Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Charles Spindler 



Anselme Laugel en conversation avec sa blanchisseuse


Charles Spindler 76
Aquarelle, vers 1900
© ADAGP



    Cette aquarelle est emblématique de l’œuvre peint de Charles Spindler pour plusieurs raisons qui tiennent au style, c’est-à-dire à la touche du peintre et au sujet, c’est-à-dire à l’ambiance qui en découle.

    La touche de l’aquarelliste s’identifie à des tonalités claires, légères qui confèrent à la scène une fraîcheur appréciée, voulue par l’artiste et que l’on retrouve dans d’autres tableaux tel, «La Gloriette du Jardin». L’aquarelle sied à merveille pour instituer les couleurs que la spontanéité et la vie saisie sur le moment révèlent à l’être sensible.

    Les nuances de vert, d’ocre, de bleu pâle qui servent à planter le décor sont fondues. Seuls les personnages et les objets qui constituent le sujet sont rendus en contours nets, les figures ayant la précision du portrait. Charles Spindler a peint son ami Laugel et sa blanchisseuse pour qu’on les reconnaisse!...En somme, le peintre est allé à l’essentiel, démarche qui préfigure les simplifications à venir, souvent hardies et toujours ingénieuses liées à l’adaptation de la composition décorative à la technique de la marqueterie, selon Marc Lenossos.

    Emblématique, cette aquarelle l’est surtout par ce qu’elle raconte, pour son exceptionnelle puissance narrative. La raison d’être du tableau est la «conversation», une communication intense - l’expression des visages le prouve – entre deux êtres qui symbolisent, l’une, le peuple alsacien, l’autre, l’intellectuel qui s’y intéresse et s’en fait le témoin providentiel.

    Il ne s’agit peut-être que d’un petit tableautin de genre, mais il est essentiel à la compréhension de la mission à laquelle Charles Spindler a voué sa vie. Il témoigne de l’attention qu’il porte au peuple. Outre les costumes et les coutumes, son sujet de prédilection, ce sont les hommes eux-mêmes. Il les photographie, les dessine, les peint, en allant à leur rencontre dans leur environnement ou en les faisant poser dans le jardin de son atelier. Enfants, jeunes gens, vieillards, hommes et surtout femmes, ont eu les honneurs de Charles Spindler. Campagnard lui-même, c’est tout naturellement qu’il a su gagner leur confiance en causant avec les gens rencontrés, en manifestant son intérêt, sa curiosité pour leur mode de vie, en évoquant des souvenirs personnels. Comme le fait, ici, Anselme Laugel.

    Charles Spindler s’intéresse à «ces Alsaciens qui affirment leur personnalité, la fidélité à leur passé, à leurs anciennes coutumes et surtout à leur langue maternelle.», ce dialecte riche en expressions pittoresques, les innombrables périphrases inspirées par l’ironie bienveillante et joviale qui est le cœur de tout Alsacien; ce dialecte qui a gardé un fond de naïveté, «cette aptitude à se réjouir d’un rien qui est l’apanage des peuples restés jeunes.»

    Cette aquarelle justifie aussi ce que Marc Lenossos dit de son créateur: «J’admire en lui l’artiste qui, même dans ses plus infimes productions, n’a jamais rien abdiqué de son talent et qui, par une recherche constante de la perfection, donne l’exemple concret d’une carrière à la fois probe et sincère.»


                                                                                           
Charles Spindler 77

 
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