Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr
                      

 

Alfred Doll

(1911-1981) 

   
 Un autodidacte pur 


Alfred Doll 97c


    

    La pratique de l’art suppose l’éducation du goût et la maîtrise des savoir-faire tels que «la chimie des couleurs, la syntaxe des traits, la conjugaison des volumes, comment se créent des effets de lumière ou se modifie une perspective». (1) Or Alfred Doll, dont l’œuvre remarquable a été apprécié par un large public, n’a suivi aucun enseignement dans ce sens, ce qui tend à prouver que le génie ne s’enseigne pas et que le don est inné. Courbet, en 1861, ne disait-il pas: «tout artiste est son propre maître, je nie l’enseignement de l’art.»? Il est vrai que l’œuvre d’art ne dépend d’aucune règle et ne vaut que par son originalité. Le génie se donne à lui-même sa règle, disait Kant, cité par Lucien Braun (1), ce par quoi l’artiste est incomparable.

 

    Alfred Doll est né le 24 janvier 1911 à Wihr-au-Val. Il est le fils de Joseph Doll et de Marguerite Levy. Il restera domicilié dans son village natal toute sa vie au 50, route de Gunsbach. En 1936, il se marie avec Justine Wagner. De leur union naît, en 1938, Fernande, leur fille unique.

 

 

Alfred Doll 98c

Alfred Doll dans son bureau

 

 

    Il a consacré sa vie professionnelle à l’administration. Il a été notamment employé au ministère de la Construction. En tant que tel, il fut le témoin attentif et bouleversé des villages martyrs de la Seconde Guerre Mondiale. Plusieurs tableaux, exécutés sur le vif, en font foi.

 

 

Alfred Doll 99cWihr-au-Val, Juin 1940

Aquarelle

 

 

                  Pour mémoire: Le 18 juin 1940, un bombardement aérien allemand de représailles détruisit 107 maisons, 70 granges, ainsi que le clocher de l’église et la mairie dont les archives partirent en fumée…

 

 

 

Alfred Doll 100cWihr-au-Val, Juin 1940

Aquarelle

 

 

    Grand voyageur, Alfred Doll, affectionnait particulièrement les pays de civilisation musulmane et l’Egypte ancienne. Les aquarelles qu’il en rapporte, sont exécutées manifestement sur le vif du sujet à partir d’un rapide tracé à la plume, allant à l’essentiel. Plus parlantes que des photos, elles nous font plonger dans la gorges du Rhumel à Constantine, nous séduisent par l’élégance des minarets de Sainte-Sophie, et par le contraste génial des coloris du bédouin posté en sentinelle. Observateur attentif et sensible, il sait capter les regards et rendre l’ambiance d’un harem par l’attitude nonchalante et apaisée des odalisques. La transparence des taches de couleurs, génératrices de lumière, fraîches, gaies confèrent à la scène grâce et légèreté.

Alfred Doll 101cLes gorges du Rhumel à Constantine

Aquarelle


Alfred Doll 102cSainte-Sophie de Constantinople

Aquarelle


Alfred Doll 103cBédouin face au désert

Aquarelle


Alfred Doll 104cPortrait

Aquarelle


 

Alfred Doll 105cLe Harem

Aquarelle

 

 

En 1975, il a présenté au Koïfhus de Colmar, les résultats de ses recherches sur les pyramides, notamment celle de Senousert 1er (ou Sésostris 1er -1962/-1928 de la XIIème dynastie). Cette quête solitaire qui occupait la plus grande partie de ses loisirs et qui dura plus de quarante ans, avait pour but d’essayer de résoudre l’énigme des pyramides.

    La lecture des nombreuses théories laissées par les archéologues, historiens, mathématiciens et autres philosophes ne lui ayant apporté aucune certitude, il s’est rendu plusieurs fois en Egypte, notamment en 1972, a lui-même, avec une obstination remarquable, repris toutes les mesures destinées à construire sa propre théorie. Et ce, en parfait autodidacte!... Elle repose sur un apriori: les pyramides ne sont pas que des tombeaux de pharaons.

