 1888-1974, texte inédit, travaux préparatoires en vue d'un mémoire de maîtrise.



© Klaus Stöber
Nu, 1920
Huile sur toile (108x82 cm) – Collection particulière


© Klaus Stöber

Nature morte aux citrons, 1914

Huile sur toile (66x66 cm) – Collection particulière


© Klaus Stöber
Nature morte aux gibiers, 20XI 1931
Huile sur toile (97x130 cm) – Collection particulière


© Klaus Stöber
Le Pont aux chats
Huile sur toile (50x66 cm) – Collection particulière


© Klaus Stöber

Le boulevard Wilson, vers 1960
Huile sur toile (60x73 cm) – Collection particulière


© F. Walgenwitz
Fontaine
Huile sur toile – Collection particulière




  © Photo Musées de Strasbourg
Auto-portrait de l'Artiste
Huile sur toile – Musée d'Art Moderne et Contemporain Strasbourg




© Photo Musées de Strasbourg
Femme de l'Artiste
Huile sur toile – 1937 - Musée d'Art Moderne et Contemporain Strasbourg



© Photo Musées de Strasbourg
Femme Debout
Huile sur toile – 1926 - Musée d'Art Moderne et Contemporain Strasbourg




© Photo Musées de Strasbourg
Les Châteaux d'Ottrot
Huile sur toile – 1938 - Musée d'Art Moderne et Contemporain Strasbourg




© Photo Musée Historique Haguenau
Portrait du peintre Jacques Gachot
Huile sur toile – 1921 - Musée Historique de Haguenau



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