Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr
                      

 

André Bricka 

(07 Fév. 1922 - 1999) 

  

Andre Bricka 95c.jpg © Annette Wolff
André Bricka



«Si l’on pouvait, avec des phrases, faire le croquis d’un peintre, j’emploierais pour André Bricka des mots racés, couleur de noblesse, tout imprégnés d’une distinction naturelle; des mots calmes, décrivant des gestes mesurés. Il me faudrait aussi, pour tout le personnage, de quoi traduire une intelligence profonde, un sens psychologique très sûr, une souplesse d’esprit qui en est le témoignage et une culture qui s’avance sur les terrains les plus variés.»

    Nous devons ce portrait affectueux et ô combien sensible, à Jean Christian qui a bien connu André Bricka, un ami…

 
    Strasbourgeois de naissance, André Bricka est resté domicilié dans sa ville natale, bien qu’il ait partagé son temps entre la Grèce, les Cyclades en particulier, et la France

    Son envie de devenir artiste-peintre, son désir de se familiariser avec l’histoire de l’art et de pénétrer les arcanes de l’art moderne, le conduisent à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg, école municipale «respectueuse de la sensibilité, de la mentalité et des traditions régionales, enseignant l’artisanat d’art, c’est-à-dire le savoir-faire, les lois des proportions justes et de l’harmonie, le style et l’histoire.» (1)



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© Annette Wolff

Ma Maison natale à la Krutenau, 1959



    La tragique parenthèse de la guerre de 1939-45 n’avait pas modifié les principes de base académiques mais, par contre, affirme Camille Claus qui en a fait l’expérience, elle a «radicalement bouleversé la vie des élèves dont quelques-uns s’appelaient André Bricka, Alfred Edel, Louis Fritsch, Jean Henninger, Camille Hirtz, Jean-Jacques Hueber, Louis Wagner et moi-même (que les oubliés me pardonnent!) Mobilisés par la France en 39, l’Allemagne les incorpora de force, selon leur âge, entre 1942 et 1945. Adieu études, projets, jeunesse! L’école de la peur, de la souffrance et du scepticisme remettait en question le sens même de l’art, lequel, face à la barbarie, apparaissait comme un procédé dérisoire» (1)

    André Bricka, blessé, déserta, fut condamné à mort et sauvé de justesse par l’armée américaine. Il put rejoindre Strasbourg à la Libération, un Strasbourg hébété et complexé: «les séquelles de l’occupation nazie n’étaient pas prêtes de s’éteindre.» (1) Le groupe disparate des jeunes artistes libérés, meurtris et amers constituait la nouvelle génération qui espérait renouveler l’art. «Cependant, poursuit Camille Claus, la vie culturelle alsacienne restait dans l’expectative. On apprenait que Paris était le nombril de l’art et le tremplin obligatoire pour l’artiste qui voulait être reconnu.» (1)

    André Bricka répondit aussi à cet irrésistible appel et se rendit à Paris, fréquenta l’Académie d’André Lhote, adepte du «tout décoratif» et la Grande Chaumière, familière à beaucoup de jeunes artistes alsaciens, depuis longtemps…

    Roger Marx, un idéaliste, s’offre de guider cette jeune génération désemparée face à l’art occidental qu’elle retrouve disloqué dans son évolution tous azimuts, «dans le choix de la marche à suivre.» (2) C’est ainsi qu’est né, en Octobre 1945, le «Groupe de l’Issue», titre libérateur, tout en promesses… «Association avec un local, qui se donnait comme but des échanges d’expos que nous espérions fructueux avec Paris» nous dit André Bricka, membre fondateur. Tout en affirmant une personnalité sans concessions, acceptant comme seule loi «l’impératif d’une expression qui (lui) soit propre», il a pu faire siennes certaines doctrines de l’Issue qui prônaient «l’approfondissement de notre connaissance du réel, la nécessité de l’intelligible», évitant par conséquent le surréalisme et l’abstraction. Pour autant il ne s’est pas plié à «l’imitation créatrice» prise comme convention fondamentale…