    Elles sont, fait-il remarquer, situées dans un endroit privilégié pour l’observation astronomique. Il en déduit qu’elles servaient à contrôler le temps. «Les pyramides sont, j’en suis certain, le couronnement de longues observations antérieures  opérées à cet endroit privilégié, unique au monde, pour les études astronomiques et géodésiques»

    Alfred Doll est persuadé que les pyramides sont l’application d’une science perdue, capable d’observer les mouvements de la Terre vis-à-vis du Soleil et qu’elles contiennent des «clés» servant à retenir, à travers les millénaires, les connaissances acquises. Hélas, celles-ci demeurent cachées ou ont été volontairement dégradées par les initiés eux-mêmes… Cependant, notre chercheur a pu, grâce à ses calculs, réaliser une maquette qui explique son système de rotation de la Terre autour d’un point fixe.

 

Alfred Doll 106c

Alfred Doll 107cPhoto: F. Walgenwitz

Le Sphinx de Gizeh

Dessin au crayon

Alfred Doll 108cPlan de la pyramide de Senousert 1er

(Ou Sésostris 1er, -1962/-1928 de la XIIème dynastie) entourée de ses pyramides satellites

 

 

    Intégralement autodidacte, n’ayant jamais suivi aucun cours, jamais fréquenté aucune école, Alfred Doll est, avant tout, un aquarelliste, capable d’une extrême rapidité d’exécution comme il le prouve dans ses tableautins-souvenirs de ses voyages exotiques.

 

 

Alfred Doll 109cOdalisque

Aquarelle

 

 

    Les aquarelles qu’Alfred Doll produira par ailleurs sont pures, dépourvues de dessin préalable, technique cohérente, génératrice d’une grande fluidité. Les contrastes et l’utilisation des noirs, favorisent une lumière qui paraît avant tout naturelle comme dans cette «Cour de ferme au calvaire». D’esprit impressionniste, il aime varier sa manière. On peut effectivement considérer le «Bouquet au vase orange» comme un exercice de style qui s’apparente, volontairement ou non, à celui de Paul Cézanne par la simplification des formes, par les touches fragmentées, autonomes, libérées du dessin, sans mélange de préférence pour ne pas nuire à la luminosité, par la fonction constructive qu’il attribue à la couleur. Son impressionnisme peut le conduire aux frontières de l’abstraction dans cette «Aquarelle, 1943»

 

 

Alfred Doll 110cAu bord de la Fecht

Aquarelle

 

 

Alfred Doll 111cCour de ferme au calvaire

Aquarelle

 

Alfred Doll 112cVase orange

Aquarelle

 

Alfred Doll 113cAquarelle, 1943

 

 

    La technique de ses huiles est elle-même «tachiste». Le solide et la fluidité y sont en équilibre. Leur densité rappelle «la matérialité substantielle» de Pissarro. Coloriste, amoureux des saisons, Alfred Doll fait preuve d’une sensibilité innée à l’harmonie des couleurs. Son intention, quand il pose le chevalet devant un paysage qui lui plaît, est de fixer l’instant en tant que déclencheur d’une émotion, d’un état d’âme qui peut aller d’une certaine mélancolie à la jubilation lorsque la symphonie des couleurs est au rendez-vous… Ce que «La maison Renaissance» et l’aquarelle «Harmonie automnale» illustrent bien.

 

Alfred Doll 114cMittlach en automne

Huile sur toile

 

 

Alfred Doll 115cFond de vallée au printemps

Huile sur toile

 

 

Alfred Doll 115cL’abreuvoir

Huile sur toile


Alfred Doll 117cMaison Renaissance

Aquarelle


Alfred Doll 118cHarmonie automnale

Aquarelle

 

 

    Vivant à Wihr-au-Val, à l’entrée de la vallée de Munster, Alfred Doll est forcément attiré par les forteresses naturelles qui le dominent. Ses randonnées le conduisent vers les lacs silencieux où se mirent les sapins noirs, vers les fermes isolées abritées sous de grands toits auprès du tronc évidé d’une fontaine, vers la grandeur et l’austérité des sommets. De Mittlach, son point de passage favori, il gravit le Rothenbachkopf, emblématique de l’œuvre d’Albert Bayer et de François Fleckinger, sommet qu’il représente sous une impressionnante allure alpestre… Il fait halte au charmant Seestadtle, celui  qui, dans sa promenade, précède l’Altenweiher, plutôt que celui qui, plus loin, est blotti à l’ombre du Tanet. A l’instar de Robert Kammerer, il affronte les éléments pour capter les colorations typiques et l’ambiance de l’hiver.

