Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          
 

Louis Wagner

 

Louis Wagner 101c.jpg

La Vierge et l'Enfant

Icône


     

    

    Le sens du sacré qui anime Louis Wagner prend sa dimension la plus significative dans la conception et la réalisation de ses icônes pour lesquelles l’artiste a tout accompli: le métal, le cadre de métal repoussé qui entoure les parties peintes, l’insertion des pierres; en un mot, tout.

    La tradition orthodoxe distingue quatre types iconographiques fondamentaux, ayant pour sujet la Théotokos, la Mère de Dieu; celle qui trône, celle qui prie, celle qui montre le chemin et la miséricordieuse, Vierge de tendresse. L’intention de Louis Wagner semble consister à représenter une Vierge, certes couronnée (donc, celle qui trône) mais dont l’expression est manifestement compassionnelle. C’est la Vierge de tendresse.

    «La question rituelle n’est pas esthétique, mais une question de profondeur du regard, que rien ne doit arrêter, de l’information que chacune de ces visions véhicule et des conséquences que le message peut avoir sur la vie quotidienne des civilisations qui s’en nourrissent.»

    Les revêtements d’or, d’argent, de cuivre, de pierres précieuses, de tissu, dont on ornait les icônes orthodoxes traditionnelles n’avaient pas de signification particulière, sinon de symboliser le minéral (l’or) le végétal (les pigments) et l’animal (l’œuf contenu dans les temperas), également présents dans l’être humain. Ils témoignent avant tout de la vénération portée à l’icône et la valeur qu’on lui accordait.

    Dans le cas des icônes conçues et réalisées par Louis Wagner, ces éléments de décors, par leur disposition, leur richesse, ont une valeur primordiale parce qu’elles répondent à l’objectif de l’artiste à atteindre le plus haut degré de splendeur et d’harmonie. Les plis du métal repoussé, rehaussés de bleu céleste, de jaune doré, la nacre blanche ou marron des perles, l’aigue marine, supposée factice, du cabochon porté par l’Enfant Jésus y réussissent parfaitement

    La «Vierge à l’Enfant» que nous présente Louis Wagner est fidèle à la tradition orthodoxe en ce sens que seuls les éléments chargés du message sont peints, comme le prouve le Christ Pantocrator (Créateur de tout) ci-dessous. Son originalité réside dans l’esthétique et la manière de transmettre son interprétation.

    Malgré la diversité des formes, le regard de la Vierge des icônes de la tradition, nous cherche. Son insistance est appuyée par la légère inflexion de la tête vers l’Enfant. Ce n’est pas le cas pour la Vierge de Louis Wagner. Nous ne nous sentons pas personnellement, intimement regardés. Son port de tête hiératique est la métaphore de son universalité. Son visage serein, paisible, est celui d’une maman, mais aussi, celui de «la liberté humaine, capable de dire «oui» à Celui qui Est, qui Etait, et qui Sera». Ses deux mains forment un trône pour son Fils qu’elle montre et soutient à la fois.

    Le visage du Christ est, ici, celui d’un enfant empreint d’innocence, de candeur, ce qui n’était pas le cas au XIVème siècle, par exemple. La conscience de sa mission est concentrée dans sa main qui bénit ceux qui regardent l’icône. Son geste est  différent de celui du Pantocrator. C’est celui d’un enfant, ce qui lui ôte la solennité traditionnelle, mais lui confère une sincérité, une tendresse tout humaine

    L’icône de Louis Wagner, au même titre que l’archétypale, ne représente pas le réel, mais le signifie, le symbolise, préservant ainsi le caractère inaccessible de la personne représentée. L’iconographe, lui, sait «lire» l’icône qu’il a «écrite». Le visible lui ouvre les yeux sur l’invisible. Il est ouvert. L’icône est un chemin…Elle est l’œuvre d’une imagination créatrice, habitée, subjectivée.

    Elle est plus qu’un message, elle est un messager, un ange…On ne regarde pas une icône, c’est elle qui nous regarde.

Ce regard, nous le devons, aussi, à Louis Wagner


                                    Louis Wagner 109c.jpg
Le Pantocrator ou Christ en Majesté
Icône du XIVème siècle
 
 
 

Référence: L’Icône, une école du regard de Jean-Yves Leloup – Le Club, 2012

 

 

Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être
faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.