Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Camille Claus



La Lecture


Camille Claus 122
1979 - Huile sur toile - 130 x 200 cm, Collection privée
© C.Claus


Camille Claus 123La Lecture, détail.
© C.Claus


        
    

    Artiste profondément marqué par l’écriture, grand lecteur lui-même et critique littéraire, Camille Claus rend, par sa «Lecture», hommage à la recherche spirituelle indissociable de l’amour de la nature. «Nos sens sont avides de savoir ce que notre raison refuse.»

    Hymne à la vie et à la nature: sujet double. Ainsi s’explique la composition en abyme, présentant un tableau dans le tableau, un paysage mis en relation avec une scène de genre.

    Les éléments du paysage, vus à travers une fenêtre largement ouverte, sont traités de façon précise. On comprend aisément que Camille Claus a voulu évoquer son pays «J’aime par-dessus tout la plaine d’Alsace et les Vosges, ces montagnes sans neiges éternelles, sans précipices, peuplées de gnomes et de fées.». La vue offre une perspective attirante qui donne au tableau une profondeur illimitée, signe de communion avec la nature découpée en quatre zones verticales dont le foisonnement de teintes douces aux couleurs de l’arc-en-ciel symbolise les quatre saisons, c’est-à-dire le temps qui passe. «Il faut accepter le cours des saisons non pour s’y soumettre, mais pour y participer.»

    L’espace intérieur, quant à lui, est à peine suggéré; sobre, dépouillé, c’est le domaine de l’esprit. L’impersonnalité du lecteur invite le spectateur à se confondre avec sa silhouette et à s’asseoir à la même table. Ainsi, il devient lecteur lui-même. Cette universalité le concerne. Les couleurs subtiles, éthérées, qui se déclinent dans un camaïeu de gris délavé et de jaune, sont les vecteurs et les réceptacles d’une lumière aux sources multiples. Cernées de contours à peine perceptibles, elles expriment la poésie du sujet qui se rapproche du surréalisme de Magritte avec, cependant, des décalages atténués. Par exemple, le livre ouvert dans un positionnement arbitraire en rupture délibérée avec les lois de la perspective. Par ailleurs, Camille Claus peint une rose au port altier qui se dresse dans un verre diaphane posé sur la table. C’est peut-être banal, mais la manière de faire, le trait épuré et le jeu des couleurs éteintes donnent à cette rose, paradoxalement, une monumentalité et une personnalité intenses. Sujet banal, mais intemporel.

    Tout est symbole dans ce tableau qui, au-delà de l’hymne à l’esprit et à la nature, convie le spectateur à méditer sur le problème de notre conscience du temps, sa tragique  irréversibilité; le temps qui fait de la mort notre horizon. Le caillou à facettes gris-argent évoque le temps minéral; la rose au dégradé de gris tendre, frangé de jaune matérialise le temps végétal; le chat au dégradé de roux qui nous regarde avec ses jeux verts, lumineux, représente le temps animal. Enfin le temps humain est personnifié par le livre ouvert sur la vie et la mort.

     Mais, est-ce un problème pour Camille Claus? Quand il dit: «Le soleil se lève, le soleil se couche avec la régularité d’une peinture naïve. Rien n’arrête le temps dans la tête des gens», il ajoute: «Frédéric – Camille – ne s’en soucie guère.» Pour lui, toujours, c’est maintenant! La vie a un sens à condition de la vivre ici et maintenant. «Puiser dans la pure contemplation aux sources même du divin.» Selon lui, l’artiste est celui qui vit consciemment, pleinement l’instant.

«La rue, les passants, le passé, le présent, la vie, la mort, tout devient évident.

Quelle harmonie!...quelle paix!...»

 

Une feuille tombe

Et frissonne l’étang

L’espace d’un instant.

Une vie apparaît,

Dessine quelques traits

Que balaie le temps



                                                                                           
CC 124

 
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