 

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Le Clown amoureux, 1947
Huile

 

   

    

    «L’argent est le nerf de la guerre, il est aussi celui du succès, affirme très justement Camille Claus. Nous n’en possédions pas et personne ne nous en prêtait. Le soutien médiatique se réduisait à trois lignes. Il n’y avait point de mécènes ni de sponsors et le ministère de la Culture n’était pas né.» Il était, par conséquent difficile, voire impossible, de vivre de son art. Seuls ceux qui ont pu profiter de l’ombre protectrice du 1, Rue de l’Académie (l’EADS) pouvaient exercer leur art sans soucis matériels. Ce ne fut pas le cas d’André Bricka «Qui craignait de s’embourgeoiser». Il avoue lui-même à Jean Christian, en 1989: «A mes débuts, vendre ne comptait pas beaucoup. On se débrouillait pour survivre».

    Cependant, en 1960, après la nomination de François Cacheux à la tête de l’EADS, André Bricka fut chargé, avec Jean-Jacques Hueber, des cours du soir de l’atelier de peinture placé sous l’autorité de Louis Wagner, «un véritable artiste, reconnaît François Cacheux, qui convenait aux étudiants de grand talent influencés par André Bricka» Que Cacheux, à son grand regret, ne put faire nommer à temps complet. Grâce à ses brillants succès au CAFAS et aux diplômes nationaux, l’Ecole fut admise en 1ère catégorie. Un ajustement conséquent des salaires des professeurs et l’allègement de leur temps de présence qui s’ensuivirent, leur furent profitables. «Wagner augmenta ses expositions, Hirtz également qui enseignait avec Camille Claus, second recrutement décidé par Robert Heitz qui, je le rappelle, aimait bien notre Ecole et défendait au Conseil Municipal nos projets d’agrandissement. […]. La cote d’André Bricka montait à Strasbourg et à Paris.», nous apprend François Cacheux.

    Le vendredi soir, après les cours de l’EADS, quelques professeurs «amis de longue date» (3), dont André Bricka, avaient pris l’habitude de se retrouver au «Pfifferbrieder» pour déguster une bière et parler peinture «naturellement» «C’est ainsi que l’idée de former un groupe au sein de l’AIDA, un peu à l’image du Groupe de Mai, a peu à peu germé dans l’esprit de Jean-Jacques Hueber.» (3) Cela s’est passé durant l’hiver 1958-59. Le vernissage de la 1ère exposition eut lieu le 21 mars 1959, sous le vocable de «Salon de l’Oeuf», symbole d’un certain idéal

André Bricka présentait des paysages ramenés des Asturies ou «de cette Provence qu’il interprétait alors très librement en jouant avec élégance du gris et de l’ocre.» (3)

 

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Les Alpilles, 1971
Huile



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© Annette Wolff
Saint-Cyprien, dans les Asturies, 1964 - Huile




Collection particulière
Paysage provençal
Huile

 

 

    

    Le groupe était animé d’un indéniable esprit d’équipe, affirme Louis Fritsch, bien que chaque membre - 10 quand il était au complet - restât  fidèle à lui-même, subissant ses propres «métamorphoses», avec un goût prononcé pour la recherche indispensable dans l’enseignement. Dans ses prestations de 1966, «Bricka s’installait dans une vision réfléchie, construite, stylisée, sobre de couleur» (3).

    A partir de là, Bricka, fidèle à sa galerie de la Rue Brûlée, marqué par sa volonté d’indépendance, garda une certaine distance par rapport au groupe. A la suite des critiques négatives de l’expo de «l’Oeuf» à Stuttgart, en janvier 1967, qui déploraient l’absence «d’expériences extrêmes», le groupe se disloqua «Le 10ème anniversaire de 1969 ne fut pas fêté, le Groupe de l’œuf avait vécu.» (3)

