Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Lucien Haffen 



Magnolia du Quai Koch, 1965


Lucien Haffen 57
Huile sur toile (55x65cm)

    

    

    A l’occasion de l’exposition rétrospective de 2011 au Musée de la Folie Marco à Barr, Claudia, la fille de Lucien Haffen, se rappelle que «quand il est en Alsace, Lucien peint beaucoup le printemps, ses arbres en fleurs, les cerisiers aux fleurs délicates, les pommiers aux teintes rosées et les magnolias, sa grande passion

    Ceux du Quai Koch étaient assurément ses préférés.

    Comme à son habitude il se jette littéralement sur le sujet, on a tendance à penser que la spontanéité de Lucien Haffen exclut la notion même de composition  Manifestement, il a peint ce magnolia pour lui-même, exclusivement. Il a guetté le moment propice pour en saisir la beauté intrinsèque, sa beauté absolue…

Cependant, le choix de l’angle de vue, celui de l’emplacement où il a installé son chevalet semblent ne rien devoir au hasard. En effet, l’arrière-plan parfaitement équilibré entre les verticales du peuplier et des ombres portées dans l’eau et l’horizontalité de la rive judicieusement placée au tiers de la hauteur s’oppose au mouvement du magnolia, à sa courbe tout en souplesse. Nous sommes d’autant plus sensibles à sa flexibilité que celle-ci fait opposition à la raideur statique du pilier qui se dresse au bord de la «composition.»

    Oui, on peut parler de composition, car ce tableau est organisé. En témoigne l’exubérance florale du magnolia qui s’appuie sur un environnement discret de vert clair et de variations de bleu pâle que fait vibrer l’eau de la rivière. Son agitation réveille une campagne assoupie dont la paix demeure préservée à gauche du chatoiement mouvementé des fleurs écloses et fait contraste avec lui.

    Tout à son admiration devant cette vision édénique, Lucien Haffen, désireux de représenter le sujet tel qu’en lui-même, discipline et équilibre sa manière explosive. Ses accents nerveux, spontanés sont certes présents, mais son lyrisme intérieur et la séduction irrésistible qu’exerce sur lui le magnolia, font que la ressemblance prime. L’arbre est aisément reconnaissable. Lucien Haffen est fasciné par la forme parfaite des fleurs. Ses touches papillonnantes, cueillies sur une palette aux mille et une nuances allant du blanc au rose sont une savante alchimie de pigments, de lumière, de reflets du soleil.

    Pourquoi cet engouement pour le magnolia? Est-ce parce que la fleur est l’image d’une perfection à atteindre qui met l’artiste au défi? Lucien Haffen voit-il dans la fleur, le symbole des vertus de l’âme ou celui d’une harmonie céleste?

    Sans doute, sensible à la magie du développement spontané de la fleur, résultat de mystérieuses métamorphoses, Lucien Haffen a-t-il choisi le magnolia pour témoigner de l’éphémère brièveté de la vie, du caractère fugitif de la beauté et des plaisirs…

 

    Quoi qu’il en soit, dans cet authentique chef-d’œuvre, Lucien Haffen a réussi à concilier sa fiévreuse spontanéité, dictée par l’émotion, et une solide construction, signe d’une science innée.

                                                                                           
Lucien Haffen 78

 
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