 

 

Alfred Doll 119cMittlach

Aquarelle

 

Alfred Doll 120cFerme isolée

Aquarelle

 

Alfred Doll 121cHautes Vosges en hiver

Aquarelle

 

Alfred Doll 122cPaysage hivernal aux vieux saules

Aquarelle

 

Alfred Doll 123cLe Seestaedtle

Aquarelle

 

Alfred Doll 124cArbre mort

Aquarelle


Alfred Doll 125cLa Martinswand

Aquarelle


Alfred Doll 126cPetit pont de bois

Aquarelle

 

 

    De par sa profession d’employé au ministère de la Construction, Alfred Doll est, notamment après la seconde guerre mondiale, amené à visiter les villages des alentours de Colmar, la contrée la plus dense, la plus heureuse du vignoble, maintenant que la paix est revenue. Il témoigne de la beauté de ces petites villes et villages rustiques, pittoresques où le Moyen-Age survit dans le tracé des rues, dans les enceintes et les fortifications, où la Renaissance brille de ses ornements sculptés et de ses belles croisées à meneaux… Comme s’il était conscient de la fragilité des choses, certaines de ses esquisses sont empreintes de nostalgie. Dans tous les cas, il évite l’effet «carte postale» et le chomo-kitsch. Exposées en permanence dans les magasins d’encadrement et de souvenirs de Colmar, ses œuvres ont rencontré un vif succès auprès des touristes.

 

 

Alfred Doll 127cAmmerschwihr

Aquarelle

 

Alfred Doll 128cDambach-la-Ville

Aquarelle

 

Alfred Doll 129cEguisheim

Aquarelle

 

Alfred Doll 130cKaysersberg

Aquarelle

 

Alfred Doll 131cRibeauvillé

Aquarelle

 

Alfred Doll 132cRiquewihr

Aquarelle

 

Alfred Doll 133cTurkheim

Aquarelle

 

Alfred Doll 134cChâteau d’Andlau

Aquarelle

 

 

    Très présentes dans la thématique d’Alfred Doll, les fleurs méritent une mention spéciale. En plus d’être l’occasion de s’exercer à la lumière et à la couleur, leur grâce a fait d’elles un sujet de prédilection pour les peintres de tous les temps. En lui, elles éveillent une sensibilité profonde, celle d’un poète Apparemment, au-delà de toute signification symbolique qu’elles lui suggèrent, elles le remplissent d’admiration, lui apportent de la joie. Les émotions qu’il ressent se traduisent dans un style différent selon les fleurs qu’il peint. Les tableaux qui suivent illustrent cette synergie entre la touche du peintre et le message.

 

 

Alfred Doll 135cFleurs champêtres

Aquarelle

Fraîcheur, spontanéité, sûreté du trait

 

 

Alfred Doll 136cBouquet au vase bleu

Aquarelle

Elégance du mouvement, harmonie des formes et des couleurs

 

Alfred Doll 137cBouquet de roses

Aquarelle

Tendresse et poésie


Alfred Doll 138cComposition au vase bleu

Aquarelle

Apothéose impressionniste, la fleur glorifiée


Alfred Doll 139cExercice de style

Aquarelle

Jeux d’ombres et de lumière, coloris tout en nuances, formes sublimées, fond mystérieux.

Ambiance romantique

 

Alfred Doll 140cNature morte au bouquet de roses

Huile sur toile


Richesse, opulence, dans un style classique. Alfred Doll, à l’instar de Jehanne Schira, élève la composition florale au rang du grand art.

 

 

    Nous saluons en Alfred Dol un artiste authentique qui a su «mettre son génie dans sa vie et son talent dans son oeuvre» selon l’adage fameux d’Oscar Wilde, un homme curieux, questionnant le monde. Il a cherché le vrai, lui qui a trouvé le beau!... A sa manière fraîche et candide, il nous fait partager ses émotions dans son contact étroit avec la nature et nous invite, en nous faisant visiter sa petite patrie, à garder en éveil notre amour de l’Alsace.

 

 

 

Crédit photographique: F. Walgenwitz

 


 

 

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