    «Ici intervient le concept de liberté. La loi du groupe est une contrainte même si elle est librement acceptée. Elle a pour objectif la stimulation réciproque et elle est favorable à la recherche d’un style. Lorsque cette émulation vient à manquer, chacun pense à nouveau à son indépendance. Ainsi, il n’est pas facile de travailler en vue d’une exposition de groupe, tout en se ménageant la possibilité, quasi indispensable, d’exposer seul. Indispensable, car on est toujours un peu noyé dans une exposition d’ensemble, et pour frapper l’opinion publique, il faut savoir émerger. C’est ce qu’ont fait certains amis de l’Oeuf, en demandant de temps en temps la liberté de ne pas participer à l’exposition annuelle.» (3)

    C’était le cas d’André Bricka. Mais avant de recouvrer son indépendance, il fit une tentative en faveur de l’abstraction, dans le cadre de ce que les critiques appellent la «Nouvelle Ecole de Paris» des années 1950. Il a évoqué ce bref épisode dans l’interview qu’il a donnée à «Saisons d’Alsace»

    «L’Ecole de Paris jetait ses derniers feux et l’abstraction sous toutes ses formes tenait le haut du pavé…Après quelques tentatives d’alignement, j’ai abandonné. Le sentiment de peindre sans joie ni nécessité me déprimait et me fit comprendre très rapidement que là n’était pas mon chemin. Je voulais établir un rapport plus profond avec ma vision personnelle, plus en harmonie avec moi-même, ma sensibilité, mais aussi retrouver le chemin du vécu et le dialogue indispensable avec le public.» (4)

    André Bricka a donc bien retenu la leçon du professeur Louis-Philippe Kamm: «peins comme tu parles, avec ton accent à toi. N’a raison que celui qui s’obstine à devenir lui-même.» Il convient de souligner que, tout jeune homme, André Bricka a fait preuve d’une facilité picturale plus qu’étonnante. Un de ses maître a dit un jour à Camille Hirtz «Je n’ai rien pu lui apprendre; tout ce que je lui demandais de réaliser, il l’exécutait du premier coup, sans erreur.» Cette grande facilité n’a pourtant pas empêché la recherche de son expression propre. André Bricka était le plus jeune élève de l’atelier de L.-P. Kamm, le plus doué aussi, se souvient son ami Camille Claus: «Il nous étonnait par la rapidité et la précision de ses croquis ainsi que par son ardeur à entreprendre des compositions de plusieurs personnages sur de grands formats.»

    La peinture de chevalet lui posant des problèmes, il s’est tourné vers la peinture décorative et c’est ainsi que pendant quelques années, il s’est consacré, au titre du 1%, aux écoles et églises d’Alsace qui étaient en voie d’être reconstruites. Bricka a réalisé des travaux importants de fresques, de mosaïques. Il décora notamment l’église des hôpitaux de Colmar en 1953, celle de Birlenbach et de Kunheim en 1955, et celle de Boofzheim en 1956. Il a également décoré des écoles à Strasbourg, Sélestat et Colmar.

          «J’ai vu de Bricka une fresque d’église, nous rapporte Jean Christian. Elle ressemble à ses tableaux. Je veux dire qu’en dépit d’un sens profond de la composition, elle n’était en aucune façon de l’art décoratif pour sanctuaires reconstruits. L’Art sacré vraiment s’y manifeste, et cela classe Bricka. Sa peinture ne vient de l’extérieur que dans la mesure où elle a besoin de formes, de volumes et de couleurs. Tout le reste s’anime de l’intérieur, et je sais que pour peindre une parabole, Bricka confronte toutes les versions qu’à travers les évangiles cette parabole peut avoir. Et l’image finale sera une composition personnelle qui comprendra tout cela.» (5)

 

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Les épreuves physiques et morales que la guerre a infligées à André Bricka ont profondément et durablement marqué son retour en Alsace. Cela s’est évidemment traduit dans sa peinture, notamment dans sa palette considérablement assombrie, par des couleurs plombées que sa pratique du «pleinairisme» n’était pas encore parvenue à éclaircir. Certains tableaux «étaient pleins de nuit, de visages tourmentés, de passions» a constaté Jean Christian. Il peignait essentiellement à l’atelier, rue des Frères à Strasbourg, dans une vieille maison, tout en haut, dominant quelques toits de la ville.

