Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Kazem Rezvanian

Kazem Rezvanian 59c.jpg
L'Envolée des Anges, 2017
Huile sur toile
, exclusivement réalisée au pinceau (1x1m)

       

        

Le message que l’artiste a voulu transmettre, la signification qu’il a voulu donner à l’œuvre, ne sont pas forcément saisis par le spectateur que nous sommes. Celui-ci est avant tout sensible aux qualités esthétiques du tableau. Comment voit-il, comment peut-il comprendre «L’Envolée des Anges»?

          L’œuvre est manifestement chargée de symboles. La ronde des angelots ailés, potelés, joufflus symbolise, ici,  la pureté, l’innocence de l’enfant, plutôt que les fonctions dévolues aux chérubins de Raphaël, porte-parole de Dieu, Ils n’appartiennent pas aux hiérarchies célestes présentes sur les tableaux du Trecento.

          Ils animent le firmament de la gaieté et de la grâce de leurs frimousses, de l’élégance de leur gestuelle, de la légèreté de leurs évolutions. Si Kazem Rezvanian, en les peignant, rend visible l’invisible, il le fait avec retenue, par touches impressionnistes, où la couleur est éminemment idéaliste, spiritualiste. Elle fait rêver…Notamment ce bleu, qui est justement la couleur originelle des ailes des chérubins, ce bleu qui fait penser à Victor Hugo, quand, dans «Booz endormi», il écrit:

L’ombre était nuptiale, auguste et solennelle;

Les anges y volaient sans doute obscurément,

Car on voyait passer dans la nuit, par moment,

Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

          La ronde céleste concentre sa jubilation sur la colombe vers laquelle les regards admiratifs, ébahis se tournent. Elle apporte sans son envol une douce lumière qui jaillit des profondeurs.

          Sa beauté, sa douceur, sa blancheur immaculée, l’érigent en symbole de pureté, de paix, d’harmonie; symbole d’espoir, de bonheur retrouvé; n’a-t-elle pas rapporté le rameau d’olivier à l’Arche de Noé? Semblable à eux par sa légèreté, par la liberté divine qui l’affranchit des contingences terrestres, elle est glorifiée par les anges.

Sa structure, son organisation et l’impression de paix et d’harmonie qui s’en dégage, apparentent ce tableau aux mandalas, terme bouddhiste. La construction de ces diagrammes circulaires, inscrits dans un carré, est une pratique spirituelle, un support de méditation. A l’instar de «L’Envolée des Anges» la mandala est remplie de symboles. Ni l’une ni l’autre ne sont de simples dessins. Cette œuvre de Kazem Rezvanian n’a-t-elle pas, elle aussi, un pouvoir thérapeutique pour retrouver équilibre, paix intérieure et cohérence? N’est-elle pas également un outil d’évolution?

          Notons que Camille Claus (1920-2005), imprégné de philosophie Zen, s’est servi de ces cercles magiques comme technique de relaxation. (Voir infra)

 

          En fait, l’intention de Kazem Rezvanian, qui est à l’origine de la réalisation de ce chef-d’œuvre de poésie, est différente. L’artiste a bien voulu nous révéler son dessein:

«J’ai toujours rêvé de voler comme les oiseaux. Petit, à onze ans, je sautais dans l’espoir de pouvoir m’envoler comme eux et j’en venais même à les jalouser. Je voulais y arriver…

          Un jour, mon père me demanda ce que j’étais en train de faire. Je lui ai donc expliqué mon projet de pouvoir m’envoler.

          Il m’a dit que l’attraction terrestre, la gravité, ne pouvait pas me permettre de faire cela, qu’elle nous maintient au sol, que c’était impossible. Mais que je pouvais m’envoler d’une autre façon. Il m’a expliqué qu’il fallait que je vole grâce à mon travail, que plus je progresserai dans mon art, plus j’aurai l’impression de voler dans les airs.

          C’est à ce moment-là que j’ai commencé à travailler énormément la peinture, sans relâche, pour progresser.»

E Kazem s’est métamorphosé en colombe!...

 

          Y a-t-il plus belle motivation que ce désir irrépressible de s’élever? Dans toutes les acceptions du terme. Mu par elle, Kazem Rezvanian a pris pleinement conscience que si on aime ce que l’on fait et si on fait constamment de son mieux, on devient un maître, on jouit pleinement de la vie. Il s’est, dès lors, placé sur le chemin qui conduit à la liberté personnelle.

          Le jugement esthétique est, avant tout fondé sur ce que le tableau laisse voir: l’originalité de l’espace figuré, l’influence de la lumière sur la qualité de l’ambiance, l’évocation du mouvement, la virtuosité du rendu de la texture, la capacité narrative du tableau… C’est-à-dire sur les domaines d’excellence par lesquels l’artiste s’exprime; ce qui fait dire à Hector Obalk qu’il y a plus à apprendre, en art, de l’analyse des effets que de la connaissance des causes. Pourtant, en ce qui concerne «L’Envol des Anges», nous sommes très heureux que Kazem Rezvanian nous ait mis dans la confidence en nous confiant son secret.




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Camille Claus
L'Oeil de la Nuit



 

 
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