Culturel
" L'analyse
d'une Oeuvre "
par
François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.frMartine Laforce
© E. Dabrowski |
«Le choix de la représentation de cette vieille ferme de La Wanzenau s’est imposé à moi comme étant emblématique de mon travail sur l’Alsace.
Tout y est: mon attachement au patrimoine, à ces patines des éléments que sont les torchis, les vieux grés, les tuiles qui nous content tant d’histoires à travers leur variété infinie de couleurs; ces traces de vie dans les matières constituent ce que j’ai coutume d’appeler la petite histoire sur fond de grande Histoire.
L’accumulation des tuiles se succédant avec, de temps à autre la césure d’un manque, d’un effondrement soudain, sont ma petite musique à moi, comme les notes sur une portée composant une mélodie, avec ses soupirs, ses pauses, ses reprises…Lors du tracé de ces toitures, j’assimile volontiers celui-ci à une écriture.
Les portails gauchis par les ans, bleuis par le temps, parfois envahis de mousse, laissent deviner un ailleurs par leur entrebâillement derrière lequel, dans la pénombre, on se plaît à imaginer le fatras d’une vie de labeur. Cela nous raconte ceux qui y ont vécu, y ont trimé, ont légué le lieu afin qu’il perdure.
Les tons chauds des torchis et des poutres érodées par le temps mais qui ne fléchissent pas, structurent la composition. S’il en est besoin, un fil électrique arrimé à un poteau vétuste ou un arbre dénudé et graphique viendront asseoir le sujet sur un fond dénué de ciel, afin de l’ancrer dans son environnement. C’est tout, et c’est bien suffisant! Le motif se trouve cloué là comme sur une planche botanique afin d’en savourer à loisir le graphisme, le détail, mis ainsi en valeur.
La vie sourd de ces lieux: au besoin, quelque volaille ou un outil déposé là viendront animer l’ensemble, mais le sujet principal reste le bâti.
Le contraste marqué des noirs qui viennent ponctuer une façade ou une toiture suffit à donner la profondeur, le relief à l’ensemble.
Un dessin rigoureux et une recherche de l’authenticité des tons visent à donner au tout un caractère de «témoin d’une époque».
Cela m’amènera tout naturellement à pousser l’investigation plus loin, via des plans de plus en plus rapprochés, des cadrages plus serrés, en une tentation du «presque abstrait» quand une porte ou un volet ne sont plus là pour rappeler que ce fragment appartient à une bâtisse dans son intégralité.
Il est important de ne pas perdre de vue que derrière de tels sujets, il y l’humain, le déroulement de son existence, son œuvre, ce qui en fait des espaces vivants et évocateurs. Je tente donc de rester au plus près de cette intimité des lieux et d’en retranscrire l’émotion ressentie dans l’instant.»
© Photo F. Walgenwitz |
C’est l’instant magique où un discret crayonnage se métamorphose en œuvre d’Art.
D’une main sûre et experte, Martine Laforce puise dans sa belle palette aux multiples nuances les patines authentiques d’un toit pittoresque.
Elle prouve que l’amour de la chose observée est primordial. L’interprétation donnée par l’artiste s’en nourrit. Celle-ci porte alors en elle une force manifeste, capable d’émouvoir.faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.