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La Cheminée, 1988
Technique mixte


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© Annette Wolff
Le pont Ste Madeleine, 1988
Technique mixte


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Photo: F. Walgenwitz
La Mort du pêcheur, 1963
Huile



 

    Ce n’est que peu à peu, lors d’un séjour en Bretagne en 1950, puis d’autres en Provence, à Venise, en Espagne, qu’il renonça à ce qu’il appelait sa période noire. Sa thématique elle-même évolua. Les scènes de genre, les portraits ont ainsi cédé petit à petit la place aux paysages, tandis que continuaient aussi à se modifier les techniques mêmes utilisées par l’artiste.

 

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La porte dérobée, 1985
Technique mixte

 

 

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Le pont Marco-Polo, 1984
Technique mixte


    «Le hasard  m’amena un jour en Grèce. Dans cet archipel des Cyclades: ma rencontre avec la lumière, la mer, le ciel, deux bleus superposés mais d’inégales valeurs, ces champs ocres, le blanc partout, omniprésent, sur lequel se profile le noir d’un cyprès ou la silhouette d’une femme…Ce fut un éblouissement, une révélation. Images simples, oubliées dans ce monde industrialisé et uniforme dans lequel nous sombrons.»

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Les Iles bleues
Technique mixte




© Annette Wolff
Le coin des pêcheurs à Naoussa, 1987
Technique mixte


«Cela s’est imposé à moi comme des vérités simples qu’il me semblait avoir perdues et retrouvées par miracle.

          « Ces éléments de la vie et la vie des éléments loin du flou du paysage alsacien, cette structure dans toute sa nudité, la répartition de l’ombre et de la lumière, tout cela m’apparaissait comme le juste équilibre des choses. J’avais l’impression de trouver là un style pictural universel Cette terre, impitoyable, brutale, sans compromis, ces hommes durs à la tâche et chaleureux dans leur cœur, je me reconnais en eux.

    La Grèce constitue le point culminant de l’évolution de son style. Elle est la dernière ligne droite du long chemin de la découverte de soi. Ses débuts, nous rappelle Camille Hirtz qui lui consacra un article de sa série: «Artistes de chez nous» des années 1950, marqués légèrement d’impressionnisme, sont pourtant empreints d’un réalisme conscient. Puis, la touche devient de plus en plus large et il procède par à-plats méthodiques et volontairement disciplinés. Le dessin est encore guidé par le sujet. Pourtant l’expressionnisme, résultant de la violence de ses sentiments, devient de plus en plus apparent



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Cavaliers dans la mer, 1980
Technique mixte



 

    

    «Essentiellement homme de dialogue, dira-t-il plus tard, je reste fidèle au contenu, à la figuration comme un élément important de communication, pour sortir de la solitude et de l’isolement croissants qui sont le lot de notre vie actuelle. Au-delà, pour ce qui est de la forme, je m’efforce d’établir des rapports nouveaux avec la nature, avec pour seule loi l’impératif  d’une expression qui me soit propre, le refus du laid, de l’absurde et du vulgaire, ce qui me place à contre-courant de la dictature et de la tyrannie des modes du grand business pictural international.» (6)

    «Ses tableaux étaient là, dit Jean Christian qui visitait son atelier…Je n’en ai trouvé aucun qui fût frêle ou facile; aucun de commun ou de banal» Une peinture personnelle, solide, attachante…André Bricka est, avant tout, l’architecte de ses œuvres. Mais, un architecte qui introduirait des touches intuitives, spontanées  pour ôter à sa construction ce qu’elle pourrait avoir de trop rigoureux. L’organisation des masses équilibrée, s’ouvre sur une perspective généreuse d’une profondeur qui donne une idée de l’infini.

 

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Le port de Naoussa (Paros), 1985
Technique mixte




Andre Bricka 111c.jpg © Annette Wolff
Rochers bleus à Naxos, 1982
Technique mixte



    Le «contexte figuratif», extrêmement dépouillé permet une répartition de la lumière particulièrement éloquente, «jusqu’à l’éblouissement», qui, elle-même, provoque l’extrême densité des couleurs, la force et la sobre beauté des bleus et des blancs. «Sous des cieux d’un bleu idéal et profond, se joue une véritable symphonie en blanc, on devrait dire de tous les blancs que l’oeil peut saisir et le rêve imaginer…».(7)

    L’art de Bricka est un art médité. «Ce qu’il peint, il le voit selon son âme» (8)

    Bricka a toujours affectionné la richesse de la pâte. Camille Hirtz, déjà, soulignait qu’épaisse et onctueuse, elle devenait moins sensuelle, tout en se révélant plus subtile et plus raffinée. Mais, «pourquoi employer l’imparfait ou parler au passé, fait remarquer Camille Claus, Bricka se conjugue au présent. D’abord, il est toujours là et ne dévie pas d’un hiatus du chemin qu’il trace depuis bientôt un demi-siècle. Ensuite, le jour où il ne sera plus parmi les vivants, son œuvre témoignera encore de ce qu’il est. Du monde vu et ressenti par l’homme. Image unique, communiquée par un œil, par un cerveau et par une main uniques.» Jean Christian a gardé le souvenir de ses longs doigts  tendus et remuants quand, un soir, il a tenté d’évoquer la dextérité des grands maîtres flamands.


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«Une main unique…»



    Camille Claus a dit très justement que le succès populaire de l’œuvre d’André Bricka n’est pas tributaire du niveau culturel du public. Sa peinture parle directement au contemplateur «sans qu’il soit nécessaire de faire appel aux béquilles de la littérature. N’importe qui peut la comprendre». Bricka lui-même, discret sur sa peinture ne la justifie jamais et la laisse parler toute seule…

Son style est marqué du sceau de l’Universel…

 

          André Bricka s’est partagé entre Strasbourg et la Grèce.
«Où donc était-il le
plus heureux, le plus conscient d’être celui qu’il est?». (
9)
Ses tableaux témoignent d’un même attachement, d’une égale reconnaissance.


Collection particulière
Toits de Strasbourg, la Krütenau
Huile

     « A travers le réel, brossé avec une exceptionnelle vigueur, émane avec une rare subtilité, toute l’ambiance des neiges d’antan, 

toute l’atmosphère d’autrefois, toute la nostalgie d’un monde qui s’en va.» (9)


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Naxos, l’île d’Amphitrite, déesse des mers, épouse de Poséidon…

Technique mixte

«L’ancienne petite ville de Naxos s’arme de ciment gris […] Au fond des vallées subsistent des oasis de vergers et de fleurs rassemblées autour d’une source». (10)

 

 

    A cette image née sous la plume de Michel Déon, répond «La vallée de Naxos», éclose du pinceau d’André Bricka. Le ciment gris prend des formes massives, cyclopéennes que l’artiste coiffe de blanc étincelant, parois aux crépis rugueux qui les anime. Aux oasis de vergers correspond un paysage qui fait chanter les ocres et les verts sombres. Avec, dans le lointain, une symphonie de bleus où le ciel, la terre et la mer se rejoignent.

  «Violences contrastées et silencieuses. C’est exactement ce que je peins. Il en résulte que je retrouve chaque année avec autant de bonheur mon atelier de Kolymbitris.» (4)

 

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Mykonos, 1978 (détail)
Technique mixte
Avec une pensée pour Nicolas de Staël?




© Annette Wolff
Jeux de lumière, 1980
Technique mixte

 

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Croquis préparatoire



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«Alexandra», 1984
Technique mixte

«Une déesse a surgi des flots. Elle se repose, hâlée, sur une roche blanche, et contemple son horizon familier. Elle est présente. Nue sur la pierre nue, dans un air et une eau nus. La vie est là…» (Camille Claus)


 

Les expositions d’André Bricka sont particulièrement nombreuses à partir de 1946. Expositions collectives, notamment, à Paris, Galerie Guenegaud et Drouand David, à Calais, Bordeaux, etc…Expositions personnelles, très majoritaires, à Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Offenbourg, Juan-les-Pins, Cannes, Lille, Toulouse, etc…Il expose en permanence à la Galerie La Licorne de Juan-les-Pins, Cannes et Paris.

          Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections publiques et privées dans le monde entier. Les musées de Strasbourg, Karlsruhe, Luxembourg et du Conseil de l’Europe s’honorent de posséder de ses oeuvres

          En 1971, André Bricka est nommé Chevalier des Arts et Lettres, il est lauréat de la Biennale Internationale de Tours où il a été élu «Peintre de la lumière» en 1986, et Lauréat de la «Xème Biennale Internationale de Lourdes», cité du Gemmail d’Art sacré pour la même année.

André Bricka est membre de l’A.I.D.A.

 

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Epreuve de gemmail



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© Annette Wolff
Sérigraphie


Andre Bricka 121c.jpg © Annette Wolff
Sérigraphie


          

    Quand Jean Christian interroge André Bricka sur le contexte artistique de l’époque, c’est-à-dire en 1989, il avoue «éprouver un sentiment de malaise, voire de colère» devant l’incroyable spectacle du show quasi ininterrompu d’expositions à propos de tout et de n’importe quoi […] à la façon de ces musiques dans les grandes surfaces qui se déversent sur leurs malheureux auditeurs-consommateurs. «Ce qui devrait rester exceptionnel est devenu quotidien». Par ailleurs, il regrette la tendance à enlever à l’œuvre son contenu esthétique pour le remplacer par un discours conceptuel ce qui amène ses adeptes à atteindre «les plus hauts sommets d’incompétence dans le domaine du savoir-faire», sans le moindre cas de conscience…

    Dans le même entretien, André Bricka soulève le problème de l’argent dans le marché de l’art, dictature d’une sorte de «bien-pensance», générée par les achats officiels, l’intervention massive du sponsoring dopé par les déductions fiscales, la pub qui s’ensuit dans les médias. Voilà la réalité du marché officiel qui décide «qui est un artiste et qui n’en est pas». Il domine celui des galeries d’art qui promotionne des artistes généralement sans grands moyens, ignorés souvent par la critique. «Ces deux systèmes sont pratiquement gelés. Il est quasi impossible de passer de l’un à l’autre»

    Quelle était alors la place de l’art indépendant et libre, celui qui n’obéit à d’autres lois que les siennes?

Quelle est sa place aujourd’hui?

 

André Bricka a échappé aux pressions de l’argent et du marché ainsi qu’aux phénomènes de mode. Il n’a obéi qu’à un seul critère: aller au bout de sa passion en travaillant obstinément et sans relâche à la recherche de soi.

 

 

 


 

Bibliographie

 

-       Camille Claus (1) – 1, Rue de l’Académie – Saisons d’Alsace

      

-       Gabriel Andrès – L’Histoire de l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg – Do Bentzinger, 2014

      

-       François Cacheux - 30 années aux Arts Déco – Saisons d’Alsace

      

-       Robert Heitz (2) – Etapes de l’art alsacien XIX et XXème siècles – Saisons d’Alsace N°47

      

-       Louis Fritsch (3) – Le groupe de l’œuf. Journal d’une expérience – Saisons d’Alsace N0 47

      

-       Jean Christian (9) – Bricka – La Buée Bleue, 1989

      

-       Jean Christian (4) – Artistes d’Alsace, André Bricka – Saisons d’Alsace, 1989

      

-       Jean Christian (5) – Artistes d’Alsace – André Bricka au sein de la peinture contemporaine – Saisons d’Alsace

-       Cité par Me François Lotz ( ….) - André Bricka, in Saisons d’Alsace (6)

      

-       Yves Hucher, in Nice-matin, 14 avril 1977 (7)

      

-       Camille Claus (8) – André Bricka, peintre indépendant – in Bricka – La Nuée Bleue, 1989

      

-       Michel Déon – Pages grecques – Gallimard, 193

 

        





 

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